Les antivax ont gagné : Robert Kennedy Jr sera le ministre de la santé de Trump

Robert Kennedy Jr sera le prochain patron du très puissant Département de la santé américaine. Donald Trump a proposé son nom. Il devra maintenant être confirmé par le Sénat, contrôlé par les républicains. Son hostilité aux vaccins anti-covid l'a rapproché du président.

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Robert Kennedy Jr

Robert F. Kennedy Jr. lors d'un rassemblement de soutien à Donald Trump le premier novembre 2024. 

AP Photo/Paul Sancya
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«Stop the shot»: stop les piqûres! C’est avec cette chanson en musique de fond que Robert Kennedy Jr a lancé et conclu tous ses meetings lorsqu’il était encore candidat indépendant à la présidence des Etats-Unis. «Stop the shot»: le refrain va pouvoir désormais être entonné par des millions d’Américains antivax.

Le même Robert Kennedy Jr sera en effet, si sa nomination par Donald Trump est confirmée par le Sénat après l’investiture présidentielle du 20 janvier 2025, le prochain patron du très puissant Department of Health and Human services, l’équivalent d’un grand ministère de la Santé et de la population.

«Stop the shot!». Ce slogan n’a pas été repris par Donald Trump dans son communiqué annonçant la nomination de cet avocat de 70 ans, fils de Robert Kennedy, le candidat démocrate à la présidentielle assassiné le 6 juin 1968, après avoir été le ministre de la Justice sous le mandat de son frère John F. Kennedy, puis Sénateur du Massachusetts. La pandémie de Covid-19 n’est d’ailleurs pas mentionnée dans ce texte qui loue le combat de Robert Kennedy Jr contre les firmes pharmaceutiques.

Un complexe industrialo-pharmaceutique

En effet, Donald Trump a déclaré sur son site internet Truth Social: «Pendant trop longtemps, les Américains ont été écrasés par le complexe alimentaire industriel et les sociétés pharmaceutiques qui se sont livrés à la tromperie, à la désinformation et à la désinformation en matière de santé publique.»

Le futur président américain continue: «La sécurité et la santé de tous les Américains est le rôle le plus important de toute administration. Il aidera à garantir que tout le monde soit protégé contre les produits chimiques nocifs, les polluants, les pesticides, les produits pharmaceutiques et les additifs alimentaires qui ont contribué à la crise sanitaire écrasante dans ce pays.»

Trump et Robert Kennedy JR

Donald Trump avec Robert F. Kennedy Jr lors d'un meeting politique à Duluth le 23 octobre dernier. 

AP Photo/Alex Brandon

Un héritier du puissant clan

La nomination de l’héritier de la famille Kennedy, l’un des clans politiques les plus puissants des Etats-Unis, était attendue depuis que l’intéressé s’était rallié à Donald Trump, retirant sa candidature présidentielle comme indépendant après avoir longtemps frayé avec le parti démocrate de son père et de son oncle. Dans la nuit électorale du 5 au 6 novembre, Donald Trump l’avait pris à témoin de manière un peu surprenante, lui promettant qu’il s’occuperait «de tous les fluides», sauf du pétrole, le domaine présidentiel réservé.

Une partie de son entourage, à la Transition War Room de Mar-a-Lago, en Floride, avait toutefois mis en garde le «président élu» contre le risque d’un écueil parlementaire au Sénat, qui doit confirmer les nominations. Le futur ministre de la Santé a en effet été plusieurs fois accusé de harcèlement sexuel. Mais Trump a pris les devants en demandant aux sénateurs républicains, désormais majoritaires, de renoncer au processus de confirmation. Sans réponse jusque-là.

Le déni de Kennedy

Pour sa défense, Robert Kennedy Jr affiche un tout autre visage que celui du polémiste antivax. Il rejette d’ailleurs l’étiquette d'«anti-vaccin», affirmant que ses commentaires visent à préconiser une recherche plus approfondie sur les vaccins. «Je peux dire qu’il n’existe actuellement aucun médicament sûr et efficace contre le cancer. Cela ne veut pas dire que je suis contre tous les médicaments. Cela fait deux ans que je me bats pour que le mercure ne soit plus présent dans le poisson. Personne ne me qualifie d’anti-poisson», a-t-il nuancé devant la BBC.

Il demeure pourtant l’un des principaux promoteurs de la désinformation sur les vaccins par l’intermédiaire de son organisation Children’s Health Defense et il a passé des années à suggérer à tort que de nombreux vaccins n’étaient pas sûrs. Il avait par exemple affirmé à tort que les vaccins contre l’hépatite B «causent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent».

«Nous n’enlèverons les vaccins à personne», a-t-il déclaré lors d’une interview après la victoire de Donald Trump dans la nuit. Son souhait, a-t-il expliqué, est d’améliorer la science de la sécurité des vaccins, qui, selon lui, «présente d’énormes lacunes», afin que les Américains puissent disposer de toutes les informations pour choisir de se faire vacciner ou non.

Le paradoxe est que Donald Trump a longtemps profité, comme candidat puis comme président, des largesses de la «Big Pharma», ce complexe industrialo-pharmaceutique qu’il dénonce aujourd’hui, sur fond de crise des opioïdes. La famille Mercer, l’une des grandes dynasties du secteur, avait investi des millions de dollars dans sa campagne victorieuse de 2016.

Le drame des opioïdes

L’administration Trump avait ensuite œuvré pour parvenir à un règlement négocié entre une autre famille, les Sackler, et les victimes d’un médicament produit par leur firme Pure Pharma: l’oxycontine. Ces derniers avaient dû en 2020 payer 8,3 milliards de dollars en sanctions pénales et en dommages civils. Mais le Département de la justice avait alors préservé les membres de la famille Sackler, propriétaire de l’entreprise, contrains de débourser seulement 225 millions de dollars. 

Seule l’entreprise, et non les personnes impliquées, avait admis les accusations pénales de fraude envers les Etats-Unis sur la prévention de l’abus de ses opioïdes alors qu’elle incitait les médecins, via des pots-de-vin, à émettre des ordonnances illégales.

Spécialiste des questions environnementales, brillant juriste diplômé de Harvard, Robert Kennedy Jr a surfé sur la crise du Covid qui a vu, aux États-Unis comme en Europe, fleurir les thèses complotistes. Donald Trump a pour sa part reçu le vaccin anti-Covid à trois reprises. Mais il s’est bien gardé de le faire en public, devant les caméras, contrairement à Joe Biden. L’engagement de son futur ministre de la Santé contre la «Big Pharma» est intervenu à la fin des années 90, lorsque son fils s’est mis à souffrir d’une grave allergie alimentaire qui aurait été engendrée par une vaccination.

Retrouvez les articles de Richard Werly sur Blick au coeur de la campagne américaine : 
https://www.blick.ch/fr/monde/elections-americaines/