Le président français est revenu à Beyrouth, lundi 31 août, pour entamer une visite tout aussi "symbolique" que politique, un mois après la catastrophe survenue au port de la capitale libanaise. En toile de fond, les 100 ans du Grand-Liban et la mise en place "d'un gouvernement de mission" pour sortir le pays du marasme. Il va maintenir la pression sur la classe politique pour qu'elle lance de véritables réformes susceptibles de répondre à la colère des Libanais.
Etre efficace en allant vite, sans pour autant faire preuve d'ingérence: le président français s'est fixé un objectif ambitieux pour ce deuxième déplacement en moins d'un mois.
Cette visite au pas de course a d'abord une dimension symbolique pour démontrer que les Libanais sont "
comme des frères pour les Français", comme l'a proclamé Emmanuel Macron à son arrivée.
Après avoir rendu visite, lundi soir, à la
diva Fairouz qui, à 85 ans, est considérée comme la plus grande chanteuse arabe vivante, il a planté, mardi matin, un cèdre - l'emblème du pays -, offert par une petite fille dont la mère est décédée dans l'explosion, dans la forêt de Jaj, au nord-est de Beyrouth.
Il célèbre ainsi le centenaire de la création de l'Etat du Grand-Liban le 1er septembre 1920 par le général français Henri Gouraud. Un anniversaire que marquera la Patrouille de France en colorant le ciel du Liban avec les couleurs rouge, blanche et verte de son drapeau.
Possible conférence internationale de soutien en octobre
Le président s'est ensuite rendu au port de Beyrouth, comme il l'avait fait le 6 août, deux jours après l'explosion ayant fait au moins 188 morts et plus de 6.500 blessés en dévastant une partie de la capitale.
Il était question de faire le point sur l'acheminement de l'aide d'urgence en se rendant sur le porte-hélicoptères Tonnerre, arrivé le 14 août avec 750 hommes et 150 véhicules, puis sur un navire de la CGM GMA, venu de Marseille (sud-est de la France) avec à bord plus de 2.500 tonnes d'aide humanitaire envoyées par l'Etat, des ONG, des entreprises et des collectivités.
"80% des médicaments qui arrivent au Liban ne sont pas adaptés" aux besoins réels, a ainsi déploré Antoine Zoghbi, le président de la Croix-Rouge libanaise.
"Le premier besoin de notre pays, c'est d'avoir un État de droit. C'est ce qui nous manque aujourd'hui. On cherche un État véritable avec des responsables. C'est le cri de nos jeunes", lui a déclaré le président de l'ONG Offre Joie et bâtonnier de l'Ordre des avocats de Beyrouth, Melhem Khalaf.
A cette occasion, il s'est également dit prêt à accueillir, en octobre, une conférence internationale de soutien au Liban : "
Il faut qu'on continue à mobiliser toute la communauté internationale (...) Je suis prêt à ce qu'on réorganise, autour peut-être de mi-fin octobre, une conférence internationale de soutien avec les Nations unies.""L'exigence sans ingérence"
Le chef de l’Etat français débutera ensuite la partie la plus sensible et la plus attendue de sa visite : les difficiles discussions avec les responsables politiques.
Avec eux, "
ma position est toujours la même : celle de l'exigence sans ingérence", a-t-il martelé à son arrivée.
Pour que cette délicate position soit jugée crédible par la population comme par le reste de la communauté internationale, le président français doit obtenir des résultats sans tarder.
C'est notamment pour cela que, dès lundi soir, il a appelé à la mise en place d'un "
gouvernement de mission" au "
plus vite" quelques heures après la nomination d'un nouveau Premier ministre, Moustapha Adib.
(Re)Voir : Liban : Emmanuel Macron de retour à Beyrouth
"
Il ne m'appartient ni de l'approuver ni de l'adouber", a-t-il tenu à préciser à propos du choix de cet universitaire de 48 ans, jusqu'alors ambassadeur en Allemagne, qui est inconnu du grand public.
Il a rappelé que, en contrepartie du lancement de "
véritables réformes" contre la corruption endémique, notamment dans les secteurs énergétique et financier, la communauté internationale promettait de débloquer des fonds dont a désespérément besoin le Liban. "
Si on ne fait pas cela, l'économie libanaise va s'effondrer" et "la seule victime sera le peuple libanais (...) qui ne peut pas s'exiler", avait-il mis en garde vendredi.
Mais M. Adib part avec le handicap d'avoir été choisi, comme ses prédécesseurs, par les forces politiques traditionnelles. Ce qui le décrédibilise d'entrée aux yeux d'un grand nombre de Libanais qui jugent cette classe politique responsable de leurs malheurs, et notamment du drame du 4 août.
"Parler à tout le monde"
Le président français s'est entretenu lundi soir avec l'ex-Premier ministre Saad Hariri, l'un des poids lourds de la communauté sunnite, dont le chef du gouvernement doit être issu selon la Constitution.
Après un déjeuner au palais de Baabda à l'invitation du président Michel Aoun, il réunira, mardi en fin de journée, les représentants des neuf forces politiques à la résidence des pins, celle de l'ambassadeur de France, comme il l'avait fait le 6 août.
Parmi ces forces, figure le puissant mouvement chiite du Hezbollah, avec lequel de nombreux pays occidentaux, dont les Etats-Unis, refusent tout contact en raison notamment de ses liens avec l'Iran.
Mais Emmanuel Macron défend sa stratégie de
"parler à tout le monde", y compris avec le Hezbollah, "
une force politique qui est représentée au parlement", tout en disant "
désapprouver" une partie du "
projet" politique de ce mouvement.
(Re)voir : Liban : quels défis pour le nouveau premier ministre Moustapha Adib ?
Lors d'une conférence de presse au terme de sa visite à Beyrouth, Emmanuel Macron a annoncé que l'ensemble des forces politiques libanaises se sont engagées à former un gouvernement dans les 15 jours.
"Les forces politiques se sont toutes engagées à former un gouvernement de mission dans les quinze jours (..) avec des personnalités compétentes", a-t-il déclaré après des entretiens avec les principales formations politiques.
Mercredi 2 septembre, M. Macron effectuera, selon les sources gouvernementales irakiennes, sa première visite officielle en Irak. Il y rencontrera le Premier ministre, Moustafa al-Kazimi, ainsi que son homologue, Barham Saleh, en signe de solidarité avec ce pays en crise. Les entretiens seront axés sur la "
souveraineté", ont précisé les sources irakiennes.