Leonardo DiCaprio, un écologiste convaincu... et convaincant ?

Dans Avant le déluge, Leonardo DiCaprio alarme sur l’avenir sombre promis à la Terre si personne ne fait les efforts nécessaires à sa préservation. Mais l’acteur est-il crédible lorsqu’il revêt ses habits de défenseur de la nature ? Quel impact son discours peut-il avoir ? Analyse de la genèse de son engagement.   
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Leonardo DiCaprio
Leonardo DiCaprio lors de la cérémonie des Nation unies pour l'accord de Paris sur le changement climatique, le 22 avril 2016 à New York.
©AP Photo/Mary Altaffer
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Leonardo DiCaprio est « un écologiste véritable et engagé », le Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon en est persuadé. Le 16 septembre 2014, il nomme l’acteur Messager de la Paix sur la question du changement climatique. Deux ans plus tard, Leonardo DiCaprio prend son rôle à bras-le-corps. Dans Avant le déluge, le documentaire de Fisher Stevens, dont il est à la fois acteur et producteur, il somme l’humanité d’agir urgemment pour endiguer la crise climatique car elle seule pourra y parvenir. Et ce n’est sûrement pas un hasard si le film sort à quelques jours de l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris (4 novembre) et de l’élection présidentielle américaine (8 novembre).

Un documentaire bien accueilli

Charlotte Izard, responsable climat et territoires au Réseau action climat, salue la qualité de ce documentaire « à la fois très réel du point de vue des faits scientifiques et alarmiste du point de vue de l’urgence climatique. Il parvient à balayer tous les sujets du changement climatique – les énergies fossiles, le poids des lobbies industriels sur les politiques, l’alimentation, les négociations internationales etc. – en 1h30. » « On n’est plus dans l’écologie de l’éco-geste, mais dans la responsabilité des politiques publiques, des industriels » souligne-t-elle.

Pour Camille Brunel, journaliste et critique de cinéma, le film est brillant : « DiCaprio démonte pièce par pièce les climato-sceptiques dans la première demi-heure, et finit par une entrevue avec le pape en guise de coup de grâce pour tous ces Américains, plus nombreux et nocifs qu'on ne le croit qui, parce que Dieu existe, refusent que les choses puissent être aussi terribles qu'on ne le dit. C'est un film très pragmatique, très futé. »

 
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Leonardo DiCaprio et Fisher Stevens, producteur et réalisateur d'Avant le déluge, le 15 octobre 2016 à Londres.
©Photo by Vianney Le Caer/Invision/AP
La réussite d’Avant le déluge réside également dans l’habileté du réalisateur à semer des idées puis de les laisser se développer dans la tête du spectateur. « Le documentaire fait, chose rare, passer mine de rien l'impact du régime alimentaire avant celui de la consommation de plastique et de pétrole. Mais loin d'asséner un "Go Vegan" nunuche à la manière d'Earthlings de Shaun Monson, par exemple, Avant le Déluge se contente de dire "Essayez d'arrêter de manger des vaches" (puisque les chiffres sont accablants), "mangez plutôt des oiseaux" – mais en même temps, en tout petit, dans le coin de l'écran, il suggère quand même qu'on peut aussi manger végétal (Leonardo DiCaprio est végétarien, ndlr), que l'impact environnemental de ce régime-là est cent fois moindre... sans insister » explique Camille Brunel. 

Le film possède un atout supplémentaire. Il donne vie aux chiffres, aux statistiques. « On rencontre les Inuits qui disent que la banquise fout le camp, les orangs-outans enfermés dans des cages parce qu'on a détruit leurs arbres... » poursuit Camille Brunel. Selon lui, le documentaire réunit tous les ingrédients d’un succès annoncé. « Avant le déluge assure le côté poudre aux yeux (les voyages, les stars comme Barack Obama), le côté rhétorique (DiCaprio est discret et humble) et le côté optimisme. C'est tout ce qu'il faut. » Charlotte Izard confirme que l’espoir est permis. « Certains voyants de la transition énergétique passent au vert , le documentaire le raconte très bien. En matière de capacité, les énergies renouvelables ont dépassé la production de charbon depuis l’an dernier. Le fléchage de la transition énergétique est en marche. »

Sa notoriété au service d’une cause

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Leonardo DiCaprio lors de la COP21 à Paris le 4 décembre 2015.
©AP Photo/Francois Mori
Mais au-delà du contenu d’Avant le déluge, l’atout du film ne résiderait-il pas dans la force de frappe de l’acteur superstar d’Hollywood ? C’est en tout cas ce que pense Charlotte Izard « on peut espérer que Leonardo DiCaprio, du fait de son poids médiatique, interpelle l’opinion publique et les dirigeants mieux que quiconque. En plus, il ne pratique pas la langue de bois et pose les bonnes questions. Et cela fonctionne puisque les médias relaient énormément son documentaire sur les réseaux sociaux. »

Lorsque, dans le documentaire, l’acteur encourage les citoyens à voter pour des candidats qui font de la lutte contre le changement climatique le coeur de leur campagne, l’impact peut s’avérer énorme. Car, au final, ce sont ces derniers qui « mettent en place la transition énergétique et feront appliquer l’Accord de Paris » convient Charlotte Izard. « Il faut faire pression sur les dirigeants » martèle Leonardo DiCaprio, dans Avant le déluge, sans aucun artifice. Son message sera-t-il suivi ? Plus de sept millions de personnes ont, en tout cas, regardé le film sur Youtube en cinq jours.

