Les 193 membres de l’Assemblée générale de l’ONU se réunissent ce 19 avril, à la demande du Liechtenstein. Ils doivent débattre d’un projet de résolution pour obliger les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU à justifier leurs recours au veto. Ainsi, les pays engagés à voter en faveur de ce texte espèrent diminuer voire empêcher l’utilisation abusive de ce droit.
(Re)voir : L'ONU est-elle encore utile ?Ce texte prévoit une convocation de l’Assemblée générale « dans les dix jours ouvrables suivant l’opposition d’un ou plusieurs membres permanents du Conseil de sécurité, pour tenir un débat sur la situation dans laquelle le veto a été exprimé. » Autrement dit : le recours du veto n’est pas conditionné à la justification de celui-ci, mais le pays devra quand même s’expliquer devant l’ensemble des États-membres de l’Assemblée générale.
Le Conseil de sécurité (CS) de l’ONU est composé de quinze pays membres, dont cinq membres permanents : la Chine, la France, le Royaume-Uni, la Russie et les États-Unis. Les dix autres membres sont élus tous les deux ans par une Assemblée générale. Parmi les quinze membres, seuls les cinq permanents ont un droit de veto lorsque des résolutions doivent être votées. Cela leur permet de s’auto-protéger et de garder la main sur les affaires du monde.
Ils possèdent ce droit de veto depuis la fondation du CS en 1946. Les cinq membres permanents sont en fait les principaux vainqueurs de la Seconde guerre mondiale, mais ils représentaient aussi la majorité de la population mondiale de l’époque. La Charte de l’ONU définit le mandat des cinq membres permanents du CS.
Depuis, l’empire colonial de ces pays s’est effrité et la démographie d’autres pays a fortement évolué, modifiant la démographie mondiale. Le privilège des cinq membres permanents du CS apparaît alors de moins en moins justifié. Depuis 2011, la Russie a utilisé son droit de veto une quinzaine de fois pour la Syrie. Cela lui garantit de ne pas être écarté du CS. En effet la Charte de l’ONU ne prévoit une exclusion par l’Assemblée générale d’un membre que sur recommandation émanant du CS.
« Le Conseil de Sécurité constate l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises », rapporte l’article 39 de la Charte de l’ONU. Actuellement, la situation en Ukraine préoccupe le CS. Mais aucune résolution ne peut être adoptée, car la Russie pose systématiquement son droit de veto. « Nous sommes particulièrement préoccupés par la tendance honteuse de la Russie à abuser de son droit de veto ces deux dernières décennies », déplore Linda Thomas-Greenfield, ambassadrice des États-Unis à l’ONU dans un communiqué.
La volonté d’apporter un nouveau souffle à l’ONU et notamment à son Conseil de sécurité n’est pas nouvelle. À la fin du mois de mars, le président ukrainien Volodymyr Zelensky déclare au Parlement japonais que « ni les Nations unies, ni le Conseil de sécurité n’ont fonctionné ». Il plaide également pour « développer un nouvel outil préemptif qui puisse réellement arrêter les invasions ».
(Re)lire : Le conseil de sécurité de l'ONU veut "intensifier ses efforts" pour apaiser les tensions entre la Russie et l'Ukraine« L’ensemble de l’architecture de paix et de sécurité de l’ONU a besoin d’être révisé », estime de son côté le président sud-africain Cyril Ramaphosa le 9 avril. Par ailleurs, il considère que le CS est « dépassé ». Le président sud-africain appelle à le « démocratiser » pour « infléchir les actions unilatérales » des membres permanents actuels afin de « remodeler le jeu politique actuel ».
(Re)voir : L'Afrique est-elle sous-représentée aux Nations unies ?Le 15 avril, lors d’une réunion informelle sur la réforme de l’ONU, où les cinq membres permanents du CS étaient présents, le veto a été mis en question. Plusieurs propositions, parfois anciennes, ont été évoquées. Parmi elles, la proposition faite en 2013 par la France et le Mexique, de se priver volontairement du droit de veto en cas de « crimes de masse ». Malgré le soutien de près d’une centaine de pays, cette idée n’a jamais donné de suite. La proposition du Liechtenstein a aussi été mise sur la table.
Sur les 193 pays composant l’Assemblée générale de l’ONU, une cinquantaine se sont exprimés en faveur du projet porté par le Liechtenstein. Parmi eux : l’Ukraine, actuellement en guerre contre la Russie, mais aussi les États-Unis, un des cinq membres permanents du CS. Cependant, les quatre autres membres permanents du CS ne co-parrainent pas le texte.
(Re)lire : Guerre en Ukraine : l'Assemblée générale de l'ONU suspend la Russie du Conseil des droits de l'HommeLinda Thoma-Greenfield estime que l’adoption de la résolution du Liechtenstein « constituera une étape importante vers (…) la transparence et la responsabilisation de tous les membres du Conseil de sécurité ». Parmi les autres pays favorables à la proposition du Liechtenstein, il y a le Japon et l’Allemagne. Tous deux espèrent obtenir un siège de membre permanent si jamais le CS doit être réformé. En effet, une réforme du CS passera par son élargissement, à la fois des membres permanents mais aussi des non-permanents.
(Re)voir : Ukraine : la Russie utilise son veto et bloque la résolution de l'ONUL’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud, autre prétendants à un siège de membre permanent, n’ont pas révélé leur position sur la résolution débattue. Un diplomate français estime que la France votera en faveur du texte, même si elle ne le parraine pas. Le dernier droit de veto posé par la France remonte à 1989. Par ailleurs, le choix des autres membres permanents du CS, à savoir le Royaume-Uni, la Chine et la Russie, reste inconnu.