Le Sénégal a son Youssou N’Dour, le Mali son Salif Keita, le Nigéria ses Fela et Femi Kuti et la Côte d’Ivoire son Tiken Jah Fakoly. Tous ces grands artistes sont des légendes de la musique africaine, ils sont aussi reconnus pour s’être, chacun à leur façon, impliqués dans la défense de leur continent et/ou de leur pays, en menant des combats en faveur de différentes causes - la lutte contre le Sida pour Femi Kuti, la défense des Albinos pour Salif Keita, pour ne citer qu’eux - Tiken Jah Fakoly, lui, porte une grande cause : l’éducation de l’Afrique… Le chanteur ivoirien, qui vient de faire une tournée couronnée de succès au Canada avec des spectacles à guichets fermés à Toronto, Québec et Montréal, martèle son message sur toutes les scènes où il passe : la clef du développement de l’Afrique, c’est l’éducation. Tiken Jah Fakoly est persuadé que quand une majorité d’Africains sauront lire et écrire, ils pourront prendre conscience de leurs droits et les revendiquer. Et les dirigeants des pays africains n’auront d’autres choix que de les écouter et y donner suite. « Le peuple, en s’éduquant, doit comprendre que c’est lui qui a le pouvoir » m’a-t-il expliqué en entrevue lors de son passage à Montréal.
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C’est son credo, son mantra, sa mission et c’est dans cette perspective qu’il a fondé l’organisme TOLONI avec un principe : un concert = une école… Il a ainsi déjà pu faire ouvrir quatre écoles en Afrique. Celle dans le nord de son pays par exemple a pu être financée via les recettes d’un concert donné à St-Étienne, en France. Y’a quand même pas beaucoup d’artistes qui peuvent se vanter de chanter pour construire des écoles. L’autre grand credo de Tiken Jah Fakoly, c’est que l’Afrique ne peut et ne doit compter que sur elle pour se développer, les Africains doivent se lever et « mettre la main à la pâte » s’ils veulent que les choses changent. « Personne ne viendra changer l’Afrique à notre place » précise le chanteur. Un discours très « novateur » qui va à l’encontre des discours plus officiels que l’on entend régulièrement sur l’Afrique. Et un discours qui, dit-il, trouve un écho positif au sein de la population africaine, mais qui peut, précise-t-il, effectivement déranger certains dirigeants. « Le peuple africain a été traumatisé, écrasé, par des siècles d’esclavage et des décennies de colonisation, il a donc besoin de temps pour se réveiller et prendre son destin en main » m’a expliqué l’artiste ivoirien, qui croit que les récents événements en Tunisie et en Égypte doivent inspirer l’Afrique noire. Mais cette « révolution africaine » qu’il appelle de tous ses vœux ne pourra pas, selon lui, arriver avant 10 ou 15 ans. « L’Afrique est entrée dans un processus de développement et de démocratisation mais nous avons besoin d’un peu de temps encore » ajoute-t-il.
Parlant de démocratisation, je lui ai demandé ce qu’il pensait de la crise politique que vit son pays depuis décembre dernier. Le président sortant Laurent Gbagbo conteste sa défaite aux dernières élections présidentielles, il refuse de quitter le pouvoir et de laisser sa place à celui qui est sorti vainqueur de ce scrutin, Alassane Ouattara. Depuis, les partisans des deux camps s’affrontent et ces combats ont déjà fait des dizaines de morts. Encore cette fin de semaine, les troupes de Gbagbo ont tiré à l’arme lourde sur un quartier d’Abidjan où sont retranchés les militants pro-Ouattara. Tiken Jah Fakoly se désole de cette situation, ce d’autant plus, m’a-t-il déclaré, que les Ivoiriens ont « appris » la démocratie avec l’arrivée au pouvoir de Laurent Gbagbo… « C’est lui qui a libéré la presse et c’est lui qui nous a dit de descendre manifester dans la rue quand nous ne sommes pas contents » a relevé l’artiste… Tiken Jah Fakoly déplore cette dérive du politicien et il souhaite qu’il revienne à la raison. « Il y a aujourd’hui une génération en Afrique qui n’accepte plus ce qui a pu se passer sur le continent il y a 10 ou 15 ans » avertit le chanteur, qui assure que les Ivoiriens ne laisseront pas Laurent Gbagbo les priver de cette démocratie et de leurs votes. On le voit, Tiken Jah Fakoly ne mâche pas ses mots et il n’a pas peur de dénoncer. Cet homme aime profondément l’Afrique et il a choisi de la défendre et d’essayer de faire bouger les choses à travers la musique… et en particulier le reggae, un style qui s’est rapidement imposé à lui après la découverte de Bob Marley et de son combat en faveur de son pays, la Jamaïque. Son combat à lui, Tiken Jah veut maintenant le transporter dans les pays anglophones, c’est pourquoi il y a des chansons en anglais sur son dernier disque baptisé d’ailleurs « African revolution ». Le marché anglophone est donc sa prochaine cible pour cette nouvelle étoile de la musique africaine qui veut saisir toutes les occasions pour livrer son message partout où il le pourra… L’un de ses ancêtres était un grand guerrier africain… Tiken Jah, à sa façon, a repris le flambeau…
Dans la cabane de Catherine François au Canada
Que se passe-t-il dans le « plus beau pays du monde » - comme aimait le définir l’ex premier ministre du Canada Jean Chrétien - ? Correspondante depuis maintenant deux ans de TV5 Monde au Canada - en poste à Montréal - je vous propose dans ces carnets de suivre l’actualité de cet immense pays, baigné d’un océan à l’autre, avec toutefois un éclairage braqué plus spécifiquement sur le Québec, la province où vit la majorité francophone… je veux, dans ces carnets que je vous offrirais sur une base régulière, vous présenter ce qui fait les grands titres de la presse d’ici et vous parler de sujets d’actualité dont je ne parle pas forcément dans les reportages que je produis pour TV5 Monde. Cette nouvelle tribune me donnera aussi l’occasion de revenir plus en détails sur certains de ces reportages et de vous narrer des anecdotes de tournage quand j’en aurais – il y en a souvent - Bref, de quel bois se chauffe ma « cabane au Canada » ? Vous le saurez en venant consulter régulièrement ces pages…