Peu d'évolution, en revanche, sur la question jugée délicate de la reconnaissance de l'État palestinien, admise dans son irréalité mais qu'il n'est jamais l'heure de mettre en œuvre. A la mi-octobre encore, Laurent Fabius répète qu'elle viendra ... « le moment venu ». « Ce que nous voulons, argumente t-il, c'est non pas une question symbolique, c'est être utiles à la paix ». Problème rendant de moins en moins tenable cette éternelle temporisation : exaspérés par l'épisode Gaza, l'inflexibilité de Tel Aviv et la poursuite des colonisations, plusieurs pays de l'Union européenne décident eux – ou leur parlement – de ne plus attendre d'avantage. En Grande-Bretagne, la Chambre des Communes appelle
le 13 octobre par 274 voix contre 12 le gouvernement du Royaume Uni à la reconnaissance de l'État palestinien. Le Sénat irlandais l'imite le 23 octobre. Le 30 octobre, c'est la Suède en tant que telle qui officialise la même reconnaissance. «
J’ai peur que [cette décision] vienne plutôt trop tard que trop tôt » commente la chef de sa diplomatie, Margott Wallström. Une motion dans le même sens pourrait être adoptée prochainement par le parlement
luxembourgeois. Le Danemark s'interroge, de même que la
Belgique. Le parlement européen de Strasbourg a différé de trois semaines son débat sur le sujet mais il reste imminent. A ce rythme, la France, qui se veut actrice de premier plan dans le règlement du conflit, prend le risque de se retrouver ridiculement à l'arrière du cours de l'histoire.
En Israël même, de surcroît, des voix s'élèvent en faveur d'une réévaluation des tabous en vigueur. Plus de "700 citoyens israéliens" parmi lesquels des intellectuels, diplomates et officiers supérieurs de réserve – de l'historien Zeev Sternhell à l'ancien ambassadeur de l'État hébreu en France Elie Barnavi- y ont signé une
pétition à l'adresse, précisément, des parlements danois et français : « Il est clair,
affirment les signataires , que les perspectives de la sécurité et de l'existence d'Israël dépendent de l'existence d'un État palestinien aux côtés d'Israël. Israël doit reconnaître l’État de Palestine et la Palestine doit reconnaître l’État d'Israël, sur la base des frontières du 4 juin 1967. Votre initiative pour la reconnaissance de l’État de Palestine fera progresser les perspectives de paix ». « Évidemment,
observe Elie Barnavi dans un entretien au journal l'Humanité (19 novembre 2014), un État palestinien viable ne sortira pas de telle ou telle déclaration. (…) Mais l'existence même d'un tel État bouleverserait la nature des négociations, qui impliqueraient non plus une autorité improbable mais un État reconnu par la communauté internationale ».
Bénie ou non de la présidence de la République, l'initiative des députés socialistes leur fait écho, portée par une ancienne ministre de François Mitterrand, présidente de la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, Élisabeth Guigou et par le président du groupe socialiste Bruno le Roux. Laurent Fabius lui-même laisse entrevoir le 8 novembre une très légère évolution officielle : « Jusqu’à présent l’idée qui a prévalu, c’est que la reconnaissance devait être liée à la négociation. Mais si la négociation ne se produit pas, ou si elle n’aboutit pas, alors la France doit prendre ses responsabilités ». L'infléchissement semble minime mais certains y voient une bénédiction.