Les chroniques québécoises de Catherine François

L’entrepreneur en construction Zambito a admis devant la Commission Charbonneau, avoir participé à un système de collusion entre entrepreneurs en construction à Montréal et avoir payé à la mafia sicilienne une part de 2.5% de la valeur des contrats que son entreprise décrochait à Montréal.
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Les chroniques québécoises de Catherine François
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On nous avait promis des révélations croustillantes et fracassantes à cette Commission d’enquête publique sur l’octroi de contrats publics dans l’industrie de la construction au Québec,  la Commission Charbonneau (du nom de la juge qui la préside, voir ma chronique précédente qui vous en présentait les enjeux). Eh bien le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on n’est pas déçu. Car depuis une semaine maintenant, un ex-entrepreneur en construction vide son sac et lave son linge sale devant  les membres de cette Commission et les caméras de télévision…  Et les Québécois en ont pour leur argent, dans tous les sens du terme d’ailleurs…

Le témoignage fracassant de Lino Zambito

Les chroniques québécoises de Catherine François
Lina Zambito lors de sa comparution
Il s’appelle Lino Zambito, il était à la tête d’une entreprise de génie civil qui s’appelait INFRABEC – il s’est depuis recyclé dans la restauration - et pendant des jours, devant la Commission Charbonneau, il a expliqué et détaillé tout le système de corruption et de collusion qui a régi l’industrie de la construction à Montréal et sa région au cours des dernières années.
Pratiques de collusion tout d’abord: il semble que des entrepreneurs avaient le contrôle de marchés spécifiques dans l’industrie de la construction, une sorte de cartel qui empêchait les autres entrepreneurs, ceux qui ne faisaient pas partie du « club », de soumissionner pour obtenir des contrats de la part de municipalités ou du gouvernement… Ces entreprises-là étaient d’ailleurs souvent victimes d’intimidation afin de les inciter à ne pas soumissionner.
Lino Zambito a expliqué que les entrepreneurs en cartel s’entendaient pour se partager les soumissions et les contrats à tour de rôle et qu’ils devaient verser 2,5% de la valeur de leurs contrats à la mafia… Des paiements qui devaient se faire en espèce pour des contrats qui souvent étaient de plusieurs millions de dollars. Mais ce n’est pas tout… D’autres pots de vin étaient aussi distribués. Lino Zambito a ainsi précisé qu’il devait donner 3% du montant de ses contrats au parti du Maire de Montréal, Gérald Tremblay, ainsi qu’1% à l’un des ingénieurs de la ville de Montréal, un certain Gilles Surprenant , qui avait eu l’esprit de se baptiser monsieur TPS pour… Taxe pour Surprenant !
Faites le calcul, 2,5% + 3% + 1% = presque 7% finalement du montant du contrat versé en pots de vins… Résultat des courses : pour rentrer dans leur argent et leur marge bénéficiaire, les entrepreneurs – et leurs sous-traitants - gonflaient leurs factures…. Autrement dit, les municipalités, les ministères ou le gouvernement payaient beaucoup trop cher pour les contrats qu’ils donnaient à ces entreprises – on parle de coûts supérieurs d’au moins 20%. Et au bout de la ligne, qui payait pensez-vous ? Eh bien les contribuables bien sûr !!! Par leurs impôts, leurs taxes, etc

Un premier frein

Les chroniques québécoises de Catherine François
La juge France Charbonneau préside la commission
Ce système généralisé de corruption et de collusion aurait été la norme dans cette industrie pendant de nombreuses années… Tout le monde était au courant mais personne ne disait rien, la loi d’omerta était de mise, assortie de peur et d’intimidation pour ceux qui n’en faisaient pas partie. Un système en vigueur donc jusqu’à… tout récemment en fait. Car en 2009, le gouvernement du Québec a mis en place une escouade policière spéciale pour lutter contre la corruption au sein de l’industrie de la construction, une équipe judicieusement baptisée ESCOUADE MARTEAU. Lino Zambito a confirmé devant la Commission Charbonneau que l’arrivée de ces inspecteurs avait eu un effet assez immédiat sur ces entrepreneurs peu scrupuleux qui auraient mis un frein à leurs pratiques de collusion et de corruption, ce qui aurait permis, selon Zambito, de réduire de 15% environ les prix des contrats. Comme quoi… 

Un automne chaud...

Les révélations de Lino Zambito sont explosives. La suite de son témoignage a été frappée d’une ordonnance de non publication qui oblige les journalistes à ne pas révéler ce qu’il raconte aux commissaires… Mais il parait qu’on en apprend des bonnes… D’ailleurs une de mes collègues qui suit au quotidien les audiences de la Commission Charbonneau m’a confié que c’était encore mieux que la série des SOPRANO sur la mafia – pour ceux qui connaissent. Les Québécois assistent en tous cas à ce grand déballage avec un goût très amer dans la bouche – car ils sont les dindons de la farce- et en ayant la sensation que le chat était enfin sorti du sac… Certes, depuis 3 ans, ils entendent régulièrement, à la télévision de Radio-Canada surtout, toutes sortes de révélations sur ces pratiques de collusion, corruption, financement illégal de partis politiques, etc. Sauf que là, c’est de la bouche d’un des acteurs clé de ces pratiques frauduleuses qu’ils entendent ces histoires. Une sorte de confirmation, de l’intérieur, de tous ces scandales, qui montre en tous cas la pertinence de tenir cette commission d’enquête publique…
L’automne est arrivé au Québec et les érables teintent leurs feuilles de rouge, on ne sait pas encore si nous aurons droit à un été des Indiens, mais on sait déjà que cet automne sera chaud et que les érables ne seront peut-être pas les seuls à virer au rouge … mais de honte ou de colère cette fois ! Les audiences de la Commission Charbonneau reprennent le 15 octobre.
05.10.2012Alain Gravel
La justice italienne critique sévèrement le Canada pour s'être trainé les pieds dans sa lutte contre la mafia la plus puissante du monde, la 'Ndrangheta. Selon des enquêtes de la police anti-mafia originaire de la Calabre dans le sud de l'Italie, sont très actifs à Ontario, surtout à Toronto. Des sources policières soutiennent d'ailleurs que leurs dirigeants ont beaucoup d'influence sur la réorganisation de la mafia à Montréal. Voici ce qu'a obtenu l'animateur d'Enquête Alain Gravel à la télévision de Radio-Canada, en collaboration avec le Toronto Star.
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Dans la cabane de Catherine François au Canada

Dans la cabane de Catherine François au Canada
Que se passe-t-il dans le « plus beau pays du monde » - comme aimait le définir l’ex premier ministre du Canada Jean Chrétien - ? Correspondante depuis septembre 2008 de TV5 Monde au Canada - en poste à Montréal - je vous propose dans ces carnets de suivre l’actualité de cet immense pays, baigné d’un océan à l’autre, avec toutefois un éclairage braqué plus spécifiquement sur le Québec, la province où vit la majorité francophone… je veux, dans ces carnets que je vous offrirais sur une base régulière, vous présenter ce qui fait les grands titres de la presse d’ici et vous parler de sujets d’actualité dont je ne parle pas forcément dans les reportages que je produis pour TV5 Monde. Cette nouvelle tribune me donnera aussi l’occasion de revenir plus en détails sur certains de ces reportages et de vous narrer des anecdotes de tournage quand j’en aurais – il y en a souvent - Bref, de quel bois se chauffe ma « cabane au Canada » ? Vous le saurez en venant consulter régulièrement ces pages…