Fil d'Ariane
Ghislaine Dupont et Claude Verlon préparaient une série de reportages en prévision des législatives maliennes lorsqu’ils ont été enlevés puis assassinés, le 2 novembre 2013 près de Kidal. L’attaque était alors revendiquée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).
Après cet événement tragique, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution proclamant le 2 novembre "Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes". Cette résolution condamne toutes les attaques et violences perpétrées contre des journalistes et travailleurs des médias. Elle exhorte les Etats membres à prendre des mesures précises pour prévenir cette violence, pour la faire connaître, pour traduire en justice les auteurs des crimes et veiller à ce que les victimes disposent de recours appropriés.
Selon l’ONU, sur dix crimes commis ces dix dernières années, un seul a abouti à une condamnation. D’après le rapport de la Directrice générale sur la sécurité des journalistes et le danger de l’impunité, moins de 6% des 680 affaires d’assassinat de journalistes recensés entre 2006 et 2014 ont été résolues.
Pour rendre compte de l’impunité qui persiste dans le monde concernant les crimes contre les journalistes, le Comité de protection des journalistes, une association américaine fondée en 1981, a créé l"’indice de l’impunité" en 2008. Chaque année, il publie son rapport.
A la première place du classement depuis la création de l’Indice de l’impunité, l’Irak vient d’être détrôné par la Somalie. Pas une année ne se serait écoulée sans qu’un journaliste soit assassiné depuis dix ans. Et ils seraient au moins trente, morts, sans aucune conséquence pour les auteurs de ces actes.
L’Irak, bien qu’à la deuxième place cette année, est resté en tête du classement pendant six ans. Le nombre de meurtres élucidés s’y élève à 84 en dix ans. Malgré cela, les violences meurtrières contre des professionnels des médias ont chuté par rapport à 2006 et 2007. Seul un cas à fait l’objet d’un jugement : en octobre 2010, un suspect a été condamné à mort pour l’assassinat de Kawa Garmyane, rédacteur en chef d’un magazine mensuel au Kurdistan.
Le 23 novembre 2009 à Maguindanao, aux Philippines, 58 personnes sont tuées dont 32 journalistes. Ils accompagnent un opposant au gouverneur dans la province de Maguidanao. Durant le trajet, ils tombent dans une embuscade et se font massacrer. Leurs corps sont retrouvés dans une fosse commune. Six ans après, justice n’a toujours pas été faite sur ce massacre, personne n’a été reconnu coupable.
Les Philippines sont classées à la quatrième place dans l’Indice de l’impunité. Au moins 44 meurtres se seraient produits en toute impunité depuis 2005.
Cette année, le Soudan du Sud apparaît sur l’Indice de l’impunité, et il figure à la cinquième place. Le 25 janvier 2015, cinq journalistes ont été tués dans une embuscade. Le 16 août dernier, le président Sava Kiir menaçait de tuer des journalistes qui « travaillent contre leur pays » et trois jours après, le journaliste Peter Moi était abattu. Au total, sept journalistes auraient été assassinés au Soudan du Sud depuis le début de l’année, selon Reporters sans frontières. Le pays arrive donc deuxième en matière d’impunité en Afrique, après la Somalie.
Parmi les habitués du classement, on retrouve le Sri Lanka, qui est passé de la quatrième à la sixième place du classement. Une amélioration qui s'explique par une plus grande volonté du nouveau président de faire la justice. L'Afghanistan fait également partie des fidèles au classement puisque les auteurs des cinq derniers assassinats n'ont pas été tenus responsables. Les journalistes étrangers sont très ciblés dans ce pays, plus que les journalistes locaux. Le Mexique est aussi pointé du doigt puisque le taux d'impunité a plus que doublé depuis sa première apparition sur l'indice, en 2008. Dix-neuf d'entre eux, couvrant les crimes et la corruption, ont été tués durant la dernière décennie. En juillet dernier, le photographe mexicain Ruben Espinosa a été torturé et assassiné à Mexico. Suite à ce meurtre, plus de 500 d'intellectuels ont signé une lettre adressée au président Enrique Pena Nieto en exigeant des enquêtes approfondies.