Les impôts les plus cocasses de l’histoire

Jamais à court d’idées pour remplir leurs caisses, les Etats ont tour à tour taxé l’urine, les barbes, les cheminées, les fenêtres et même les Chinois! Décryptage.
 
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Sale temps pour les "hipster", au 16ème siècle, dans l'Angleterre d'Henry VIII, le port de la barbe était soumis à un impôt.
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S’il est un domaine où l’inventivité des gouvernements a été au cours de l’histoire aussi débordante que débridée, c’est bien celui des impôts. Le vieux proverbe latin «pecunia non olet» (l’argent n’a pas d’odeur) en atteste. Pour rappel, c’est ce que répondit l’empereur Vespasien à son fils Titus lorsque celui-ci lui reprocha d’avoir créé une taxe sur l’urine qui était employée pour le traitement des tissus et le blanchissage, la tannerie, l’hygiène dentaire et la pharmacopée. Voici un aperçu des prélèvements les plus absurdes ou les plus cocasses de l’histoire de l’humanité.

Une taxe sur les barbes

Toujours à la recherche d’argent frais, Henri VIII décida de taxer le port de la barbe dès 1535. Sa fille, Elisabeth Tudor, suivra son idée et instituera, elle aussi, une taxe sur les barbes qui n’ont pas été coupées depuis deux semaines. En Russie, le tsar Pierre Le Grand introduira une taxe similaire à la fin du XVIIe siècle. Les barbus recevaient un jeton en bronze pour prouver le paiement de la taxe, qui comportait la représentation d’une barbe et la mention en russe «la taxe a été perçue». L’histoire ne précise pas si les femmes à barbe étaient également concernées, ou si elles étaient exemptées pour motifs médicaux.

Une taxe sur les cheminées et les fenêtres

Toujours en Angleterre, les cheminées et les fenêtres seront taxées à partir de 1660 et de 1696, respectivement. Preuve que les impôts rendent créatif, les habitants érigeront dès 1662 en réponse à la chimney tax de faux murs pour dissimuler leurs cheminées. S’agissant de la window tax, de nombreuses fenêtres seront condamnées et murées. Cette taxe sur l’air et la lumière aura pour conséquence de réduire le niveau d’hygiène et de développer certaines maladies (la tuberculose notamment se propagera plus facilement). L’art en revanche fera un pas en avant: la technique du trompe-l’œil se diffusera en effet à tous les niveaux dans les villes. Préoccupé par son coût social et médical, le gouvernement de Londres supprimera cette taxe en 1851.

Une taxe sur les perruques

C’est encore la Grande-Bretagne qui a eu cette idée géniale: taxer les poudres parfumées appliquées sur les perruques. La liste des personnes exonérées sera cependant très longue et comprendra, notamment, les membres de la famille royale et ses serviteurs. Cette taxe instituée en 1795 aura pour conséquence de changer lentement mais sûrement les canons de la mode. En 1812, le nombre de personnes qui paient la taxe est par exemple de 46 684. Ce chiffre tombe à 997 en 1855. En 1869, la taxe est supprimée.

Une taxe sur les Chinois

En 1885, pour profiter de l’immigration des Chinois qui participent à la construction du grand réseau de chemins de fer, des canaux et des barrages, le Canada applique une taxe sur les Chinois dans le pays, raconte Alessandro Giraudo dans 20 histoires pour comprendre l’économie mondiale. Cette taxe réduit le nombre de Chinois dans le pays, et sera supprimée en 1923.

Des méthodes musclées

Pour dissuader les contribuables de frauder le fisc, les Etats ont enfin imaginé toutes sortes de méthodes plus ou moins musclées au fil de l’histoire. En 294 ap. J.-C., l’empereur Dioclétien mit par exemple les déclarations fiscales de tous les citoyens dans le domaine public afin que chacun puisse voir ce que payait son voisin et être ainsi porté à la délation. Il créa par ailleurs une force d’intervention spéciale pour enquêter sur les fraudes. «Les enquêteurs faisaient usage de la torture si besoin, rappelle Omar Fassal dans Une histoire de la fraude financière.

Ils n’hésitaient pas à employer des méthodes de pression psychologique. Ils poussaient les enfants à dénoncer leurs parents, les femmes à dénoncer leurs maris, et les esclaves à dénoncer leurs maîtres. Ils alourdissaient la facture des paysans, en rajoutant les enfants et les vieillards à leurs assiettes fiscales. Les petits paysans étaient effrayés à l’idée de voir leurs voisins abandonner leurs champs et s’enfuir, car dans ces conditions le champ était adjugé au fermier voisin, y compris la feuille d’imposition.»

Et en Suisse?

Heureusement, de nos jours, en Suisse, la méthode douce est préférée à la méthode dure. Ainsi, la Confédération helvétique a adopté en 2010 une loi qui encourage les dénonciations spontanées. «Des allégements importants sont prévus si le contribuable annonce spontanément ses éléments non déclarés, dit le fiscaliste Benjamin Perritaz. L’autorité fiscale notifie alors une reprise d’impôts sur les dix dernières années, aux conditions fixées par la loi, sans amende et sans poursuite pénale.»

Le bon berger tond les moutons, il ne les écorche pas

S’agissant des impôts, de nombreux gouvernements sont revenus à la sagesse de Tibère. Pour rappel, quand les gouverneurs locaux des provinces romaines lui demandèrent d’augmenter les taxes et les impôts, l’empereur leur répondit: «Le bon berger tond les moutons, il ne les écorche pas!» Reste que certains impôts continuent de surprendre encore de nos jours les contribuables.

Un impôt bronzage en Allemagne

Ainsi, à Essen (Allemagne), la ville a décidé en septembre 2010 de frapper les propriétaires de solariums d’un «impôt bronzage» (20 € par mois et par appareil). Au Danemark, un impôt sur la graisse a été introduit en 2011. Il vise les produits comme le beurre et l’huile afin «d’encourager les gens à manger plus sainement.»

Et la palme de la créativité

Mais la palme de la créativité revient assurément au village de Niederzim­mern, en Thuringe (Allemagne), dit Isabelle Bourgeois, auteure d’un article intitulé «Fiscalité: les impôts et taxes les plus absurdes», où la mairie vend aux habitants 50 € pièce les nids-de-poule, avec pour contrepartie l’apposition d’une plaque commémorative (avec libre choix du texte) dans un tronçon de rue venant d’être refait. «Les Allemands ne manquent visiblement pas d’humour: 257 nids-de-poule au­raient déjà trouvé preneur…»

Article publié en accord avec nos partenaires "Le Temps"
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