Fil d'Ariane
Les familles des Canadiens coincés dans la bande de Gaza se disent non seulement inquiètes mais surtout frustrées par la lenteur des démarches d’Affaires mondiales Canada pour évacuer leurs proches. Et pendant ce temps, à Gaza, les Canadiens enclavés se découragent au fil des jours. Un reportage de Phillipe Granger pour Radio-Canada.
Akram Al-Sabbagh (au centre), 73 ans, est à Gaza depuis fin septembre.
Plus tôt cette semaine, le premier ministre Justin Trudeau avait dit estimer qu’une évacuation allait être possible ce dimanche. Le gouvernement canadien a finalement indiqué qu’il faudra plutôt attendre au moins jusqu’à lundi puisque la récente escalade des frappes d’Israël perturbe l’évacuation par le poste frontalier de Rafah.
Samah Al-Sabbagh est consternée. Son père, Akram Al-Sabbagh, est un Canadien de 73 ans qui se trouve à Gaza depuis plus d’un mois maintenant.
Celui-ci avait décidé de rendre visite à sa famille dans la bande de Gaza fin septembre, considérant que la situation était relativement calme et ne laissait présager aucun danger. Depuis, il est coincé à Rimal, dans le nord de la bande de Gaza, selon la fille.
Cette résidente de London, en Ontario, voit la santé de son père se détériorer rapidement. "Il ne dort pas, ne mange pas. Il a peur", relate-t-elle.
Elle explique mal comment le gouvernement n’a toujours pas réussi à évacuer les Canadiens coincés à Gaza alors que des ressortissants d’autres pays ont pu sortir.
Malgré ses communications régulières avec des agents fédéraux, Samah Al-Sabbagh dénonce un "manque de transparence"et de leadership de la part du gouvernement et s’inquiète à savoir comment son père pourra se rendre dans le sud de la bande de Gaza, lui qui est dans la partie nord de ce territoire.
Nous n’avons plus aucune confiance envers Affaires mondiales Canada et la ministre Joly.
Samah Al-Sabbagh, fille d'Akram Al-Sabbagh
"On veut savoir ce qui se passe", clame-t-elle." Nous ne voulons plus être dans le néant".
À London, Samah Al-Sabbagh n’est pas la seule à se préoccuper de la situation.
Originaire de cette même région, le médecin Ehab Bader travaillerait actuellement à l’hôpital al-Shifa, où une frappe aérienne aurait fait au moins 13 morts.
Son collègue, le Canadien d’origine palestinienne Ayman Oweidan, raconte que M. Bader était à Gaza afin de rendre visite à son père malade lorsque la guerre a commencé. Les autres membres de sa famille, qui sont demeurés à London, seraient "très préoccupé".
Ayman Oweidan a pu lui parler il y a deux jours.
"Sa voix était basse. Il est de toute évidence accablé par la situation et par ce qu’il voit à l’hôpital", explique M. Oweidan, qui œuvre aussi en tant que professeur adjoint de médecine nucléaire à l’Université de Sherbrooke.
Seham al-Batnejy espère que le Canada l'aidera à sortir de Gaza en compagnie de sa fille.
Manifestant à Sherbrooke dimanche, Ayman Oweidan appelle à ce que le Canada agisse non seulement pour aider les Canadiens à Gaza mais aussi pour tout simplement arrêter ce qu’il considère comme un génocide.
"Nous voulons envoyer un message fort au gouvernement canadien que quelque chose doit se passer bientôt."
Au passage de Rafah, Seham al-Batnejy attend avec sa fille. Depuis cinq jours, ces deux Palestino-Canadiennes font l'aller-retour afin de pouvoir traverser, sans succès, et ce, à leurs risques et périls.
"Je viens au milieu des frappes au-dessus de nos têtes, nous marchons effrayées. [...] Nous luttons. Pas d'eau, pas d'électricité, pas de nourriture. C'est une situation extrêmement difficile, plus que vous ne pouvez l'imaginer."
Seham al-Batnejy appelle tous les pays à essayer de sauver les personnes coincées à Gaza au nom de l’humanité.
La mort nous hante chaque seconde.
Une citation de Seham al-Batnejy
Mohammed Shehada est un journaliste qui réside à Gaza. Sa femme et ses enfants ont la nationalité canadienne.
Dès le premier jour de la guerre, sa femme, Asia Mathkour, a essayé de contacter l’ambassade du Canada à Jérusalem. Depuis, ils attendent.
"Ils nous ont appelés plusieurs fois. Ils sont au courant de ce qui se passe ici, à Gaza. Ils disent qu’ils prennent ça au sérieux."
En attendant leur sortie, Mohammed Shehada et sa famille se sont déplacés cinq fois pour finalement se retrouver chez ses cousins à Rafah, où il n’y a pas d’électricité ni d’eau potable.
"Maintenant, on attend. Mais on n’attend pas dans un aéroport à Montréal, au Québec, à Ottawa. On attend dans la bande de Gaza. [...] Les bombardements, ils sont partout."
Avec les informations de Gabrielle Proulx, de CBC News et de La Presse canadienne.