Fil d'Ariane
Ni le froid glacial de Buda, ni la police qui l'attendait à Pest n'ont empêché la contestation, d'une virulence inédite, de s'emparer des deux rives du Danube. Pour la troisième nuit consécutive depuis l'adoption, mercredi, d'un assouplissement très controversé du droit du travail. Organisée de façon informelle sur les réseaux sociaux, comme les précédents jours, cette manifestation a également mobilisé des représentants de l'opposition de gauche et d'extrême droite.
Après avoir occupé plusieurs ponts symboliques de la capitale, 2000 à 3000 manifestants ont gagné le Parlement. Sous ses fenêtres, cris, sifflets et slogans anti-Viktor Orban ont résonné plusieurs heures jusque dans l'hémicycle. A l'intérieur, le chef du gouvernement est resté impassible, tandis que l'opposition tentait d'empêcher le vote de la loi sur le travail. "Nous devons changer la culture politique, pas seulement le gouvernement. nous devons trouver la force d'être différent, avec d'autres points de vue et bien sûr, quelqu'un doit s'asseoir à la place d'Orbán," affirme Bence Torday, du parti d'opposition Dialog.
Mais derrière la façade, le pouvoir hongrois s'inquiète. Fait rare, dehors, la gauche et l'extrême droite sont parvenues à mobiliser contre lui. L'apparition de gilets jaunes dans ces manifestations, elle, augure peut-être d'une contestation plus large...
"Pourquoi est-ce qu'en France, les gens sont dans la rue tous les jours pour tout, alors qu'en Hongrie, les choses doivent se reproduire plusieurs fois pour faire venir les gens dans la rue ? Regardez autour de vous, on dirait que c'est génial de manifester, mais en fait, nous ne sommes qu'un millier," déplore Bálint. A Budapest, peut-être, mais d'autres villes aussi se sont mobilisés :
A #Pécs, dans le sud de la #Hongrie, « ces manifestations ne ressemblent pas aux autres » https://t.co/Mn20XtaLc9
— Le Courrier d'Europe centrale (@CEuropeCentrale) 15 décembre 2018
La nouvelle législation sur le travail permet aux employeurs de recourir massivement aux heures supplémentaires. Limitées jusqu'alors à 250 heures par an, elles sont aujourd'hui plafonnées à 400, soit l'équivalent de deux mois de travail. Et pour payer les salariés, l'employeur dispose désormais d'un délai de trois ans. Autre inquiétude des opposants, une loi qui donne au ministre de la Justice un rôle prépondérant sur les cours de justice administrative, ces tribunaux appelés à traiter des dossiers sensibles d'appels d'offres publics ou des contentieux électoraux.
A l'image du tabloïd Ripost, la presse progouvernementale traite les manifestants de "vandales à la solde de Soros", du nom du milliardaire libéral américain d'origine hongroise George Soros, devenu la bête noire de Viktor Orban, qui l'accuse de vouloir favoriser l'immigration.
Une manifestation prévue ce dimanche à Budapest a reçu le soutien de tous les partis d'opposition et des syndicats et pourrait réunir des dizaines de milliers de personnes, selon ses organisateurs.