Fil d'Ariane
En visite à Beyrouth après une explosion dévastatrice, le président français Emmanuel Macron a réclamé une enquête internationale et appelé à un "profond changement" de la part des dirigeants libanais, accusés d'incompétence et de corruption par une population en colère.
"Je ne suis pas en train de donner un diktat aux dirigeants", a déclaré le président de l'ancienne puissance mandataire au Liban, balayant les accusations d'"ingérence" d'une partie de la classe politique libanaise.
Mais "les trois semaines qui viennent sont décisives dans l'avenir du Liban", a-t-il dit dans une interview à la chaîne française BFMTV.
Au cours d'une conférence de presse à 18h30 (heure de Paris), le chef de l'Etat français a appelé à une "enquête internationale" pour déterminer les causes de la catastrophe. "C'est le temps des responsabilités aujourd'hui pour le Liban et ses dirigeants", a-t-il notamment ajouté.
Il a également annoncé l'organisation d'une conférence internationale de soutien pour venir en aide aux victimes des explosions. "Il y aura un avant et un après 4 août 2020", a ajouté le président, déclarant "qu'au moins une cinquantaine de Françaises et de Français" figuraient parmi les victimes, bien qu'il "soit trop tôt pour donner des chiffres".
Emmanuel Macron, qui a réitéré sa promesse de revenir le 1er septembre, a en outre annoncé l'envoi du porte-hélicoptère amphibie Tonnerre, jeudi prochain. Selon le ministère de la Défense, le bâtiment, long de 200 mètres, peut convoyer jusqu'à 900 soldats, contenir 69 lits, avec possibilité d'extension, et deux blocs opératoires. "La France ne lâchera jamais le Liban", avait-il déclaré en préambule de son intervention.
S'adressant aux habitants du quartier ravagé de Gemmayze, Emmanuel Macron a promis qu'il reviendrait le 1er septembre pour vérifier que l'aide française "[ne va] pas dans les mains de la corruption".
Il a également déclaré souhaiter "que les enquêtes puissent se faire au plus vite dans un cadre parfaitement indépendant et transparent pour expliquer, rendre compte de ce qui s'est passé, des causes". Ceci, alors que "et on a bien senti ce matin dans la colère qu'il y a dans la rue, il y a aujourd'hui une crise politique, morale, économique et financière qui dure depuis plusieurs mois, plusieurs années et celle-ci implique des initiatives politiques fortes" a-t-il ajouté.
"Aujourd'hui, la priorité c'est l'aide, le soutien à la population sans condition. Mais il y a l'exigence que la France porte depuis des mois, des années, de réformes indispensables dans certains secteurs", a ajouté le chef de l'Etat français. "Si ces réformes ne sont pas faites, le Liban continuera de s'enfoncer", a-t-il souligné.
"Je souhaite organiser la coopération européenne et internationale dans les prochains jours pour aider le Liban. Pendant les heures qui viennent, je vais me rendre au port, échanger avec les sauveteurs, les ONG", a expliqué le chef de l'Etat français aux journalistes qui l'attendaient à sa sortie du salon d'honneur de l'aéroport où il a été accueilli par son homologue libanais, Michel Aoun.
"Nous allons organiser les choses pour que l'aide puisse arriver sur le terrain. Le plus important, c'est cette solidarité fraternelle à l'égard du peuple libanais. On sera là, et on ne vous lâchera pas", a lancé le président Macron en s'adressant aux Libanais.
Il s'est ensuite rendu sur le site des explosions, qui ont endommagé une bonne partie de la capitale et s'entretenir avec les principaux responsables libanais et des membres de la société civile.
Emmanuel Macron, a ensuitre effectué une tournée auprès des riverains dans les quartiers durement affectés de Mar Mikhaël et Gemmayzé. Les habitants, ainsi que des manifestants sur place, ont accueilli le président français en scandant des slogans hostiles au chef de l'Etat libanais, Michel Aoun, le qualifiant de "terroriste".
"Je vais parler à toutes les forces politiques pour leur demander un nouveau pacte", a lancé Macron aux habitants dans les rues de Beyrouth qui réclament la "chute du régime". Notre correspondante au Liban Clotilde Bigot a pu mesure la colère des jeunes contre le classe politique.
