Frappé par une grave crise économique, ne sachant comment enrayer la chute de la monnaie nationale, le gouvernement libanais n'est plus en mesure de payer ses soldats et a besoin de colis alimentaires. C’est un représentant de l’armée qui a fait cette déclaration ce mercredi 16 juin, à la veille d'une conférence de donateurs soutenue par l'ONU.
"Nous avons besoin de colis alimentaires, d'un soutien médical et d'une assistance pour les soldats", a déclaré à l'Agence France Presse une source militaire libanaise sous couvert d'anonymat.
La réunion virtuelle organisée par la France le 17 juin à 12 heures GMT, contrairement aux précédentes conférences ayant fourni des armes, des équipements ou des formations militaires, vise à apporter à l'armée libanaise une aide humanitaire, réservée généralement aux pays en guerre ou en proie à des catastrophes naturelles.
Une crise économique profonde qui impacte l’armée
"La dévaluation de la livre libanaise affecte les soldats (...). Leurs revenus ne suffisent plus", selon la même source.
La crise économique au Liban, une des pires dans le monde depuis 1850, selon la Banque mondiale, s'accompagne d'une dépréciation inédite de la monnaie, qui a perdu 90% de sa valeur face au dollar.
Le pays est confronté à une explosion du chômage et une paupérisation à grande échelle, 55% de la population vivant aujourd'hui sous le seuil de la pauvreté, s’accompagnant ces dernières semaines de graves pénuries de carburant.
(RE)voir : Liban : en plein naufrage, le pays traverse l'une des pires crises depuis le 19ème siècle
L'impact se fait ressentir aussi chez les militaires. La dépréciation a fait fondre les salaires en livres libanaises de la troupe, mais aussi le budget de l'institution alloué à l'entretien et aux équipements, menaçant ainsi sa capacité opérationnelle.
A l'été 2020, l'armée libanaise avait annoncé qu'elle ne servirait plus de viande dans les repas proposés aux soldats, en raison de la flambée des prix des denrées alimentaires.
L’aide concrète de la France
Paris, qui a fourni en début d'année des rations de survie pour plus d'un million d'euros, devrait annoncer le 17 juin l'envoi de matériel médical anti-Covid et de pièces détachées pour des véhicules de l'avant blindés et des hélicoptères.
La situation est
"d'autant plus problématique que les forces armées libanaises, aujourd'hui, c'est l'institution pilier qui permet d'éviter que la situation sécuritaire dans le pays ne se dégrade fortement", a-t-on indiqué ce mercredi au cabinet de la ministre française des Armées, Florence Parly.
La ministre des Armées a abordé la question avec son homologue américain mardi 15 juin.
L'armée libanaise a formulé des
"besoins très précis", alimentaires (lait, farine..), en médicaments, en pièces détachées pour la maintenance des matériels, qui s'élèvent à
"quelques dizaines de millions d'euros", a précisé le cabinet de la ministre.
Une armée qui compte sur l’aide étrangère
Une vingtaine de pays participeront jeudi à la conférence, notamment les pays membres du Groupe de soutien international au Liban, qui comprend la France, les Etats-Unis, d'autres pays occidentaux, des pays du Golfe, la Russie et la Chine, ainsi que des représentants des Nations unies et de l'Union Européenne.
L'objectif est aussi de
"permettre au commandement des forces armées de se concentrer sur ses missions -- sécurité des frontières, contreterrorisme, stabilité intérieure --, plutôt que de mener une bataille singulière pour maintenir la stabilité des forces armées, en l'absence de réelle assistance du gouvernement", estime l'expert Aram Nerguizian, dans un
entretien avec le Centre Carnegie pour le Moyen-Orient.
Depuis l'explosion tragique au port de Beyrouth en août dernier, qui a tué plus de 200 personnes et dévasté des quartiers entiers de la capitale, l'armée libanaise compte davantage sur les dons étrangers.
La France, l'Egypte, les Emirats arabes unis et la Turquie comptent parmi les plus grands donateurs de vivres.
L'Irak et l'Espagne ont offert une assistance dans le domaine médical.
Les Etats-Unis restent toutefois le plus grand bailleur, augmentant cette année les fonds destinés à l'armée libanaise de 15 millions de dollars à 120 millions de dollars.
"Nous faisons l'impossible pour soulager les souffrances et les difficultés économiques qu'endurent nos soldats […] Nous sommes contraints de nous tourner vers les pays alliés pour obtenir des aides" déclarait le 15 juin le chef de l'armée, Joseph Aoun.
Le chef de l'armée avait été reçu en mai par le président français, Emmanuel Macron.