Avec ou sans majorité, telle est la question
Le décompte électoral a commencé au Canada, où se tiendront lundi des élections législatives, les quatrièmes en 7 ans ! Les Conservateurs de Stephen Harper vont-ils réaliser leur rêve et obtenir enfin une majorité à la Chambre des Communes à Ottawa ? Il faut remporter la moitié des 308 sièges pour être majoritaire. Aux dernières élections, en octobre 2008, ils n'en étaient pas loin en faisant élire 143 députés. Cette année, le rêve semble plus que jamais à portée de la main mais rien n'est encore définitivement gagné... Bilan de cette campagne électorale qui a duré 5 semaines.... UNE MAJORITE SVP ! Le credo de Stephen Harper, le chef conservateur, n'a pas dérogé d'un iota au cours de ces 5 semaines : donnez-nous un mandat majoritaire pour assurer la croissance de l'économie canadienne... Celui qui est Premier ministre depuis janvier 2006, et qui tente donc de se faire réélire pour la troisième fois, a expliqué en long en large et en travers que les dernières années ont fait la preuve de l'inefficacité d'un gouvernement minoritaire dans le système parlementaire canadien. Il a mené une campagne loin des électeurs, sauf ses partisans, et le plus loin également possible des médias- les journalistes qui le suivaient devaient se limiter à lui poser, au total, quatre questions par jour ! Un objectif derrière cette stratégie d'inaccessibilité : faire le moins de gaffes possibles et ne pas effrayer les électeurs canadiens qui ont visiblement des réticences à lui faire un chèque en blanc en l'élisant majoritairement. La base conservatrice est surtout dans les trois provinces de l'ouest du pays, l'Alberta - le fief de Stephen Harper -, la Saskatchewan et le Manitoba.
UN VENT DE GAUCHE SOUFFLE La campagne électorale a vraiment décollé au cours des deux dernières semaines, lorsque les sondages ont fait sentir qu'un vent soufflait fort en faveur du Nouveau Parti Démocratique, le NPD, la formation politique la plus à gauche sur l'échiquier politique canadien. Portées par un chef très populaire auprès des Canadiens, le très sympathique et souriant Jack Layton, les troupes néo-démocrates devraient, si l'on se fie à ces enquêtes d'opinion, recueillir plus de vote, sinon autant, que le Parti libéral du Canada, détrônant ainsi les Libéraux du titre d’opposition officielle, ce qui serait une première dans l'histoire du NPD. Encore faut-il, effectivement, que ces intentions de vote se traduisent concrètement dans les urnes, cela a toujours été le problème de ce parti, faire passer les électeurs de la parole à l'acte. Le vent orange - la couleur du parti - souffle surtout sur les provinces de la Colombie-Britannique (Vancouver) et du Québec. LA SPECIFICITE QUEBECOISE En fait, c'est au Québec que cette poussée néo-démocrate s'est fait le plus sentir et elle est venue faire de l'ombre à la campagne du Bloc Québécois, le parti souverainiste qui défend les intérêts du Québec à Ottawa. En moyenne, depuis sa création en 1991, le Bloc fait élire une quarantaine de députés. Aux dernières élections en 2008, ils étaient ainsi 49 à partir à Ottawa et cette année, l'objectif est de maintenir ce nombre de députés, voire de reprendre des comtés aux Conservateurs dans la région de Québec. Mais Jack Layton et ses troupes viennent jouer au trouble-fête, un trouble-fête qui a fait sortir le chef du Bloc québécois de ses gongs à plusieurs reprises au cours des derniers jours... Gilles Duceppe n'a cessé de répéter que voter pour le Bloc, c'était le seul moyen d'empêcher Stephen Harper d'avoir une majorité à la Chambre des Communes et que les Québécois ne devaient pas céder aux chants des sirènes néo-démocrates... Remarquez que les Québécois sont logiques dans leur raisonnement : sauf dans la région de Québec, la capitale, où les conservateurs réussissent à faire élire des députés, les électeurs se disent que le seul moyen de contrer la droite, c'est de voter pour la gauche. Ils s'interrogent aussi sur le bien fondé de la présence du Bloc Québécois à Ottawa depuis maintenant 20 ans alors que ce parti ne sera jamais au pouvoir. Enfin les électeurs québécois ont été particulièrement sensibles au fait que Jack Layton a fait une campagne extrêmement positive, avec le sourire aux lèvres, alors que le chef bloquiste, Gilles Duceppe, a souvent été sur la défensive en présentant une image assez négative et agressive. Or, on sait, en politique, quel peut être le poids de l'image... LE FLOP LIBERAL Ces cinq semaines ont été difficiles pour les troupes libérales canadiennes... leur nouveau chef, Michaël Ignatieff, a pourtant mené une bonne campagne mais visiblement, il ne passe pas auprès des Canadiens... Le message est bon, le problème c'est le messager ! Michaël Ignatieff traîne derrière lui une flopée de casseroles dont il peine à se débarrasser, notamment son image d'aristocrate qui a vécu longtemps à l'extérieur du pays. L'homme est indubitablement intelligent et d'une rare culture mais ces qualités ne font pas forcément un bon politicien ! Malheureusement, si les piètres performances du Parti libéral se confirment lundi lors du vote, il est à craindre que Michaël Ignatieff ne soit une étoile filante au sein de l'organisation et que sa tête ne tombe sous le billot impitoyable du verdict du peuple. Ce parti, qui est quand même celui qui a le plus dirigé le Canada au cours du XXème siècle, semble décidément en panne sèche depuis cinq ans et a bien du mal à faire redémarrer la machine pour reprendre les rênes du pouvoir. Alors ? Eh bien le suspens risque de durer une bonne partie de la soirée ce lundi 2 mai, les électeurs canadiens devront attendre au moins jusqu'à 22 heures pour savoir si les Conservateurs formeront un gouvernement majoritaire ou un autre gouvernement minoritaire... et pour savoir également si le Nouveau Parti Démocratique deviendra l'opposition officielle... Cette campagne électorale, qui s'annonçait plutôt ennuyeuse, s'est finalement révélée, dans son dernier droit, assez passionnante, entre autres, parce que dans ce pays où les extrêmes n'existent pas vraiment sur l'échiquier politique, le bon vieux clivage droite-gauche a refait surface...
Dans la cabane de Catherine François au Canada
Que se passe-t-il dans le « plus beau pays du monde » - comme aimait le définir l’ex premier ministre du Canada Jean Chrétien - ? Correspondante depuis maintenant deux ans de TV5 Monde au Canada - en poste à Montréal - je vous propose dans ces carnets de suivre l’actualité de cet immense pays, baigné d’un océan à l’autre, avec toutefois un éclairage braqué plus spécifiquement sur le Québec, la province où vit la majorité francophone… je veux, dans ces carnets que je vous offrirais sur une base régulière, vous présenter ce qui fait les grands titres de la presse d’ici et vous parler de sujets d’actualité dont je ne parle pas forcément dans les reportages que je produis pour TV5 Monde. Cette nouvelle tribune me donnera aussi l’occasion de revenir plus en détails sur certains de ces reportages et de vous narrer des anecdotes de tournage quand j’en aurais – il y en a souvent - Bref, de quel bois se chauffe ma « cabane au Canada » ? Vous le saurez en venant consulter régulièrement ces pages…