Fil d'Ariane
Un discours bref. Moins de deux minutes. Le triomphe de Volodymyr Zelensky, nouveau président élu d'Ukraine, fait basculer le pays dans une période d'incertitudes.
Certes, des messages de félicitations ont afflué des capitales étrangères. En France, le président Emmanuel Macron fait partie de ceux qui ont décroché leur téléphone, pour congratuler l'acteur et humoriste de 41 ans. Pour acter ainsi un scénario encore inimaginable il y a quelques semaines. Au Canada, Justin Trudeau, le Premier ministre dit son impatience de travailler avec le nouvel élu pour renforcer les liens entre les deux pays.
Congratulations to Volodymyr Zelenskiy on the results of the Ukrainian presidential election. I’m looking forward to working with you to continue strengthening the ties between Canada & Ukraine, and creating more opportunities for people in both our countries.
— Justin Trudeau (@JustinTrudeau) 22 avril 2019
"Vous serez maintenant vraiment un Serviteur du Peuple", a écrit sur Twitter le chef de la diplomatie britannique Jeremy Hunt en référence à la série télévisée éponyme dans laquelle M. Zelensky joue un président ukrainien.
Cinq ans après la révolution pro-occidentale du Maïdan, réprimée dans le sang, les Ukrainiens ont une nouvelle fois décidé de renverser la table. Mais cette fois, l'élection s'est déroulée dans le calme et dans le respect des normes démocratiques.
"À tous les pays de l'espace post-soviétique Regardez tous ! Tout est possible" lance le président élu.
Mais, en réalité, l'Ukraine entre surtout dans l'inconnu. Zelensky a soigneusement entretenu le flou quant à son programme, pour rallier les Ukrainiens à sa cause.
Présenté comme libéral et pro-européen, il tend déjà la main à Moscou pour trouver une issue à la guerre dans le Donbass.
"Nous allons poursuivre le processus de Minsk, nous allons le relancer" souligne Volodymir Zelensky.
En face, la déception du président sortant est plus que palpable. Petro Porochenko a certes reconnu sa défaite. Il prépare désormais les législatives prévues au calendrier en octobre. Il n'en est pas moins, inquiet pour son pays. "Je quitte mes fonctions mais je veux souligner avec fermeté : je ne quitte pas la politique", dit-il. Et d'ajouter : "Il y a un grand point d'interrogation quant à l'avenir du cap stratégique qu'a pris l'Ukraine envers l'Union européenne et l'OTAN, et sur la poursuite des réformes démocratiques".
Sur cette question, le président élu a été clair lors de sa première conférence de presse. Volodymyr Zelensky souhaite "relancer" le processus de paix de Minsk et "arriver à un cessez-le-feu", en référence aux accords signés en février 2015 dans la capitale bélarusse sous l’égide de Kiev, Moscou, Paris et Berlin.
Il est vrai que les défis sont immenses dans cette ex-république soviétique, confrontée à une crise inédite depuis son indépendance.
L’arrivée au pouvoir de pro-occidentaux en 2014 a précédé l’annexion par Moscou de la péninsule ukrainienne de Crimée.
S'en est suivie, une guerre dans l’est avec les séparatistes prorusses qui a fait près de 13.000 morts en cinq ans.
Le nouveau président aura besoin d'une majorité au Parlement pour mettre en place une politique. C'est désormais son premier défi. Confirmer cet élan, aux prochaines législatives qu'il pourrait théoriquement provoquer en ordonnant la dissolution du Parlement. Il y a donc, une sorte de match retour possible pour Petro Porochenko, qui représente, une classe politique décrédibilisée par des scandales de corruption incessants depuis l'indépendance en 1991.
Un tel discrédit, augmente l'attente autour du nouvel élu. Incarner un président ukrainien dans une fiction n'a rien à voir avec le fait de devenir le sixième président de l’Ukraine indépendante. En clair, un échec de Volodymyr Zelensky aura des conséquences très lourdes pour un pays qui tout misé sur un profil comme le sien.