
Fil d'Ariane
À l’exception d’Israël et de l’Égypte, le département d’État gèle l’aide américaine à travers le monde. Décrétée par le président Trump, cette pause de 90 jours, qui pourrait avoir des conséquences dramatiques dans plusieurs régions, durera le temps d'un réexamen complet.
Le secrétaire d'État Marco Rubio salue le personnel du département d'État lors d'un événement de bienvenue au département d'État, le mardi 21 janvier 2025, à Washington.
Les États-Unis ont gelé leur aide étrangère, à l'exception de celle fournie à l'Égypte et Israël, ainsi que l'aide alimentaire d'urgence. Le gel durera le temps d'un réexamen complet qui a pour objectif de vérifier si elle est conforme avec la politique qu'entend mener Donald Trump.
"Aucun nouveau fonds ne sera engagé (...) tant que chaque nouvelle attribution ou extension proposée n'aura pas été examinée et approuvée" en conformité avec le programme du président Donald Trump, indique une circulaire interne du secrétaire d'État américain, Marco Rubio, adressée au personnel du département d'État, et consultée vendredi 24 janvier par l'AFP.
L'aide alimentaire d'urgence est exemptée, ce qui devrait bénéficier notamment à la bande de Gaza après le cessez-le-feu conclu entre Israël et le Hamas palestinien.
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Mais la circulaire ne fait aucune mention de l'Ukraine, qui a bénéficié sous l'ancienne administration Biden de milliards de dollars d'aide pour se défendre face à la Russie.
Cette circulaire découle du décret signé par le président Trump lundi 20 janvier, dès le jour de son investiture, ordonnant de geler l'aide étrangère des États-Unis pour 90 jours.
Israël et l'Égypte sont parmi les plus importants bénéficiaires de l'aide militaire des États-Unis à coups de milliards de dollars en armement.
Dans sa note, le secrétaire d'État fait valoir qu'il est impossible pour la nouvelle administration d'évaluer si les engagements existants en matière d'aide étrangère "ne font pas double emploi, sont efficaces et sont conformes à la politique étrangère du président Trump".
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Ce dernier avait assuré dans son décret lundi que "l'industrie et la bureaucratie de l'aide étrangère des États-Unis ne sont pas alignées sur les intérêts américains et, dans de nombreux cas, sont contraires aux valeurs américaines".
Il n'avait pas cité d'exemples mais s'est employé, par exemple, dès son retour à la Maison Blanche à démanteler les programmes fédéraux de promotion de la diversité aux États-Unis.
Le président Donald Trump s'entretient avec les journalistes avant de monter à bord d'Air Force One à l'aéroport international de Los Angeles, vendredi 24 janvier 2025, en route pour Las Vegas.
Concrètement, le décret présidentiel ordonne une pause de 90 jours dans l'aide des États-Unis afin d'évaluer "l'efficacité des programmes et leur cohérence avec la politique étrangère des États-Unis".
La circulaire de M. Rubio autorise le département d'État à faire d'autres exceptions au cas par cas.
Marco Rubio, qui est le premier, et encore le seul, membre du nouveau gouvernement Trump à être entré en fonction dès mardi, a envoyé d'autres mémos internes dans la même veine gelant notamment l'accueil de réfugiés en attente d'asile aux États-Unis.
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Il a dit vouloir mettre en oeuvre le slogan de Donald Trump, "l'Amérique d'abord", soulignant que chaque dollar dépensé par les États-Unis devra rendre l'Amérique "plus sûre", "plus forte", et "plus prospère".
Selon des chiffres officiels, les États-Unis sont le principal pourvoyeur d'aide humanitaire et au développement dans le monde, y consacrant environ 1% du budget du gouvernement fédéral, ce dont se félicitait l'ancien président démocrate Joe Biden.
Ce dernier avait demandé pour l'exercice budgétaire 2025 (octobre à septembre) quelque 42,8 milliards de dollars pour financer l'aide étrangère gérée par le département d'État et l'Agence américaine pour le développement (USAID).
La suspension de l'aide humanitaire fait planer l'incertitude sur tous les programmes américains d'aide humanitaire et de développement, ce qui empêche les professionnels de l'aide de planifier ou d'agir efficacement.
Abby Maxman, dirigeante d'Oxfam America
Plusieurs ONG se sont alarmées de l'impact de ce gel, en particulier concernant l'aide humanitaire et au développement.
"La suspension de l'aide humanitaire fait planer l'incertitude sur tous les programmes américains d'aide humanitaire et de développement, ce qui empêche les professionnels de l'aide de planifier ou d'agir efficacement", a déploré la dirigeante d'Oxfam America, Abby Maxman, dans un communiqué. Selon elle, cette pause "pourrait avoir des conséquences vitales pour d'innombrables enfants et familles en situation de crise".
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Un responsable humanitaire déclare à CNN qu’il ne s’attendait pas à ce que le gel de l’aide soit aussi radical et immédiat. Il ajoute que les besoins humanitaires dans le monde sont aigus et qu’une pause de l'aide des États-Unis pourrait être préjudiciable.
Le décret déçoit les responsables humanitaires car il ne prévoit pas d'exemptions spécifiques pour les programmes de santé vitaux, tels que les cliniques et les programmes de vaccination.
Takalane Mulaudzi, 29 ans, grimace alors qu'elle se fait vacciner contre le virus COVID-19 à l'hôpital Baragwanath de Soweto, lundi 13 décembre 2021. Bien qu'elle dispose d'un stock suffisant de plus de 19 millions de doses de vaccin, la campagne de vaccination sud-africaine a pris du retard. Environ 38 % de la population adulte sud-africaine a été vaccinée. Le rythme relativement lent des vaccinations rend irréaliste l'objectif du gouvernement d'inoculer 67 % de la population d'ici février 2022.
Times Magazine prend l’exemple d’un programme anti-VIH mondialement reconnu, le Plan présidentiel d'aide d'urgence à la lutte contre le sida (PEPFAR). Ce dernier a été inclus dans le gel des dépenses. Le programme a pourtant permis de sauver 25 millions de vies, dont celles de 5,5 millions d'enfants, depuis son lancement par le président républicain George W. Bush.
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Comme le rappelle l'un des responsables à CNN, les programmes d'aide, tels que ceux liés à la santé mondiale qui sont visés par le gel, sont dans l'intérêt des États-Unis et ont toujours bénéficié d'un soutien bipartisan. « Il est dans notre intérêt de veiller à ce qu'il n'y ait pas de pandémies. La stabilité mondiale est dans notre intérêt », a-t-il déclaré.
Aux Nations unies, le porte-parole adjoint Farhan Haq a déclaré : « Il s'agit de décisions bilatérales, mais nous attendons des pays qui ont la capacité de financer généreusement l'aide au développement. »