Les youtubeurs, sont-ils des “experts” crédibles ?

Norman, Cyprien, EnjoyPhoenix, Natoo, Léa Elui, des noms qui reviennent souvent lorsque l’on parle des youtubeurs. Pourtant, Youtube n’héberge pas que des humoristes ou des spécialistes de beauté, de mode ou de jeux vidéos. Les vulgarisateurs, comme Mister Géopolitix, sont de plus en plus nombreux à décrypter l’histoire, la politique, l’économie ou encore la littérature. Sont-ils crédibles ?
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Youtubeurs
Bruce Benamran (E-Penser), Benjamin Brillaud (Nota Bene), Charlie Danger (Les Revues du monde) et Gildas Leprince (Mister Géopolitix)
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Comprendre le conflit israélo-palestinien, le Brexit, la main invisible d’Adam Smith ou encore la loi PACTE, n’a jamais été aussi simple avec Youtube. En un clic, l’internaute accède à une multitude de vidéos sur le sujet de son choix.

En France, le succès de ces vidéos explicatives est grandissant aussi bien chez les adolescents que chez les adultes. “Le public est généralement compris entre 18 et 35 ans”, explique le youtubeur Mister Géopolitix alias Gildas Leprince et auteur du livre Mister Géopolitix explore les grands enjeux du monde actuel.
 

Dans le monde entier, Youtube est devenu la plateforme de référence. Aujourd’hui, plus d’1, 9 milliard d’utilisateurs se connectent sur le site chaque mois et 1 milliard d’heures sont regardées chaque jour, selon les chiffres du géant américain.

En France, le vulgarisateur scientifique E-Penser compte plus d’1 million d’abonnés. Nota-Bena qui traite d’histoire et de mythologie en a près de 850 000. Enfin, la chaîne de Charlie Danger, Les revues du monde -  spécialisée en archéologie et histoire - est suivie par 500 000 personnes. 

Des amateurs aux spécialistes

Et pourtant, l’un des principaux reproches fait aux vidéastes est leur manque de professionnalisme. Chez les vulgarisateurs sur youtube, il y a deux écoles. Certains ont étudié le domaine dont ils parlent dans leurs vidéos, d’autres sont simplement passionnés par un sujet. Selon Vincent Maniele, journaliste et auteur du livre Youtube derrière les écrans, "la plupart ne sont pas formés dans le domaine qu’ils explorent.”

Le youtubeur spécialisé en géopolitique, Gildas Leprince fait donc partie d’une minorité. Diplômé d’une école de commerce, il a suivi une spécialité “pays en voie de développement”, avant de poursuivre un Master à l’Université dans ce même domaine.

Mais est-ce que cela change le contenu proposé par ces youtubeurs ? Pas forcément explique le journaliste, “aujourd’hui, la plupart des gros youtubeurs  - surtout ceux qui n’ont pas de formation dans le domaine -  font valider leurs textes auprès d’experts, de chercheurs avant de publier leurs vidéos.” C’est le cas de Benjamin Brillaud de la chaîne spécialisée en histoire et en mythologie, Nota Bene.
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Gildas Leprince alias Mister Géopolitix, invité du journal 64' Le monde en français

L’implication, un gage de qualité

Au-delà du profil, le degré d’implication du vidéaste détermine généralement la qualité du contenu. “Certains n’en ont rien à faire, ils ne sont pas très connus, pas très scrutés et préparent donc leurs vidéos de façon négligée”, observe Vincent Maniele.

Pour Mister Géopolitix, une vidéo sur sa chaîne nécessite un travail rigoureux et approfondi. “J’essaye de voir si le sujet a un lien avec l’actualité, si j’ai des connaissances dessus, et après je pars sur une grosse phase de travail de recherches. Enfin, je recoupe les informations et j’effectue un travail de synthèse pour les rendre accessibles”, indique le vidéaste. “Pour un format court, il me faut 3, 4 jours et pour une vidéo de 36 minutes, cela peut me prendre 1 mois,” ajoute-t-il.

Il se base également sur des sources réputées pour leur fiabilité. “En général, j’utilise les rapports de l’ONU et d’autres institutions de ce type. Cela m’inspire graphiquement pour coupler les informations, c’est une très bonne base, qui est actualisée tous les ans”, décrit-il.

Pour réussir en tant que vulgarisateur, le sérieux d’une chaîne Youtube est gage de réussite, “globalement, ils sont obligés de vérifier les informations s’ils veulent être considérés”, conclut le journaliste.

Les nouveaux journalistes ?

Le travail de certains vulgarisateurs se rapprochent de plus en plus du journalisme. “Je me présente comme youtubeur, vulgarisateur et parfois journaliste reporter quand je fais des reportages sur le terrain”, explique Mister Géopolitix.

Neutralité, vérification des informations… Autant de pratiques parfois similaires à celles de cette profession. “Personnellement, je cherche à avoir une déontologie, j’essaye de présenter l’avis du plus grand nombre, de balancer les points de vue et j’essaye de ne pas être un militant politique”, assure le spécialiste en géopolitique qui a récemment collaboré avec deux magazines, Paris Match et VSD.

Une indépendance relative

Pour le journaliste et auteur, Vincent Manileve, la monétisation pose question. “Je ne suis pas sûr que l’on puisse considérer les youtubeurs comme des journalistes car les engagements sont différents. Un journaliste ne peut pas accepter de partenariats comme c’est le cas fréquemment pour eux.”

Journalistes ou pas, les youtubeurs se professionnalisent de plus en plus, ces dernières années. Le public, les entreprises mais aussi les institutions, donnent plus de crédit à ces vidéastes, “désormais très pris au sérieux dans leur domaine”, déclare Gildas Leprince.

Les vulgarisateurs, c’est le prof cool qu’on aimerait avoir. Ils proposent une approche plus pédagogique, didactique et amusante avec des infos, des blagues. Ça rend accessible le savoir”, conclut le journaliste.