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Dan n’a pas oublié ses idéaux. En décembre 1989, cet artisan avait 20 ans et protestait sur la même place de l’Opéra de Timisoara pour la liberté. Ce dimanche 22 janvier, il a crié, avec 5000 autres, pour rappeler qu’il voulait « vivre en harmonie dans un Etat de droit où l’avenir ne serait pas dicté par une bande de voleurs ».
Pour les dizaines de milliers de Roumains qui ont manifesté à travers le pays et à l’étranger, les « voleurs » sont les membres du nouveau gouvernement, dirigé par le Parti social démocrate (PSD), vainqueur des élections parlementaires de décembre.
Mercredi 18 janvier, lors de leur réunion hebdomadaire, les ministres s’apprêtaient à adopter en douce deux ordonnances d’urgence. La première visait à grâcier les condamnations inférieures à cinq ans de prison, ainsi que certaines peines de prison avec sursis, à l’exception des récidivistes, des délits avec violence, des délits sexuels et des délits de corruption. Une grâce partielle (peine réduite de moitié) serait accordée sans restriction aucune, cette fois, aux détenus de plus de 60 ans ou à ceux qui ont des enfants de moins de cinq ans.
A ce projet de grâce collective qui éclipserait ainsi la grâce individuelle attribuée par le président, s’ajoutait la redéfinition des « abus de pouvoirs » dans le code pénal : les détournements de fonds publics de moins de 50 000 € ne seraient plus concernés et aucune enquête ne pourrait être menée six mois après les faits.
Ces dix dernières années, plus de 1 500 hommes politiques ou d’affaires ont en effet été condamnés pour avoir volé à l’Etat roumain quelques 1,5 milliard d’euros. « Et ainsi ceux qui auront effectué la moitié de leurs peines pourront être libérés sur le champ, sans inquiétude, c’est le cas de patrons de chaînes de télévision proches du pouvoir et accusés de blanchiment d’argent. Tous les progrès menés ces dernières années contre les corruptions s’envoleront en un instant », complète Tiberiu Pfiszter, programmateur de 37 ans, à l’initiative du rassemblement.
On risque de se réveiller avec des hommes politiques qui auront rempli leurs poches avec l’argent public.
Tiberiu Pfiszter
La rédéfinition des « abus de pouvoir » inquiète davantage. « On risque de se réveiller avec des hommes politiques qui auront rempli leurs poches avec l’argent public sans qu’aucun projet pour les citoyens n’ait abouti, alors que nous avons des systèmes de santé et d’éducation déjà désastreux », regrette Tiberiu.
Devant cette mobilisation populaire, le président, qui a participé aux manifestations de Bucarest, a annoncé, lundi 23 janvier, qu’il convoquerait un référendum consultatif. Cependant, cette initiative pourrait prendre plusieurs semaines. D’ici là, à tout moment, le gouvernement pourrait adopter ses deux ordonnances d’urgence qui entreraient en vigueur immédiatement. Seul l’Avocat du peuple a le pouvoir de les attaquer auprès de la Cour constitutionnelle, mais il a déjà fait savoir qu’il n’en n’avait pas l’intention.
Les Roumains, eux, sont prêts à continuer le combat jusqu’à ce que le gouvernement renonce à son projet. Déjà d’autres manifestations sont prévues dimanche prochain. Et plusieurs pétitions sont en cours. A Timisoara, Tiberiu a déjà récolté 1400 signataires. « Nous avons déjà fait tomber un gouvernement pour faits de corruption en 2015. Nous sommes prêts à recommencer », a lancé Alexandra, une des signataires.