On connaît mieux, désormais, la presse tabloïd américaine, son sens de la nuance et sa francophilie. Dans les heures qui suivent son arrestation et sans même connaître le détail de l’accusation, le directeur du FMI y est décrit en termes délicats : brute féroce, chien, putois, grenouille lubrique, crapaud, pervers... Les commentaires des internautes n’y sont pas plus tendres, excités par la salacité prêtée aux français. Sur les antennes, la Fox se déchaîne. Avec moins d'outrances, la presse modérée n'est pas beaucoup plus tendre. Elle s'en prend particulièrement à Bernard Henri Levy, naguère parfois apprécié outre-atlantique et coupable d'avoir défendu a priori et sans réserve un DSK à coup sûr violeur: Maureen Dowd, éditorialiste pour le
New York Times, ironise:
"Elle l'a vraiment cherché. C'est le rêve que fait toute jeune veuve qui travaille dur, en craignant Dieu, en se brisant le dos pour faire de basses besognes dans un hôtel de Times Square pour élever sa fille adolescente, justifier son statut d'immigrante et profiter des opportunités offertes par l'Amérique, elle rêve de voir un fou, un vieux satyre ridé qui surgit tout nu de la salle de bains, se jette sur elle et l'entraîne dans la chambre, à la manière d'un homme des cavernes." "Alors que Bernard-Henri est scandalisé qu'une simple femme de chambre puisse attirer des ennuis judiciaires à un 'grand' homme comme Strauss-Kahn simplement en l'accusant, de manière crédible, d'agression sexuelle, je suis fier de vivre dans un pays où une femme de ménage peut débarquer un dirigeant international d'un avion en partance pour Paris", répond Jonah Goldberg dans la
National Review. Alors s'est déjà construite l'image intouchable d'une victime parfaite, le
New York Times envoie des enquêteurs en Guinée qui révèlent sans rire que la plaignante est ... une bonne musulmane. Pratiquement sans dissonance, l'ensemble de la presse américaine ne remet pas en cause le spectacle judiciaire organisé ni ne met en doute l’accusation avant que le procureur ne s’en charge, le 30 juin. CHÂTIMENT MÉRITÉ Elle opère à ce moment et en quelques minutes un revirement spectaculaire. L’héroïne d’hier est trainée dans la boue ; l’accusé initial n’en sort pas pour autant. Au lendemain du non lieu prononcé mardi par la cour criminelle de Manhattan, certains médias américains ont certes baissé de ton à son égard mais ne le jugent pas plus tendrement. Le crime allégué n’est plus l’objet du débat. Dominique Strauss-Kahn « a eu plus ou moins ce qu'il méritait », juge le
Wall Street Journal, qui rappelle sa relation extraconjugale en 2008 avec une économiste hongroise,
Piroska Nagy, qui avait débouché sur une enquête et un blâme pour
DSK. « Les Français ne se soucient peut-être guère que leurs dirigeants étalent sans impunité des frasques dignes de Louis XIV, mais Manhattan n'est pas Paris », affirme le journal. Jeffrey
Toobin, du très intellectuel
New Yorker, réserve aussi ses leçons à l'accusé : «
Tel que décrit par les procureurs, son comportement semble au mieux odieux et au pire criminel, écrit-il.
Une femme de ménage est entrée dans sa chambre d’hôtel et quelques brefs instants plus tard, 10 minutes ou peut-être un peu plus, la voilà crachant son sperme dans le couloir. Il est difficile d’imaginer un scénario qui reflète autre chose que le déshonneur, si ce n’est la culpabilité criminelle de cet homme éminent. Sa victoire juridique ne doit pas être confondue avec une victoire morale ». Non moins serviteur de cette morale, les confrères du prestigieux hebdomadaire ne voient aucune raison de reconsidérer leur sémantique : si le
Daily News qualifie simplement l’ex-présidentiable français de «
philandering » (coureur), le
Daily Post le traite de
"crapaud" et de "
stupide gaulois en rut". Le
Post s'en prend aussi à sa femme, Anne Sinclair, qualifiée de
"paillasson pathétique". Et le
National Post résume :«
Le vieux dégoutant français s’en sort libre ».