Plusieurs pays dont la France ont déjà dépêché des équipes de secouristes et du matériel pour faire face à l'urgence après la double explosion présentée comme accidentelle par les autorités qui a ravagé le port et une grande partie de la capitale.
Après les déflagrations, le gouverneur de la ville, Marwan Abboud, avait décrit une situation "apocalyptique". L'état d'urgence a été décrété pendant deux semaines.
Invité sur la radio française Europe 1, le chef de la diplomatie libanaise Charbel Wehbé a fait état jeudi de la création d'une commission d'enquête "qui a quatre jours pour donner un rapport détaillé sur les responsabilités". "Il y aura des décisions judiciaires", a-t-il dit.
Alors que les autorités n'ont mis en place aucun dispositif pour abriter les personnes ayant perdu leur domicile, des centaines de Libanais se sont, eux, mobilisés, pour lancer des opérations de déblaiement des décombres ou d'accueil des sans-abri dans les maisons privées, dans un vaste élan de solidarité.
Selon des sources de sécurité, les autorités du port, les services des douanes et des services de sécurité étaient tous au courant que des matières chimiques dangereuses étaient entreposées au port mais se sont rejeté mutuellement la responsabilité du dossier.
Depuis le drame, les Libanais réclament des comptes aux responsables et le mot-dièse "Pendez-les" circule sur Twitter.
Dans une lettre ouverte au président Macron, le Bloc national, un groupe qui avait participé au soulèvement populaire du 17 octobre, a demandé que l'aide internationale aux victimes de la catastrophe soit distribuée "par les organisations de la société civile dont certaines ont démontré, contrairement aux institutions de l'Etat, leur transparence et leur efficacité".
Furieux après une catastrophe de trop dans un pays en plein naufrage, les Libanais réclament des comptes.
Dans la soirée, les forces de l'ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser des dizaines de manifestants très remontés contre l'incompétence et la corruption des autorités.
Ces incidents surviennent à l'avant-veille d'une grande manifestation anti-gouvernementale, prévue ce samedi.
Symbole du ras-le-bol d'une grande partie de la population, l'ambassadrice du Liban en Jordanie, Tracy Chamoun, a annoncé sa démission, dénonçant "l'incurie" des autorités de son pays et appelant à un changement de dirigeants.
"Ce désastre est un signal d'alarme: nous ne devons montrer de pitié à aucun d'entre eux et ils doivent tous partir", a-t-elle déclaré.
Les autorités libanaises affirment que l'entrepôt a explosé après un incendie. Autorités du port, services des douanes et certains services de sécurité étaient tous au courant que des matières chimiques dangereuses étaient entreposées là mais ils se sont rejeté mutuellement la responsabilité.
Seize fonctionnaires du port et des autorités douanières ont été placés en détention dans le cadre de l'enquête, a indiqué le procureur militaire Fadi Akiki.
Mais, le gouvernement n'a pas été encore capable de justifier la présence du nitrate d'ammonium "sans mesures de précaution" au port.
Dans une capitale aux airs d'apocalypse et alors que les autorités n'ont mis en place aucun dispositif pour aider les citoyens, des centaines de Libanais se sont mobilisés, dans un vaste élan de solidarité, pour poursuivre les opérations de déblaiement ou d'accueil des sans-abri.
Des victimes du drame ont été enterrées dans la journée par des proches en larmes.
Emmanuel Macron est arrivé à Beyrouth où il a été accueilli par le président libanais Michel Aoun. Il est le premier chef d'Etat à se rendre au Liban depuis le drame. Selon l'Elysée, le président français veut "démentir que le Liban" "est seul, coulé, près de disparaître".
Sur son compte Twitter au moment de son arrivée, le président français a tenu à réaffirmer que " le Liban n'était pas seul."
Le Liban n’est pas seul.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) August 6, 2020
Dans un point presse informel à son arrivée à la sortie du salon d'honneur, le président français, Emmanuel Macron, a rappelé que sans réformes, le Liban ravagé par une grave crise politique et économique "continuera de s'enfoncer".