Le scandale des effets secondaires provoqués par la nouvelle formule du Levothyrox et qui affectent des dizaines de milliers de malades, prend une nouvelle tournure. Cette fois-ci, c'est l'Agence de sécurité du médicament qui est sur la sellette en refusant de communiquer le nom de l'entreprise et le lieu de fabrication du principe actif du Levothyrox nouvelle formule. Une pétition de plus de 20 000 signataires demande à l'ANSM un droit à l'information des malades.
Les malades qui ont déclaré à l'ANSM des problèmes de santé avec le Levothyrox nouvelle formule via le formulaire de pharmacovigilance, sont aujourd'hui 30 00 : un record pour l'agence, mais très sous-évalué, puisque selon les différentes études sur les diminutions des ventes, ils étaient entre 500 000 et un million de malades — en mars 2018 — à avoir abandonné le médicament. Dès septembre 2017, l'étendue des problèmes de santé subis par les patients était connue, mais les autorités sanitaires ne semblaient pas vouloir la prendre en compte, préférant seulement permettre la mise en vente de génériques du Levothyrox.
> Levothyrox : des milliers de malades en souffrance et peu de solutions en vueC'est six mois plus tard que le quotidien en ligne
Les Jours dévoile un conflit d'intérêt du médecin de l'ANSM ayant fait la demande de changement de formule auprès du laboratoir Merck :
> Levothyrox : la bataille continue et l'ANSM est accusée de conflit d'intérêtsLa pétition lancée il y a un an, "
Contre le nouveau Levothyrox dangereux pour les patients !" a atteint 328 000 signatures. Depuis jeudi, une nouvelle pétition circule, à l'initiative de l'association des malade de la thyroïde (AFMT), mais cette fois-ci pour demander à l'ANSM de donner toutes les informations concernant la provenance du médicament.
Pétition : Contre le "secret des affaires" en matière de santé publique. Pour la transparence et la traçabilité des médicaments.Une demande d'information sur le Levothyrox auprès de l'ANSM par l'avocat de l'AFMT, Emmanuel Ludot, en avril 2018, a été reportée plusieurs mois, pour finalement être délivrée le 04 septembre par l'agence publique. Seul problème : les indications sur l'origine et la provenance du principe actif du Lévothyrox nouvelle formule ont été occultées.
Première utilisation de la loi sur le secret des affaires
Dans sa réponse à l'avocat, l’ANSM estime que le recours à la loi sur le secret des affaires — votée en juillet 2018 — est justifiée, car elle vise à protéger
"le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles". Le nom de l'entreprise ayant fabriqué le principe actif du nouveau Levothyrox, le lieu de cette fabrication, portent donc la mention "sans objet"
dans le document que l'ANSM a délivré et que le site Les Jours s'est procuré :
C'est la première fois que la loi sur le secret des affaires est utilisée en France. Alors qu'il paraissait logique que ce soient des entreprises privées qui utilisent ce nouveau droit — pour protéger leurs intérêts commerciaux ou industriels — c'est une institution publique, censée protéger et informer les citoyens qui le fait. Les opposants à la loi sont scandalisés, les associations de défense des malades, atterrées.
Extrait du communiqué Les intérêts privés avant la santé ? du collectif "Informer n'est pas un délit" :
L’Agence du Médicament choisit de dissimuler des informations aux patients au nom du secret des affaires :
(…) Selon les Jours, l’avocat aurait fait sa demande le 23 avril dernier. Or, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) aurait attendu le 4 septembre pour lui répondre, expliquant que les informations demandées, jusque là accessibles publiquement, ne pouvaient désormais plus lui être communiquées dans leur intégralité, du fait de la nouvelle loi sur le secret des affaires.
C’est la première fois, que le secret des affaires est invoqué.
Cette atteinte au droit d’être informé ne vient pas d’un groupe privé. Elle est le fait d’une agence publique. C’est inacceptable !
Nous ne pouvons tolérer que la défense des intérêts d’une entreprise privée passe avant l’intérêt général, en l’espèce, la santé des citoyens. Le collectif INPD exige de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament qu’elle s’explique publiquement sur cette affaire et demande instamment au gouvernement de rendre publique l’intégralité des informations concernant le « Levothyrox ». Lors de l’adoption de la loi, un suivi de cette loi avait été promis par les parlementaires l’ayant adopté : mesdames et messieurs les élus, il est temps de passer des paroles aux actes !
Le mystère s'épaissit, le scandale s'accentue
Le Levothyrox nouvelle formule n'a pas été retiré du marché, l'ancienne formule n'a pas été réintroduite et les solutions offertes par les génériques ou les médicaments équivalents au Levothyrox ne conviennent toujours pas à des dizaines (centaines ?) de milliers de malades de la thiroïde qui continuent de demander que l'ancien médicament leur soit redonné. Le blocage étant complet à ce niveau, tant du côté de Merck que de celui des autorités de santé, les associations demandent à au moins "pouvoir connaître la provenance du principe actif", et vérifier ainsi quelles différences significatives pourraient être présentes entre les deux procédés.
Le lieu de fabrication du principe actif du nouveau Levothyrox et l'entreprise qui le fabrique, sont des éléments qui pourraient permettre de mieux comprendre ce qui différencie ou pas les deux médicaments censés être… identiques. Merck et l'ANSM ont en effet toujours affirmé que les deux molécules étaient strictement les mêmes et que seules les excipients avaient changé. Si le principe actif du nouveau Levothyrox n'est plus fabriqué en Allemagne mais par exemple en Chine, cette information pourrait amener de nombreuses pistes de compréhension du scandale : 90% des principes actifs des médicaments génériques sont fabriqués en Asie, un continent où les contrôles de qualité sont nettement moins rigoureux qu'en Europe.
L'ANSM n'a pas voulu indiquer le nom et le lieu d'implantation de l'entreprise fabriquant la lévothyroxine — le principe actif du Levothyrox — sous prétexte que le secret des affaires le lui permet. Le loi stipule qu'elle sert à protéger "
le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles"
. En quoi le nom et la domiciliation d'une entreprise sous-traitante pourrait-elle mettre à mal "des procédés ou des
informations économiques et financières et des stratégies commerciales
" ? La question a été posée à l'Agence nationale de protection et de sécurité du médicament par plusieurs rédactions et celle-ci n'a pour l'heure pas souhaité répondre. Un dernier élément découvert dans le document crée une nouvelle polémique : pourquoi une modification de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) a-t-elle été demandée par Merck le 15 novembre 2017, en plein scandale, alors que des dizaines de milliers de patients saturaient depuis des semaines les services de pharmacovigilance ? L'étude de bioéquivalence de la nouvelle formule était-elle suffisante ? Il va falloir attendre — semble-t-il — encore un peu pour connaître les réponses à toutes ces questions autour du Levothyrox. Si les autorités publiques acceptent de faire acte de transparence.
Au final, plus d'un an et demi après le début de cette crise, le mystère des effets secondaires provoqués par la nouvelle formule du Levothyrox s'épaissit. Avec le refus d'information du public par l'agence du médicament censée informer ce même public, le scandale, quant à lui, s'accentue… très fortement.