Fil d'Ariane
« La sévère sécheresse et le climat extrême ont transformé quasiment tout l’Etat en poudrière », constatait vendredi 31 juillet le gouverneur Jerry Brown en décrétant alors l’état d’urgence pour son Etat de Californie. Les pompiers y combattent depuis plusieurs semaines des incendies qui ravagent la côte ouest américaine qui risque de battre un record de feux pour cette année 2015. L’extrême sécheresse que connaît la Californie participe largement à la propagation de ces incendies. Pour la quatrième année consécutive, les Californiens ont d’ailleurs été appelés à réduire leur consommation en eau.
Sur la côte Est du pays, c’est un tout autre climat qui sévit. En Floride, des trombes d’eau ont entraîné des inondations. A Cross City, au nord de l’Etat, il est par exemple tombé l’équivalent de trois semaines de précipitations en seulement 24 heures.
C’est dans ce contexte d’extrêmes phénomènes climatiques que le président américain a présenté lundi 3 août son « Plan pour une énergie propre » (« America’s Clean Power Plan » ou CPP ) à peine cinq mois avant le sommet sur le climat COP 21 qui se tiendra en décembre à Paris.
L’objectif de cette grande messe sur le climat est de limiter à 2 degrés Celsius le réchauffement mondial d'ici à 2100. Les Etats-Unis ont d’autant plus leur rôle à jouer dans cette COP 21 qu’ils sont - derrière la Chine - les plus gros émetteurs de CO2 , un gaz qui contribue fortement à l’augmentation des températures et donc au réchauffement climatique.
L’accord signé en novembre 2014 avec la Chine en amont de la COP 21, avait d’ailleurs été qualifié d’historique. Les Etats-Unis avaient alors promis de baisser leurs émissions de gaz à effet de serre de 26 % à 28 % d'ici à 2025. « On espérait que les Etats-Unis, confortés dans le fait que les Chinois allaient s’engager iraient plus loin et mettraient une contribution financière sur la table. Mais ils ne l’ont pas fait », regrette Célia Gautier, responsable à l’ONG Réseau Action Climat.
Mais le président américain n'a pas manqué de susciter nombre de réactions avec ses dernières déclarations. Comme certains de ses homologues, Barack Obama a donc annoncé des objectifs environnementaux que les États américains devront atteindre afin de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre dont la plus grosse part, soit 31%, sont émis, aux Etats-Unis, par la production d’électricité, selon des chiffres de 2013 de l’Agence américaine pour la protection de l’environnement (EPA).
C’est précisément dans ce secteur que Barack Obama veut réduire les émissions du plus important gaz à effet de serre : le dioxyde de carbone (ou CO2) qui représente une part de 82% des six gaz à effet de serre (répertoriés dans le protocole de Kyoto) émis par les Etats-Unis en 2013 (devant le méthane 10%).
Le président américain a donc décidé de s’attaquer aux centrales électriques à combustion d’énergie fossile (charbon gaz, pétrole) qui émettent, à elles seules, selon l’Agence américaine de protection de l'environnement, 37% du dioxyde de carbone rejeté par le pays entier en 2013, devant les transports (31%) et l’industrie (15%).
La proposition phare du président, revue à la hausse depuis la première version divulguée il y a un an, consiste à réduire les émissions de carbone de ces centrales électriques de 32% d’ici 2030 par rapport aux niveaux d’émissions relevés en 2005. Dans son projet initial, Barack Obama projetait une baisse de 30%.
Si ce secteur de la production d’électricité est le plus gros émetteur de dioxyde de carbone c’est parce que 39 % de l’électricité américaine est produite dans des centrales à combustion de charbon (voir en encadré). Ce combustible est responsable de près de 77% des émissions de CO2 dans le secteur de l’électricité, selon l’EPA devant le gaz et le pétrole.
- Charbon : 39%
- Gaz naturel : 27%
- Nucléaire : 19%
- Hydoélectrique : 6%
- Autre énergies renouvelables : 7%
>Biomasse : 1.7%
>Géothermie : 0.4%
>Solaire : 0.4%
>Eolien : 4.4%
- Pétrole= 1%
- Autre gaz : < 1%
(Source : US Energy Information Administration)
Avec le plan d’Obama, les États ont le choix entre fermer leur centrale électrique à combustion de charbon ou développer davantage les énergies renouvelables éoliennes et solaires sur leur territoire qui ne représentent aujourd’hui que près de 13% (énergie hydroélectrique inclue) de la production d’énergie aux Etats-Unis. Les Etats de la Fédération ont deux ans pour présenter leur propre plan qui leur permettra de remplir les objectifs imposés par le président.
Rapidement, le plan proposé par Barack Obama a été salué par la candidate démocrate à la présidentielle, Hillary Clinton.
L’Union européenne a aussi plébiscité cette annonce par la voix du commissaire européen chargé du climat Miguel Arias Canete considérant que ces propositions montrent « la volonté des Etats-Unis de soutenir leurs engagements internationaux sur le climat par des actes sur le plan national ».
Mais en dévoilant son plan et particulièrement cette mesure sur les centrales électriques, surtout celles à charbon fortement émettrices de C02, le président a suscité l’ire des Républicains qui y voient une décision « dévastatrice » pour l’économie américaine.
Le groupe de pression pro-charbon l’"American coalition for clean coal electricity" a indiqué de son côté pouvoir poursuivre en justice l’administration de Barack Obama pour « un plan illégal visant à faire grimper les prix de l’électricité et à retirer aux gens leur travail ».
L’effet d’annonce d’Obama a inondé les médias et pourtant il ne s’attaque qu’à une source de CO2 dans un secteur très spécifique alors que bien d’autres domaines demanderaient à être régulés aux Etats-Unis comme le souligne Célia Gautier, une responsable du Réseau Action Climat : « ce plan s’attaque à un tiers seulement des émissions de gaz a effet de serre aux Etats-Unis. C’est un tiers important car c’est celui qui repose sur le charbon, et il faut s’attaquer au charbon en premier, mais il y aussi énormément d’émission de gaz à effet de serre qui proviennent du secteur des transports, de l’agriculture, de l’industrie, du bâtiments, … Sur les véhicules des particuliers, il commence à y avoir des normes tout autant, sinon plus strictes, que celles en Europe. Mais pendant des années, les véhicules américains consommaient énormément d’énergie. Là où le bât blesse c’est aussi sur l’agriculture et le transport aérien qui n’est absolument pas régulé pour l’instant. »
Célia Gautier rappelle le triple enjeu de la COP 21 à Paris : acter que la principale cause du réchauffement climatique est la combustion des énergies fossiles pour entrer pour de bon dans l’ère des énergies renouvelables, s’adapter aux impacts déjà visibles des changements climatiques (sécheresses ou inondations) et mettre en place des solidarités envers les pays en développement.
Cette responsable du Réseau Action Climat dresse un constat plutôt sévère sur les Etats-Unis : « Obama ne s’engage pas suffisamment sur la question de énergies fossiles car il faudrait qu’il se pose aussi très sérieusement la question du carburant et du pétrole. Les Etats-Unis sont en train de devenir le premier producteur de pétrole au monde. » Pour ce qui est d’un engagement solidaire avec les pays en développement, l’entreprise est plus compliquée. L’administration Obama ne pourra pas décider seule et devra obtenir « un aval du Congrès sur la loi de finance. Et ça, la majorité républicaine y est opposée », souligne Célia Gautier.