Il n'y a pas eu d'obamania en Russie. Toutefois, ce déplacement d'Obama marque-t-il un tournant dans les relations américano-russes ? En Europe, le phénomène d'obamania a été si fort qu'il nous paraît aujourd'hui relativement faible en Russie. Mais le chef de la Maison blanche a été bien accueilli à Moscou. Incontestablement, l'administration américaine a adopté un nouveau ton. Il faut dire qu'elle a renouvelé en profondeur ses équipes. Il n'y a plus de personnalités marquées par la Guerre froide alors que c'était encore le cas sous Bush. La Russie n'est plus vue comme un pays ennemi. Elle est considérée comme un égal des États-Unis. Les Américains ont été trop arrogants. Obama le sait et défend une vision multicentrée du monde. Toutefois, on n'est pas dans le "soft power" total. Si, au détour d'un événement, la Russie fait preuve d'agressivité, les États-Unis sauront répliquer.
Pourquoi les États-Unis pratiquent-ils cette politique de la main tendue ? Avec les menaces terroristes et la prolifération nucléaire, les États-Unis ne peuvent plus travailler seuls. Ils ont besoin de la Russie, notamment en Afghanistan pour mettre en place un transit militaire, et en Iran pour engager de nouvelles relations avec ce pays du Moyen-Orient. Depuis son élection, Barack Obama mène une forte activité diplomatique. Avant d'engager une nouvelle politique de fond, il fait un tour de piste mondial avec l'objectif de construire une "coalition d'Etats volontaires". À l'automne, il passera sans doute à l'action.
Au-delà du désarmement, que proposent les États-Unis à la Russie ? Obama est prêt à prendre de la distance par rapport aux choix stratégiques qui ont été faits sous Bush. Il pourrait suspendre le projet de bouclier antimissile européen qui déplaît tant à Moscou. Il a déclaré que ce projet n'était pas prêt techniquement. À mon avis, il ne veut surtout pas froisser les Russes. De plus, les États-Unis ont renoncé à appuyer la candidature de la Géorgie et de l'Ukraine à l'OTAN. Obama est donc prêt à mettre de côté des sujets brûlants pour obtenir l'appui des Russes.
Comment ce voyage d'Obama a-t-il été perçu par l'opinion américaine ? La presse américaine en a très peu parlé. En ce moment, ce n'est pas la préoccupation principale des Américains. Guantanamo est quasiment le seul sujet de politique étrangère dont on parle Outre-Atlantique. Les Américains restent avant tout préoccupés par la crise. Tant qu'Obama parviendra à gérer les problèmes économiques intérieurs, il aura le soutien de l'opinion publique américaine sur la scène internationale.
Propos recueillis par Camille Sarret Les ouvrages de Charlotte Lepri