Fil d'Ariane
Le locataire de la Maison-Blanche a fêté seul ses 82 ans alors que Donald Trump, né quatre ans après lui, prépare son retour triomphal. Logique: les 82 ans de Joe Biden resteront comme une faute et un mal pour la démocratie américaine. Éditorial de Richard Werly.
Le président Biden lors du sommet du G20 à Rio le 19 novembre 2024.
Joe Biden est malade. Il tremble. Il n’est sans doute plus capable de marcher une distance raisonnable sans s’appuyer sur l’épaule de quelqu’un. Voilà ce que les Américains disent aujourd’hui ouvertement, y compris chez les électeurs démocrates, alors que le président des Etats-Unis a célébré son 82 e anniversaire mercredi 20 novembre.
Joe Biden ? Un vieillard presque sénile, qui a fini par faire peur à une majorité de ses compatriotes. La phrase fait mal, mais elle correspond à ce que l’on entend ces jours-ci à Washington, bastion démocrate, où personne ne murmure le fameux «Happy Birthday Mister President» !
Mais il ne pouvait pas offrir plus. Un nouveau candidat, un démocrate centriste, aurait en revanche pu le faire.
Mike Murphy, ancien conseiller de John Mccain
Joe Biden ou un mandat présidentiel transformé en tragédie par l’âge et par le manque de réalisme du Commander in Chief qui avait réussi, en 2020, à déloger Donald Trump de la Maison Blanche. «Les 82 ans de Biden n’ont rien à voir avec les 78 ans de Trump admet, à la bibliothèque du Congrès, juste à côté du Capitole, un assistant du sénateur démocrate John Fetterman, élu de Pennsylvanie. Il faut le reconnaître, Biden nous a tous trahi. Il a gâché son bilan, son image, et le parti».
Connu pour ses tenues excentriques – il vient parfois en short – sous la coupole du Sénat américain, son patron a pourtant soutenu jusqu’au début juillet la candidature du président sortant. Etait-il sincère? Les Américains, eux, avaient tranché. Près de 86% d’entre eux, selon un sondage réalisé en début d’année par la chaîne ABC, considéraient Biden trop âgé pour remplir encore ses fonctions pendant quatre ans.
Risée des réseaux sociaux
Impossible, donc, de dissocier le bilan politique des années 2020-2024 de cette descente aux enfers cognitive. Samedi 17 novembre, la conférence de presse de Joe Biden au musée de la forêt amazonienne, à Manaus, est très vite devenue la risée des réseaux sociaux.
Comme perdu devant les caméras, le président américain s’est après quelques phrases retiré, hésitant, derrière un rideau d’arbres. «Sans doute l’intervention la plus surréaliste d’un président en exercice depuis que la télévision existe» ont admis plusieurs correspondants américains présents sur place.
Mais pourquoi, alors, en est-on arrivé là? Pourquoi avoir attendu le désastre du débat télévisé contre Donald Trump, le 27 juin, pour décider enfin de se retirer, via une lettre aux Américains diffusée un mois plus tard, le 21 juillet?
«Il faut sans doute mettre cette erreur sur le compte de son état de santé" commentait ces jours-ci «The Hill», le média en ligne qui relate les faits et gestes du Congrès. Si plusieurs sénateurs comme Joe Manchin (qui vient de prendre sa retraite après s’être souvent opposé au président sortant) n’avaient pas dit stop, personne ne l’aurait obligé à se retirer.
Machine démocrate détraquée
Le drame de Joe Biden est celui d’une machine détraquée: celle du parti démocrate. Trop axé sur les questions d’identité, de genre et de droits des femmes, trop éloigné des «Blue collars» (les cols-bleus) pour lesquels Biden a pourtant mis en place des politiques efficaces. Le parti de JF Kennedy, Bill Clinton et Barack Obama n’a plus les relais indispensables pour ouvrir les yeux sur certaines réalités.
Biden aurait-il persisté si, comme cela était le cas dans le passé, les leaders syndicaux l’avaient entouré et lui avaient parlé franchement? Une décision, en tout cas, aurait dû alerter l’ex Sénateur du Delaware, élu pour la première fois en 1972: le refus du patron des Teamsters (les routiers) Sean O’Brien, de le soutenir. «Biden et les démocrates de Washington sont entourés de gens qui ne font pas des métiers durs et qui pensent pouvoir rester en poste à perpétuité. S’il avait davantage parlé aux électeurs, il aurait compris que son âge était un problème très sérieux» reconnaît, à Washington, l’activiste afro-américain Robert King.
La campagne de la peur
«Unhappy Birthday, Mister President» (Mauvais anniversaire, Monsieur le président). Telle était la réalité ce mercredi 20 novembre, lorsque Jill Biden a, selon les médias, apporté un gâteau à son mari.
«J’ai été fier d’être aux côtés de Joe Biden dans cette guerre anti-Trump, en dépit de mon conservatisme. Mais il ne pouvait pas offrir plus. Un nouveau candidat, un démocrate centriste, aurait en revanche pu le faire", juge Mike Murphy,The Hill» un ancien conseiller du défunt sénateur républicain John Mc Cain.
Biden a perdu le combat face à la grande faucheuse de la politique. Lorsque vous êtes perçu comme un perdant certain, vous le deviendrez. La psychologie des campagnes est basée sur la peur. A 82 ans, l’entêtement de Joe Biden a infligé à la démocratie américaine une blessure qu’il ne sera pas facile de cautériser.
Retrouvez les articles de Richard Werly sur Blick au coeur de la campagne américaine :
https://www.blick.ch/fr/monde/elections-americaines/