Les pays des Brics : de la force économique à un désir d'influence diplomatique

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Les pays des Brics : de la force économique à un désir d'influence diplomatique
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Le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud se retrouvent le 29 mars à New Delhi pour leur quatrième sommet. A l'agenda, des questions d'ordre économique bien sûr mais aussi un débat sur l'institutionnalisation ou non de leur club.
Décryptage avec Folashadé Soulé-Kohndou, doctorante à Sciences-Po Paris et spécialiste des coalitions entre pays émergents.

“ Les Brics sont alliés et compétiteurs en même temps“

“ Les Brics sont alliés et compétiteurs en même temps“
Le Premier Ministre indien Manmohan Singh, le président russe Dimitri Medvedev, le président chinois Hu Jintao, la présidente brésilienne Dilma Roussef et le président sud-africain Jacob Zuma posant au sommet des Brics en avril 2011.
Comment fonctionne le club des Brics ?
Il faut faire une différence entre le concept Bric et le club des Brics. 
Pour le premier, il s'agit de l'invention en 2001 d'un économiste de Goldman Sachs [voir encadré en colonne de droite, NDLR]. 
Pour le second, on constate que dès 2006, les ministres des Affaires étrangères des pays du Bric - Brésil, Russie, Inde et Chine - ont commencé à se réunir de manière informelle en marge des assemblées générales des Nations unies. A partir de 2009, ces réunions sont devenues des sommets annuels semi-formels, avec la présence des chefs d'Etats et de gouvernements. En 2011, l'Afrique du Sud a été intégrée au club, donnant naissance au Brics.
Quels intérêts réunissent les pays du Brics ?
Les questions les plus abordées en sommet sont celles qui concernent la gouvernance économique et financière : par exemple la crise de la zone euro, la présidence du FMI et de la Banque mondiale. 
L'agenda devient tout de même de plus en vaste et inclut aujourd'hui aussi des questions de santé, d'agriculture ou d'écologie.
Cependant, malgré des prises de positions communes, il ne faut pas voir les Brics comme un bloc. Par exemple, les pays du Brics ne présentent pas de candidat commun à la présidence de la Banque mondiale mais deux d'entre eux présentent chacun un candidat. 
Le club fonctionne de manière semi-formelle afin de préserver les intérêts de chacun. L'objectif commun est de remettre en cause les règles pré-établies qui ne reflètent plus les réalités d'aujourd'hui - évolution du système de quote-parts et de droit de vote au FMI, élargissement du Conseil de sécurité de l'ONU, remise en cause du dollar comme unique monnaie d'échange...
Lors du sommet de New Delhi, il y aura débat autour de la création d'institutions plus formelles.
Il n'y a aujourd'hui pas de secrétariat permanent du club Brics comme c'est le cas dans les organisations internationales. Depuis le départ, l'idée est de ne pas s'encombrer d'une structure bureaucratique qui est lourde, coûteuse et ne sert pas forcément à grand-chose. Je ne pense donc pas qu'on verra naître un secrétariat commun aux Brics. 
En revanche, on parle d'une banque de développement Brics depuis une réunion informelle en marge du G20 de Mexico en février 2012. L'objectif est de créer un fond d'investissement pour financer des projets au sein des pays Brics mais aussi dans d'autres pays en développement. Un comité d'experts a déjà été formé. 
Cette banque, ce serait une manière de contourner les organisations financières internationales existantes - FMI et Banque mondiale - dont ils contestent le mode de fonctionnement dominé par les grandes puissances établies, que sont les Etas-unis et l'Union européenne. Ce serait aussi une façon de démontrer leur capacité à créer leur propre structure de financement.
Bien qu'il soit fort probable qu'un protocole d'emprunt soit signé entre les cinq pays à New Delhi, beaucoup de questions demeurent encore en suspens avant de pouvoir créer la structure : la contribution annuelle par membre, le modus operandi pour la sélection des projets, la présidence de la banque.
Les pays du Brics sont donc alliés mais aussi concurrents.
Oui, ils sont en compétition les uns avec les autres. La plupart redoutent la concurrence de la Chine, qui est en même temps le premier partenaire commercial de l'Inde, du Brésil et de l'Afrique du Sud. 
En ce qui concerne les questions diplomatiques et politiques, il y a des divergences. D'un côté, la Chine et la Russie sont membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, ce qui leur confère un pouvoir que les autres n'ont pas. De l'autre, l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud se rassemblent dans le forum de dialogue IBSA. Lorsque les IBSA étaient au Conseil de sécurité comme membres non permanents, leurs positions n'étaient pas toujours les mêmes que celles de la Chine et de la Russie, sur la crise en Syrie par exemple.
De fait, s'opposent deux régimes autoritaires et trois démocraties. C'est aussi pour ça que IBSA continue d'exister malgré l'intégration de l'Afrique du Sud dans les Bric - devenu Brics - en 2011.
En 2001, le rapport de Goldman Sachs disaient que les pays du Bric allaient éclipser d'ici 2050 les économies développées. Dix ans plus tard, cette prédiction est-elle toujours valable ? Ce qui est sûr, c'est que les pays des Brics avancent à une vitesse fulgurante - croissance économique, pouvoir d'achat... De là à éclipser les autres pays, je ne saurais me prononcer. Tout dépend de la capacité de rebondissement des économies européennes et américaines.

Les pays des Brics : repères

Bric est un acronyme apparu pour la première fois en 2001 dans un rapport de la banque d’investissement américaine Goldman Sachs. 
Il réunissait virtuellement quatre pays dits "émergents" : le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine. La thèse centrale du rapport de Goldman Sachs était que ces pays du BRIC éclipseront d'ici à 2050 les économies les plus développées. 
En avril 2011, le Bric devient Brics avec l'intégration de l'Afrique du Sud.
Les cinq pays représentent 40% de la population mondiale et comptent pour 18% du produit Intérieur Brut de la planète.