Août 1999 - Dix ans après la chute du mur, j'étais allée à la rencontre de la famille Leo, grands parents, enfants, petits enfants. En 1954, les grands parents, Gerhard et Nora, tous deux nés dans des familles juives allemandes éparpillées et massacrées pendant la Seconde guerre mondiale, avaient fait le choix du retour dans leur patrie de naissance, à Düsseldorf, d'abord. À l'Ouest donc.
Résistants, meurtris par le génocide et la guerre, ils aspiraient à une Allemagne nouvelle. Ils ne la trouvèrent pas à l'Ouest et passèrent en 1954, avec enfant et bagages à l'Est. Ils estimaient aussi que la dénazification n'allait pas assez loin à l'Ouest : trop de hauts fonctionnaires, de juges ou de chefs d'entreprise de l'époque nazie y étaient toujours en place.
Gerhard accomplira une carrière remarquable de journaliste dans son nouveau pays.
Lorsque le mur tombe en novembre 1989, les trois filles, Annette, historienne, Doris, galeriste, et Hannah, assistante sociale, inclinent plus ou moins rapidement vers l'Ouest. Le mur, son existence ou sa chute, traverse tant leur vie privée que professionnelle.
Pour la génération suivante, en âge de débattre, la question ne se pose pas : Maxim, l'aîné des petits enfants repasse le mur sans état d'âme. Dans Berlin réunifié, il devient rapidement l'une des plumes les plus en vue de la galaxie médiatique recomposée.
Août 2009 - À la veille du vingtième anniversaire de la chute du mur, je voulais retourner chez les Leo, reprendre avec toute la famille, cette conversation jamais vraiment interrompue - chaque année, je rendais visite à Gerhard et Nora. Mais Annette m'appris que Gerhard était mourant. Il s'est éteint au basculement de l'été, à l'âge de 87 ans. Ces dernières années Gerhard s'était engagé aux côtés des immigrés clandestins, toujours animé par ce même esprit de résistance.
Sylvie Braibantsylvie.braibant@tv5monde.org