L'ex-directeur du site de Palmyre victime du groupe «EI»

Selon plusieurs sources, Khaled Assaad, l'ancien directeur du site archéologique gréco-romain de Palmyre, dans le désert syrien, a été décapité par des membres du groupe « État islamique ». Le groupe djihadiste s'était emparé de la cité antique en mai 2015. Réaction de Michel Al-Maqdisi, chef de projet au département des Antiquités orientales du musée du Louvre qui l'a bien connu...
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Khaled Assaad
L'ex-directeur de la cité antique de Palmyre, Khaled Assaad, a été assassiné cette semaine par le groupe "État islamique".
(SANA via AP)
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Après s’être attaqué au site archéologique de Palmyre, oasis du désert de Syrie, le groupe « État islamique » s’en est pris à son ancien directeur. Khaled Assaad, qui a dirigé le site pendant une cinquantaine d’années, a été décapité puis son corps suspendu et exposé, selon le directeur des Antiquités syriennes, Maamoun Abdoulkarim. L’information a ensuite été confirmée par l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), indiquant qu’il avait été exécuté sur « une place de Palmyre devant des dizaines de personnes ». Des images ont été publiées et diffusées sur des sites djihadistes.
 
Au cours de sa carrière, cet universitaire avait notamment collaboré avec des archéologues français, américains, allemands et suisses.

 

Il travaillait un petit peu partout, sur tous les fronts. C’était le « monsieur-clé » de Palmyre.

Âgé de 82 ans, il était détenu depuis un mois par le groupe djihadiste. Ce dernier a pris en mai la ville de Palmyre et sa cité antique, classée par l'Unesco au patrimoine mondial de l'humanité. Depuis, il s’est attelé à certaines destructions. Il s’est ainsi attaqué à deux mausolées islamiques et à la statue du lion d’Athéna, datant du Ier siècle av. J-C. Cette destruction avait alors été qualifiée de « plus grave crime commis par les djihadistes contre le patrimoine de Palmyre » par Maamoun Abdoulkarim.
 
Palmyre 17 mai 2015
Vue générale de la cité antique de Palmyre, quelques jours à peine avant sa prise par le groupe djihadiste.
(SANA via AP)

Entretien avec Michel Al-Maqdisi, chef de projet au département des Antiquités orientales du musée du Louvre et ex-directeur des fouilles et des études archéologiques de la Syrie

Propos recueillis par Bénédicte Weiss

 
Khaled Assaad a été directeur du site archéologique pendant une cinquantaine d’années. Comment l’est-il devenu ?
 
Il a commencé dans les années 1960 par des études d’histoire à l’université de Damas. Il a ensuite été nommé pour une durée d’un an, à Damas, au service des fouilles et études archéologiques de la direction des Antiquités. Puis celle-ci l’a nommé près de chez lui, à Palmyre, à l’époque de l’inauguration du nouveau musée de Palmyre. Il en est tout de suite devenu le conservateur en chef et le directeur des Antiquités. Il a alors commencé à organiser le travail archéologique sur place. 
Palmyre avait fait l’objet d’un travail très important de la part des Français à l’époque du mandat français, mais il n’existait pas de service dédié. Lui, il a créé le service des Antiquités et il l’a organisé. Il était doté d’un véritable esprit d’ouverture et de collaboration. 
 
 
Quelles avancées lui doit-on sur le plan scientifique ?
 
Avec ce service, il pouvait étudier le site et toute la région palmyrénienne alentour. Il a enregistré les antiquités qui se trouvent dans toute la zone. À Palmyre, il a concentré le travail suivant deux axes : les fouilles archéologiques des monuments les plus importants, et la restauration. Ces campagnes de restauration ont permis de donner leur visage actuel aux ruines. Et il a fouillé un certain nombre de temples et de monuments religieux, mais aussi des quartiers d’habitation. Surtout, il a restauré la rue principale et a mené des travaux au niveau des fortifications, c’est-à-dire les remparts qui entouraient le site.
À l’université, il a étudié l’histoire parce que, tout simplement, il n’existait pas de département d’archéologie à cette époque. Mais dès la première année de sa nomination à la direction des Antiquités, il a commencé à publier. Il a sorti un certain nombre de livres sur l’histoire de Palmyre et de sa région. Surtout, il a écrit un livre sur Zénobie, la très connue reine palmyrénienne
Il a également joué un rôle pour faciliter l’organisation des expositions à partir des antiquités palmyréniennes, un petit peu partout. La première d’entre elles a eu lieu à Paris, au Petit Palais, en 1974. 
 
 
Quelles collaborations a-t-il mené avec les archéologues étrangers ?
 
Il a notamment travaillé avec des missions françaises et allemandes. Par exemple, il a collaboré avec une mission de l’institut allemand de Damas pour la fouille et la restauration d’un hypogée (tombeau funéraire), puis la fouille de tout un quartier.
Avec les Français, il a par exemple collaboré dès l’époque d’Henri Seyrig et de Daniel Schlumberger. Il a aussi travaillé avec des jeunes pour la publication des inscriptions palmyréniennes. Il menait plusieurs types de collaborations avec tout le monde scientifique intéressé par l’archéologie palmyrénienne.
 
 
A-t-il joué un rôle de vulgarisation auprès du grand public ?
 
Il a réalisé des circuits touristiques et a participé à l’aménagement de cette ville pour qu’elle soit accueillante pour les groupes touristiques et pour les visiteurs. Dans les pays du tiers-monde, comme l’était la Syrie, un responsable des Antiquités doit travailler un petit peu partout, à la fois du côté scientifique et de celui de la vulgarisation pour les touristes. Il était donc obligé de tout faire parce qu’il n’existait pas l’infrastructure. Il l’a créée avec le temps. Il a été scientifique avec les scientifiques, et il publiait des guides pour le tourisme. Avec les ouvriers, il était simple. Il travaillait un petit peu partout, sur tous les fronts. C’était le « monsieur-clé » de Palmyre.