L’homosexualité dans le sport, un sujet encore tabou

Cette année, la France accueille pour la première fois les Gay Games. Ceux-ci ont été créés à San Francisco aux Etats-Unis en 1982, avec l'objectif de lutter contre les stéréotypes et discriminations. Une façon de souligner l’homophobie dans le sport.

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Les Gay games se sont déroulés pour la première fois en France en août 2018.
© AP Photo/Michel Euler
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A la fin du 4x200m, tous les participants se prennent dans les bras. Peu importe la nationalité, le classement, ils portent tous le même étendard : celui de la lutte contre l’homophobie dans le sport. La compétition a été lancée samedi 4 août lors d’une cérémonie d’ouverture au stade Jean-Bouin, en présence de la maire de Paris Anne Hidalgo, de la ministre des Sports Laura Flessel et du couturier Jean-Paul Gaultier.

Jusqu’au dimanche 12 août, plus de 10 000 sportifs originaires de 90 pays concourent dans 36 disciplines. L’originalité de cet événement : il est ouvert à tous, “c’est l’événement le plus inclusif du monde” souligne le co-président des Gay Games de Paris, Manuel Picaud. Il insiste sur le fait que,“l’objectif n’est pas d’être communautariste ni d’être réservé aux personnes homosexuelles”. Les compétitions sont organisées par niveau et chaque personne reçoit une médaille de participation à la fin des épreuves : “la performance n’est pas mise en avant”, explique-t-il.

Le culte de la performance, de la virilité et du patriotisme

 

Concernant les discriminations liées à l’identité sexuelle, le sport est en retard. Pour les sportifs homosexuels de haut niveau, les craintes d’être mal vus par le public, abandonnés par les sponsors et jugés par l’équipe est omniprésent. Pour les sportifs amateurs, ce sont plutôt les remarques désobligeantes, la peur d’être isolé qui inquiètent.

Comme le sport est basé sur le culte de la performance, de la virilité et du patriotisme, tout ce qui pourrait apparaître comme une faiblesse est mis de côté pour ne pas prendre de coups”, souligne le co-directeur des Gay Games.

Pour certains sportifs amateurs comme Martine - nageuse lors des Gay Games - l’homophobie est souvent implicite : “on ne voit pas forcément l’homophobie de façon directe, mais on sent l’homophobie, on l’entend à travers des paroles agressives. Je le vois par exemple à la piscine. Il y a des vestiaires où il m’est arrivée d’entendre certaines réflexions dans les douches.

L’homophobie passe souvent par le vocabulaire utilisé, “ce n’est pas forcément direct, mais ça peut être simplement des mots comme "pédé, tapette", parfois dits de façon amicale, qui renvoient une mauvaise image” témoigne Matthieu, athlète des Gay Games.

La loi de l’omerta

L’homosexualité n’est pas acceptée de la même façon selon les pays. Des millions de personnes ne peuvent toujours pas pratiquer leur passion, à cause de leur orientation sexuelle.

Lors des Gay Games, certains participants ont été jusqu’à censurer leur propre identité. Julien, l’un des sportifs français témoigne : “des athlètes africains ont masqué leur nom sur les listes de départ et de résultats pour éviter d’avoir des problèmes à leur retour. On a aussi masqué leur visage sur Facebook et on est tenu à la discrétion afin que ça ne fuite pas sur les réseaux sociaux par exemple.

Bien que la France ait des efforts à faire pour faire disparaître l’homophobie dans le sport, il est notable que certains sportifs pratiquent librement leur activité. “On  considère que l’on a de la chance d’être en France et de ne pas avoir connu de problèmes d’homophobies dans nos sports, contrairement à d’autres.” renchérit Julien.

Un constat qui s’avère cependant plus vrai dans les sports individuels que dans les sports collectifs.

Gay + sport collectif = homophobie ++

Lors des derniers Jeux olympiques de Rio, en 2016, une cinquantaine de sportifs ont fait leur coming-out, majoritairement des femmes venant de sports individuels car l’homosexualité est moins tolérée chez les hommes. Bien que certaines femmes lesbiennes subissent l’homophobie dans leur discipline, l’homosexualité féminine est mieux acceptée et plus assumée. La raison est simple : la question de la virilité ne se pose pas, au contraire des hommes. Les sports collectifs ont aussi tendance à être plus regardant concernant l’identité sexuelle.


Un avis partagé par quatre athlètes français homosexuels, participants aux Gay Games : “dans les sports collectifs, l’intégration doit être plus difficile.Dans le football ou le rugby, c’est compliqué d’intégrer un club fédéral en étant homosexuel”, explique l’un d’entre eux. Les causes sont multiples. Les sports collectifs n’engagent pas seulement un individu mais un certain nombre de personnes ; le regard des autres occupe donc une place primordiale. La présence de contacts physiques sur les terrains ou dans les vestiaires mène facilement à des altercations entre joueurs et donc à des propos insultants. Le football en est l’exemple. Selon un sondage Ipsos réalisé cette année sur la question de l’homophobie dans le football, 69% des français considère qu’il est difficile de vivre son homosexualité dans ce sport.

Comment y remédier ?

Des événements à échelle nationale et internationale comme les Gay Games servent de levier à la prise de conscience de l’homophobie et des discriminations dans le sport. Pour pallier l’aspect éphémère de ce type de manifestations, l’organisation des Gay Games s’est associée à de nombreuses structures sportives et institutions publiques. Manuel Picaud déclare : “des actions en profondeur ont été menées pour sensibiliser sur la question du genre et de l’identité sexuelle". La Fédération Française de football (FFF) a notamment été formée sur ces questions. La lutte contre l’homophobie passe donc par la prévention et la sensibilisation des acteurs locaux, nationaux et internationaux, mais aussi par la loi. Le co-président des Gay Games insiste sur la nécessité de se servir du cadre légal pour se défendre contre ces discriminations que ce soit à un niveau amateur ou professionnel.

Il y a du chemin à faire avant d’arriver à une acceptation de l’homosexualité dans le sport, mais les progrès sont nombreux ces dernières années en France, souligne Manuel Picaud : “le démarrage est lancé, il y a une prise de conscience qui est faite. Maintenant, il va falloir utiliser l’héritage des Gay Games, notamment les préconisations pour le sport universel pour qu’on passe du témoignage à une action politique efficace, prise en compte à tous les niveaux”.