La littérature russe était à l’honneur de la 21e édition du Festival Etonnants voyageurs à Saint-Malo. Durant trois jours, notre équipe est allée à la rencontre des meilleures plumes de cette littérature en pleine renaissance. Carnet de route.
Ce n’est pas à Saint-Malo, mais à Morlaix que nous rencontrons Andrei Kourkov. Francophone et francophile, le romancier ukrainien s’est en effet accordé deux étapes dans des librairies bretonnes avant de plonger dans le tourbillon du festival malouin. Nous faisons connaissance au déjeuner dans une petite crêperie du centre ville. Une première rencontre sous de bons auspices, car Andrei Kourkov aime trois choses : rire, écrire et bien manger. Attablé devant ses galettes à l’andouille et au chèvre (ses préférées), l’écrivain discute de ses enfants, de la recette du cidre et de son dernier voyage en Allemagne. Depuis la sortie de son roman « Le Pingouin » il y a dix ans, Andrei Kourkov rencontre un succès croissant en Europe. Et comme il adore échanger avec ses lecteurs, il s’est transformé en polyglotte et se débrouille aujourd’hui en neuf langues ! C’est donc en français, sans interprète, que l’écrivain discutera une heure durant avec ses lecteurs. Une rencontre en toute simplicité, chaleureuse, à l’image de l’auteur. Mais avec toujours cette petite pointe de rêverie et d’humour absurde qui rend Andrei Kourkov irrésistible
Andrei Guelassimov – Dandy russe
Nous retrouvons Andrei Guelassimov devant son hôtel à Saint-Malo. Très chaleureux, il nous salue dans un anglais parfait. « J’ai été professeur d’anglais avant de devenir écrivain » explique-t-il en souriant, tout en se faufilant à travers la foule. Alors que nous approchons d’un grand escalier, il insiste pour porter mon matériel. « Mon honneur de gentleman est en jeu » s’insurge-t-il en roulant des yeux amusés. Avec sa barbe de trois jours et sa veste militaire, Andrei Guelassimov pourrait passer inaperçu. Mais un jeune homme l’aborde lors du tournage : il a réalisé une bande dessinée à partir de son roman le plus connu, La Soif. L’écrivain la feuillette avec intérêt : « c’est bien, mais je pense qu’il a sous-estimé la tendresse qu’il y a dans mon roman ». Il en discutera avec l’artiste en fin de journée, après le débat organisé avec d’autres auteurs en mémoire d’Anna Politkovskaïa, la journaliste assassinée en 2006. Car c’est en effet à cela que ça sert, un festival : briser la distance entre deux individus qui s’estiment, mais que des milliers de kilomètres séparent.
Zakhar Prilepine – Un parfum de vodka
On le savait d'avance : Zakhar Prilepine est un esprit libre. La traduction, c'est qu'il n'en fait un peu qu'à sa tête durant un tournage. Arrivé en retard au rendez-vous, il explique à notre traductrice n'avoir pas trouvé de taxi. Mais son haleine parfumée indique qu'il a sans doute dû faire quelques pauses en chemin... Arrivés sur les remparts de Saint-Malo, face à la mer, l'écrivain fait l'adolescent. Il enchaîne les cigarettes, s'amuse devant la caméra. Mais que voulez-vous, le talent de l'auteur excuse beaucoup. Et il s'avère plutôt rafraichissant d'interviewer un écrivain insoumis, qui se plie mal aux convenances de la télévision. Au fur et à mesure de l'entretien, on se rend compte que Zakhar Prilepine ressemble beaucoup à ses personnages : révolté, tendre et désespérément amoureux de son pays.
Pavel Sanaiev – Festival de Cannes
C’est peu dire que Pavel Sanaiev tranche dans le paysage malouin. Avec son costume noir, ses lunettes de soleil et ses chaussures de marque, il semble tout droit sorti du quartier d’affaires de Moscou. Et cette impression se renforce lorsque l’on évoque avec lui son premier livre, « Enterrez-moi sous le carrelage ». Alors que l’on déambule dans les ruelles pavées de Saint Malo, à la recherche d’un bon décor pour le tournage, la discussion s’oriente très vite sur ses chiffres de vente, le marché de l’édition et la bonne manière de vendre un livre. Mais du contenu de son roman, pourtant drôle et incisif, il n’en est pas question. « Mon livre a des aspects comiques et tragiques, la combinaison des deux plaît aux lecteurs, et c’est pour ça qu’ils l’achètent » tranche-t-il. Malgré une demie heure d’entretien avec l’auteur, nous ne retrouverons pas l’humour et la dérision que nous avions appréciés dans son récit. Dommage. Il faut croire que parfois, il faut savoir refermer un bon roman sans chercher à le transposer dans la réalité. Et de toute façon il est trop tard, il est temps de reprendre le train pour Paris. Amélie Cano27 Mai 2010.