Fil d'Ariane
A la tête des États-Unis, l'administration Biden affiche un soutien sans faille et sans équivoque à Israël depuis la sanglante attaque du Hamas. Mais le conflit embrase les campus de plusieurs des universités les plus prestigieuses du pays, viviers de futurs dirigeants américains et laboratoires bouillonnants de militantisme.
Une porte d'entrée du campus de Harvard, à Cambridge dans le Massachussetts, États-Unis.
A Harvard, Stanford ou NYU, le sujet de la guerre entre Israël et le Hamas est si explosif que les désaccords entre étudiants, professeurs et responsables administratifs ont provoqué une tempête sur les réseaux sociaux et dans le monde politico-médiatique. Ils ont même coûté à certains des offres d'emploi et fait craindre pour leur sécurité à d'autres.
C'est un communiqué signé par une trentaine d'organisations étudiantes qui a mis le feu aux poudres à Harvard.
Le texte tient "le régime israélien pour entièrement responsable de la violence", affirme que l'assaut du mouvement islamiste palestinien "n'est pas venu du néant" et que "la violence israélienne structure le moindre aspect de l'existence des Palestiniens depuis 75 ans".
"Je suis écoeuré" à la fois par ce communiqué et par "le silence des dirigeants d'Harvard", a réagi l'ancien secrétaire au Trésor Lawrence Summers, qui fut président de cette université. Harvard semble "au mieux neutre face à des actes de terrorisme contre l’État juif d'Israël", a-t-il jugé sur X (anciennement Twitter).
L'élu démocrate du Massachusetts, Jake Auchincloss, a lui dit avoir "honte" de son université, qualifiant de "moralement corrompu" le texte des associations et de "lâcheté morale" la position des dirigeants.
La direction de l'université a bien publié un communiqué, mais il a été jugé trop timoré. Face à l'avalanche de critiques, la présidente d'Harvard, Claudine Gay, a dû en publier un deuxième.
"Je ne veux pas qu'il y ait le moindre doute sur le fait que je condamne les atrocités terroristes perpétrées par le Hamas", y écrit-elle.
Suite à l'esclandre, "et pour la sécurité des étudiants", la liste complète des organisations estudiantines signataires a disparu du document originel.
Car certains de leurs membres ont été victimes de "doxxing", la diffusion de leurs données personnelles sur internet sans leur consentement. Un véhicule arborant un écran avec des noms et des photos a même circulé près de l'université avec cette dénonciation: "Les plus grands antisémites d'Harvard."
Certains de ces groupes ont depuis retiré leur signature selon le Harvard Crimson, journal étudiant de l'université, et des étudiants ont aussi pris leurs distances avec le texte.
Trop tard peut-être: sur X, l'homme d'affaires Bill Ackman a affirmé que des PDG réclamaient que l'identité des signataires soit rendue publique, afin d'être sûrs de ne jamais les embaucher.
La présidente de l'association des étudiants en droit de l'Université de New York (NYU) a déjà fait les frais d'une politique similaire. Après avoir écrit qu'elle ne condamnerait pas "la résistance palestinienne" et qu'Israël portait "l'entière responsabilité" des pertes humaines, elle a vu annulée l'offre d'emploi que le cabinet d'avocats Winston & Strawn lui a faite.
A l'autre bout du pays, la prestigieuse université de Stanford s'est elle aussi retrouvée sous le feu des critiques après avoir refusé de condamner des banderoles pro-palestiniennes, au nom de la liberté d'expression de ses étudiants et de son désir de rester neutre.
Enfin, des enseignants de l'Université de Georgetown, dans la capitale Washington, ont écrit à leur président pour lui reprocher son "long silence sur la souffrance des Palestiniens"; tandis que plus de 44.000 personnes ont signé une pétition pour demander qu'une professeure de Yale soit limogée pour des tweets qualifiant Israël d'"Etat colon, génocidaire et meurtrier".
Dans cette ambiance tendue, des étudiants des deux bords disent leur malaise.
"Tant d'étudiants juifs" se sentent "menacés", "nous ne nous sommes jamais sentis comme ça avant sur le campus", a expliqué sur CNN Jillian Lederman, présidente de l'association Etudiants pour Israël de l'Université Brown.
"C'est vraiment, vraiment effrayant d'être Palestinien aujourd'hui (...) dans un environnement si hostile", a de son côté dit un étudiant de Harvard, cité par ABC News et qui a préféré ne pas donner son identité.
Cette semaine, pour parer à toute éventualité, Harvard a annoncé que la police de l'université avait renforcé sa présence sur le campus.