Les Gilets jaunes dans la rue pour leur 20ème samedi
Les "gilets jaunes", indifférents au débat national qui joue les prolongations, rempilent ce samedi 30 mars 2019 pour leur vingtième journée de mobilisation en dépit des interdictions de manifester face à la crainte de nouveaux heurts.
Des manifestant "Gilets jaunes" à Paris, le 23 mars 2019. (Photo Kenzo Tribouillard / AFP)
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D'un côté l'occupation de la rue, de l'autre la rencontre des élus : les "gilets jaunes" et Emmanuel Macron observent un strict respect de leurs agendas respectifs, sans qu'un dialogue ne semble pouvoir s'établir depuis le lancement du grand débat en janvier pour résoudre cette crise sociale inédite.
Echaudée par les saccages sur les Champs-Elysées lors de l'acte 18, la préfecture de police de Paris a de nouveau interdit samedi les manifestations sur la célèbre avenue, ainsi que dans un périmètre incluant l'Elysée et l'Assemblée nationale.
Deux manifestations et quatre rassemblements ont été déclarés, a indiqué la PP dans un communiqué, sans préciser les lieux. Elle craint néanmoins "des déambulations erratiques" ou des "cortèges sauvages" lors de leurs dispersions.
La nouvelle contravention de 135 euros, à laquelle s'exposent ceux qui braveront l'interdit, reste en vigueur après le rejet vendredi par le Conseil d'Etat du recours de la Ligue des droits de l'homme (LDH).
Des appels à se rassembler place du Châtelet ou Gare de l'Est en fin de matinée pour rallier la place du Trocadéro, ont circulé sur internet. Face au lourd dispositif policier déployé à Paris, les autorités craignent une délocalisation des heurts dans les villes de province, comme samedi dernier à Nice, où une porte-parole d'Attac avait été blessée dans une charge des forces de l'ordre. Le procureur a déclaré ce vendredi que la chute de Geneviève Legay, 73 ans, avait été provoquée par un policier. Ce dernier avait affirmé avoir poussé un homme avant de rectifier son témoignage.
A la mi-journée, environ 300 manifestants étaient rassemblés devant la gare de l'Est à Paris. "On vient pour les mêmes raisons que le 17 novembre (le premier jour de mobilisation, NDLR). On n'a rien eu", a dit à l'AFP Nadine, 51 ans, qui travaille dans les services à la personne à Drancy (Seine-Saint-Denis). "C'est toujours le même objectif: la justice sociale, et le RIC (référendum d'initiative citoyenne), surtout quand il y a des choix économiques à faire", a renchéri Jean-Édouard, 43 ans, venu de Seine et Marne.
La Fédération bancaire française a appelé samedi à ce que cessent les violences qui ont visé des centaines d'agences depuis le début du mouvement. Les policiers en ont "ras le bol" d'être des "bouc émissaire", a dit à l'AFP Frédéric Lagache, secrétaire général du syndicat de police Alliance. "Cela fait vingt week-ends de suite que nous sommes mobilisés, vingt week-ends de suite sans repos et vingt week-ends de suite que l'on nous critique".
Carte électorale déchirée
"Emmanuel Macron, oh quelle gueule de con, on vient te chercher chez toi", chantaient des dizaines de "gilets jaunes". Plusieurs ont collé leur carte électorale déchirée sur leur gilet. Les manifestants devaient partir à 13H00 pour rallier la place du Trocadéro. Cet acte 20 devrait connaître une nouvelle hausse du nombre de manifestants en région, selon une source policière. Face au lourd dispositif policier déployé à Paris, les autorités craignent une délocalisation des heurts dans les villes de province.
Vingt-sept arrêtés d'interdiction établis par les préfectures ont été recensés, a précisé cette source policière. La nouvelle contravention de 135 euros, à laquelle s'exposent ceux qui braveront l'interdit, reste en vigueur après le rejet vendredi par le Conseil d'Etat du recours de la Ligue des droits de l'homme.
"Non à la dictature"
A Bordeaux, où le centre est comme depuis plusieurs semaines interdit aux "gilets jaunes", le nouveau maire Nicolas Florian a décrété une journée "ville-morte" en se disant "très inquiet de ce qui pourrait se passer". La préfecture a évoqué la présence annoncée de "centaines de casseurs". Plusieurs milliers de "gilets jaunes" ont manifesté ce samedi : la mobilisation pour cet acte 20 avait repris de la vigueur et paraissait doubler celle de la semaine dernière (2500 personnes samedi dernier, selon une source proche du dossier). Quelques slogans comme "Bordeaux, Toulouse, soulève toi !" ou "Toulouse-Bordeaux, fin du derby, début du débat !" rappellaient que Bordeaux accueillait les "gilets jaunes" toulousains ce samedi, avant que l'invitation ne soit rendue le 13 avril dans la capitale occitane. Des accrochages ont éclaté en milieu d'après-midi. Du matériel de chantier et des tuyaux en caoutchouc ont été incendiés en centre-ville, selon l'AFP sur place. Les forces de l'ordre ont effectué plusieurs charges alors que des manifestants lancaient divers projectiles. Au moins une personne a été interpellée. En fin d'après-midi, le cortège, où se mêlaient des dizaines de "black blocs", se diluait en petits groupes jouant au chat et à la souris avec les forces de l'ordre, tentant de se regrouper dans une place non loin du centre-ville.
A Avignon, la préfecture du Vaucluse, qui craint la présence de "groupes activistes violents", a interdit tout rassemblement ou manifestation de 9H00 à minuit, "intra-muros" et sur plusieurs axes périphériques. Des "gilets jaunes" se sont cependant donné rendez-vous au "Palais des Papes", arguant qu'"il n'est pas interdit de se promener". Une centaine de manifestants, en majorité des femmes, se sont rassemblés vers midi non loin du Palais des papes. "Non à la dictature, on a le droit de manifester, on est en France", criaient-ils. Hors des remparts, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés sur un boulevard périphérique. Vers 14H30, les forces de l'ordre ont lancé des sommations pour qu'ils se dispersent.
A Saint-Etienne, Toulouse, Epinal et Rouen, les préfectures ont également interdit les manifestations pour prévenir violences et pillages. Des défilés ont également été annoncés à Marseille, Rennes, Caen, Rouen, Montbéliard (Doubs), Strasbourg ou encore Nice.
"Diversion"
Pendant ce temps, Emmanuel Macron poursuit ses rencontres avec les maires dans le cadre du grand débat, censé pourtant être achevé depuis une semaine. Après la Bretagne mercredi, Emmanuel Macron doit clore jeudi en Corse son tour des régions. Des députés Les Républicains des Hauts-de-France, qui ont boycotté vendredi son invitation à l'Elysée, ont dénoncé "une manoeuvre dilatoire destinée à faire diversion alors que le mécontentement de la population n'a jamais été aussi criant".
Samedi dernier, pour l'acte 19, 40.500 personnes ont manifesté en France, dont 5.000 à Paris, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, contestés par les "gilets jaunes" dont le propre comptage a recensé 127.212 manifestants dans tout le pays. Sleon le ministère de l'Intérieur il y avait 5.600 manifestants en France à 14H, dont 1.800 à Paris.