
Fil d'Ariane
Des pourparlers sur l'Ukraine aux discussions sur le nucléaire iranien prévues ce samedi 12 avril 2025, en passant par les négociations sur Gaza, les pays du Golfe occupent de plus en plus la scène diplomatique mondiale, en quête de sécurité et de reconnaissance.
Les pays du Golfe occupent de plus en plus la scène diplomatique pour la résolution des conflits internationaux.
Alliés traditionnels des États-Unis, les riches États pétroliers ont endossé le rôle de médiateurs dans des conflits phares, en capitalisant sur leurs relations, soulignent des analystes.
"En tant que puissances moyennes, ils bénéficient d'une position unique en ayant des liens étroits avec les États-Unis, dont ils ont la confiance, tout en entretenant des relations avec leurs adversaires dans la région et dans le monde", affirme Anna Jacobs, du Arab Gulf States Institute à Washington.
(Re)voir Les monarchies du Golfe au cœur de la diplomatie mondiale
Oman, qui accueille ce samedi 12 avril 2025 des pourparlers entre les États-Unis et l'Iran sur le nucléaire, a toujours maintenu de bons rapports avec son voisin iranien, favorisant les contacts discrets entre Washington et Téhéran, qui n'ont plus de relations diplomatiques depuis 1979.
Le sultanat a été le premier pays du Golfe à "entrer de plain-pied dans la diplomatie mondiale". Il a déjà joué le rôle d'intermédiaire lors des négociations de l'accord sur le nucléaire il y a plus d'une décennie, rappelle Jean-Paul Ghoneim, de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). "Puis il y a eu les Émiratis, les Qataris, et maintenant il y a un nouvel acteur de poids qui est l'Arabie saoudite", poursuit ce spécialiste du Golfe.
Le Qatar est impliqué depuis des mois dans les négociations entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, dont il abrite le bureau politique, visant à mettre fin à la guerre à Gaza. Il a aussi servi de médiateur avec l'Iran dans le passé. Quant aux Émirats arabes unis, ils ont remis en mars la lettre envoyée par le président américain Donald Trump aux dirigeants iraniens.
Que ce soit pour l'Iran ou Gaza, les États du Golfe, qui abritent plusieurs bases américaines, ont tout intérêt à faciliter le dialogue pour éviter une guerre régionale susceptible de menacer directement leurs intérêts.
Une escalade au Moyen-Orient "menacerait leur réputation de lieux sûrs pour vivre, travailler et faire des affaires", souligne Kristian Coates Ulrichsen, du Baker Institute de l'université américaine Rice. "Et dans le cas de l'Arabie saoudite (...) mettrait en péril les giga-projets au cœur du développement de la Vision 2030", l'ambitieux programme de réformes du prince héritier Mohammed ben Salmane.
Au-delà des conflits régionaux, le Qatar a accueilli récemment des discussions entre le gouvernement congolais et le groupe armé M23, pour tenter de mettre fin au conflit dans l'est de la République démocratique du Congo, après avoir réuni à Doha les présidents de la RDC, Félix Tshisekedi, et du Rwanda, Paul Kagame.
Le petit pays gazier, qui a fait de la médiation l'un des piliers de sa politique étrangère, gravé dans sa constitution, a développé une "expertise institutionnelle vers laquelle se tournent de plus en plus les acteurs extrarégionaux", souligne Kristian Coates Ulrichsen.
Plus étonnant, le rôle joué par les pays du Golfe dans un conflit essentiel pour les occidentaux, le conflit ukrainien, grâce à leur neutralité affichée vis-à-vis de l'invasion russe. Le Qatar a ainsi aidé à rapatrier des enfants ukrainiens transférés en Russie, tandis que les Émirats arabes unis ont négocié plusieurs échanges de prisonniers entre Kiev et Moscou.
L'Arabie saoudite, elle, a brillé ces dernières semaines en accueillant des pourparlers indirects sur le conflit sous la houlette américaine, ainsi que les premiers pourparlers russo-américains depuis 2022.
"Le fait qu'un État du Golfe soit l'hôte d'un dialogue visant à mettre fin à une guerre majeure en Europe témoigne du poids géopolitique de la région dans un monde beaucoup plus multipolaire et moins centré sur l'Occident", estime Kristian Ulrichsen.
Pour James Dorsey, de la National University of Singapore, le rôle de Ryad dans ces pourparlers est toutefois limité. Les Américains et les Russes avaient simplement "besoin d'un terrain neutre pour se rencontrer", tempère cet expert du Moyen-Orient. "Et je pense qu'ils ont offert ça aux Saoudiens sur un plateau d'argent", poursuit-il en soulignant le "prestige" que représente la tenue d'une réunion de cette importance dans le royaume.
Mais que ce soit pour les petits États du Golfe ou le géant saoudien, la médiation dans les conflits internationaux est un outil de "soft power" important, leur permettant de se placer sur la scène internationale.