“L'enfant d'Internet“ : Aaron Swartz, mort d'avoir voulu propager le savoir

Le documentaire sur la vie et la mort d'Aaron Swartz, jeune informaticien prodige et activiste politique hors-normes, est un véritable pavé dans la mare de l'administration américaine. C'est aussi un film passionnant et très émouvant. "Internet's Own boy" (l'enfant d'Internet) est en accès gratuit sur le réseau mondial. Retrouvez-le dans son intégralité à la fin de notre article.
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“L'enfant d'Internet“ : Aaron Swartz, mort d'avoir voulu propager le savoir
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Aaron Swartz, jeune informaticien prodige, aurait pu devenir l'un des leaders des "géants de l'Internet", tels ceux de Google ou Facebook, nageant dans un océan de dollars. Ce ne fut pas son choix, au contraire, puisqu'il fut l'un des plus ardents promoteurs et défenseurs de la propagation du savoir et du libre accès à la connaissance. Depuis son décès en janvier 2013, le monde de l'Internet pleure ce grand esprit, au point que l'Internet Society (ISOC) a décidé de le faire entrer dans le Temple de la renommée d'Internet (Internet Hall of Fame), aux côtés de personnalités de l'informatique bien vivantes et incontournables, telles Linus Torvalds (créateur du noyau Linux du système d'exploitation informatique libre GNU/Linux), ou Tim Berners-Lee, l'inventeur…du World Wide Web !

Le documentaire "L'enfant d'Internet" retrace le parcours extraordinaire d'un jeune garçon passionné d'informatique qui voulait "rendre le monde meilleur". A 12 ans, Aaron Swartz code un système d'encyclopédie contributive en ligne — en réalité, l'ancêtre de Wikipedia. A 14 ans il est l'un des co-créateurs du format de données RSS (Really Simple Syndication, Le RSS permet de s'abonner à des sites d'informations pour en recevoir les contenus et les mises-à-jour automatiquement). Swartz n'a pas 16 ans quand Lawrence Lessig fait appel à lui pour créer le système de protection intellectuelle Creative Commons, désormais utilisé par des centaines de millions de créateurs, et mondialement reconnu.

Mais c'est une fois adulte que le parcours d'Aaron Swartz prend une tournure fascinante et forge sa légende : "l'enfant d'Internet" veut changer le monde, et y parvient, grâce à son organisation "DemandProgress", forçant le Congrès américain à voter contre les lois liberticides de filtrage internet, SOPA et PIPA.

Le droit à l'information, à l'échange et à la propagation des savoirs, l'accès aux données publiques, sont au cœur des préoccupations et de l'action d'Aaron Swartz, soutenu dans cette voie par plusieurs figures du droit public et de l'Internet américain.

L'affaire de la base de données PACER (Public Access to Court Electronic Records), le fait remarquer auprès du FBI en 2008. Le "Service de publication des décisions de justice américaines", est public, mais payant (8 cents la page), ce qu'Aaron Swartz dénonce comme une injustice et une irrégularité flagrante. Un "acte gouvernemental illégal". Swartz télécharge alors sans payer 2,7 millions de pages de la base de données PACER et les offre à l'organisation à but non lucratif "Public.Resource.Org" dirigée par Carl Malamud, avocat spécialiste des questions de domaine public. Le FBI débute une enquête, mais aucune charge n'est retenue contre Swartz. Le projet RECAP débute alors, avec la mise en ligne gratuite des documents du domaine public de PACER récupérés par Aaron Swartz. Le logiciel RECAP continue d'alimenter Archive.org, "la mémoire d'Internet". Les 2,7 millions de pages téléchargées à l'origine par Aaron Swartz ne correspondent qu'à 1% de l'ensemble des documents contenus dans PACER.

C'est le téléchargement par Aaron Swartz, de documents scientifiques —en accès libre— depuis le prestigieux MIT (Massachusetts Institute of Technology) où il est invité, qui déclenche les foudres du FBI et d'un procureur. l'Etat américain poursuit le jeune informaticien avec 13 chefs d'inculpation et le menace d'une peine de 35 ans d'emprisonnement, alors que l'entreprise JSTORE qui héberge les documents a pourtant retiré sa plainte. Le MIT ne fait rien, ni pour protéger le jeune homme ni pour l'enfoncer. Le verdict n'est jamais tombé : Aaron swartz s'est suicidé le 13 janvier 2013.

Son histoire est édifiante, et démontre qu'une seule personne peut changer en partie le monde, mais aussi, que ceux qui luttent pour un "monde meilleur et plus juste", rencontrent la résistance, voire la persécution des Etats et d'une justice qui ne semble plus vraiment au service du bien collectif.

Ce que disait Aaron Swartz à ce propos résonne d'ailleurs de façon inquiétante aujourd'hui , un an et demi après sa mort :

"L’information c’est le pouvoir, mais comme tout pouvoir, il y a ceux qui veulent le garder pour eux-mêmes."

Ce documentaire est en lecture ou téléchargement libre et gratuit, sous licence Creative Commons CC-BY-NC-SA (Paternité - Non commercial - Partage à l'identique). Cette licence permet le libre partage du documentaire, à la condition de se limiter à une utilisation non commerciale.

 

The Internet's Own Boy (Version originale, sous-titrage français)