Un porte-parole authentique

A ceux qui remettent en cause la légitimité de Leonardo DiCaprio pour parler du changement climatique, du fait de son statut d’acteur, comme le font régulièrement certains journalistes américains, Charlotte Izard répond sans ambages « il est très crédible dans ce documentaire. Surtout, il sait s’effacer pour laisser la parole aux experts, aux militants, aux chiffres. On regarde vraiment le contenu et pas l’acteur. »

 
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Leonardo DiCaprio et Barack Obama discutent du changement climatique à la Maison Blanche le 3 octobre 2016.
©AP Photo/Carolyn Kaster
Camille Brunel est aussi de cet avis. « Si une célébrité décide de s'engager pour une cause qui est juste, et qu'elle le fait au point d'aller prendre la parole aux Nations unies, je pense qu'elle a suffisamment donné de sa personne pour qu'on cesse de la soupçonner de faire ça pour la gloire. C'est toujours très risqué de s'engager pour une cause. A partir du moment où il y a engagement, il y a risque : si la mode est de prendre des risques, alors tant mieux. »

« Comme beaucoup de monde, il n'a sûrement pas envie de voir l'humanité continuer à faire n'importe quoi parce qu'elle tourne encore avec les vieux logiciels du XXe siècle. Moi je peux écrire sur le végétarisme, lui, il peut tourner des films avec Barack Obama et le pape. Ce n'est parce que son action est plus spectaculaire qu'elle est moins sincère » poursuit le journaliste.

Engagé depuis 20 ans

L’engagement de l’acteur pour l’environnement ne date pas d’hier. En 1998, alors qu’il est sous le feu des projecteurs avec la sortie de Titanic, il crée la Leonardo DiCaprio Foudation afin de protéger les dernières zones sauvages du globe. Son objectif est de sensibiliser le public sur les grands enjeux environnementaux tels que la conservation des océans, la protection de la biodiversité et le changement climatique. En une vingtaine d'années, la fondation a soutenu quelque 70 projets d'associations et d'ONG en leur consacrant près de 60 millions de dollars, comme la restauration du littoral en Somalie et la préservation de la forêt Atlantique du Brésil.

A la même époque, il se rend à Washington pour interviewer le président des Etats-Unis Bill Clinton. Déjà, Leonardo DiCaprio veut faire entrer l’écologie dans les esprits. « A ce moment là, je suggérais de changer les ampoules. Mais la situation s’est considérablement aggravée depuis » avertit l’acteur dans Avant le déluge. Il y confie également avoir grandi à Los Angeles, loin de la campagne et de la nature. Mais ce sont ses visites régulières au Musée d’histoire naturelle qui lui font prendre conscience de la responsabilité de l’humain dans la disparition des espèces et la destruction de l’écosystème : « La différence entre avant et aujourd’hui, c’est que maintenant on le fait en connaissance de cause. »  
  Sur les réseaux sociaux, pas une publication de l'acteur sur sa vie privée ou la promotion des films dans lesquels il tourne. Ses comptes Instagram, Facebook et Twitter sont exclusivement dédiés à la cause qui l'habite.

Un combat au cinéma

Selon Camille Brunel, Leonardo DiCaprio est indéniablement engagé à l’écran : « Il a quand même tourné dans les films les plus ouvertement politiques de Martin Scorsese, Clint Eastwood, Quentin Tarantino ou Ridley Scott. Mais si cet engagement traduit toujours une volonté d'amener le public à voir autre chose que ce qu'on lui montre d'habitude, The Revenant et Avant le Déluge sont ses premiers films ouvertement écolos. » Dès 2007, il amorçait cependant son engagement au cinéma en produisant La 11e heure, le dernier virage, puis la version pour Netflix de Cowspiracy (2015), deux documentaires éminemment axés sur l'environnement.
 

Avec Avant le déluge, l’engagement est clairement énoncé. En revanche, dans The Revenant « il fait passer un message écolo quand il vient récupérer son Oscar, et qu'il rappelle devant l'Académie que pour trouver de la neige pour The Revenant ils ont dû aller à la pointe Sud de l'Argentine parce qu'au Canada il faisait trop chaud. Son discours me donne encore la chair de poule, c’est un vrai chef-d'oeuvre » confesse le critique de cinéma. 

Ainsi, pour Camille Brunel, le message de The Revenant est plus subtil puisque « le film raconte quand même l'histoire d'un petit bonhomme au milieu des animaux, de la forêt, d'un monde qui le dépasse totalement. C'est la base de la conscience écologiste : quand on comprend que le monde est plus grand qu'on ne peut l'imaginer. » 

Leonardo DiCaprio est attendu à Marrakech pour la COP22, qui a lieu du 7 au 18 novembre, aux côtés d'un autre acteur engagé pour la cause environnementale, Robert Redford. 
 
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