Liban : la vaccination contre le Covid-19 de plusieurs députés provoque un tollé

La vaccination contre le Covid-19 de députés en dehors du circuit officiel a suscité mardi une forte indignation au Liban, la Banque mondiale allant jusqu'à menacer de suspendre son financement de la campagne en raison de cette "violation". Sur les réseaux sociaux, le mot dièse #NoWasta ("pas de passe-droit" en arabe) devient viral.

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Début de la campagne de vaccination à Beyrouth - 16 février 2021
Le personnel médical et d'autres citoyens libanais sont examinés avant de recevoir leur premier vaccin Pfizer-BioNTech à l'hôpital Saint George de Beyrouth le 16 février 2021. Le Liban a commencé sa campagne de vaccination après avoir reçu sa première livraison de 28 500 doses.
© AP Photo/Hussein Malla
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Seize députés et quatre employés du Parlement ont été vaccinés dans les locaux de l'institution, a reconnu mardi 23 février son secrétaire général Adnane Daher.

"Ce qui s'est passé aujourd'hui est une violation, nous ne pouvons pas nous taire", a fustigé devant la presse le président de la commission gouvernementale chargée de la vaccination, Abdel Rahmane Bizri. "C'est une tentative de favoritisme (...) Personne n'a le droit d'outrepasser le plan", a-t-il déploré, précisant avoir renoncé à démissionner après avoir discuté avec son équipe et la Banque mondiale.

L'information a suscité une vague d'indignation sur les réseaux sociaux, le mot dièse #NoWasta ("pas de passe-droit" en arabe) est en tête des tendances Twitter au Liban.

Les députés sont accusés de ne pas s'être enregistrés sur la plateforme en ligne dédiée à la vaccination pour prendre rendez-vous dans un centre spécialisé. "Ma mère a 84 ans, elle est inscrite et n'a toujours pas eu son tour (...) Tous les politiciens, familles et amis, seront vaccinés avant elle", s'est emporté un internaute.

Dans un pays rongé par la corruption et le clientélisme, frappé par une crise économique, la classe politique est régulièrement fustigée pour sa gestion désastreuse des affaires publiques. Cette affaire augmente l'insatisfaction des Libanais comme nous l'explique notre correspondante sur place, Clotilde Bigot :
 

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En anglais, cela donne #waitforyourturn ("attendez votre tour"), comme le dénonce la journaliste et productrice de Sky News Arabie, Larissa Aoun qui s'adresse directement au gouvernement et à la Banque mondiale qui finance le programme de vaccination : "Vous confirmez que les députés et leur staff qui ont été vaccinés aujourd'hui n'avaient pas 75 ans. Donc ce n'était pas leur tour. Une nouvelle violation des priorités mises en place."

La vaccination des députés "n'est pas conforme au plan national convenu" et pourrait constituer "une violation des conditions" de l'accord, assure sur Twitter le directeur régional de la Banque mondiale, Saroj Kumar Jha. "Dès confirmation de la violation, la Banque mondiale pourrait suspendre le financement des vaccins", a-t-il ajouté. "J'en appelle à tout le monde (...) attendez votre tour."

17 000 Libanais vaccinés contre le Covid-19


Le Liban a lancé le 14 février sa campagne de vaccination grâce à une aide de 34 millions de dollars de la Banque mondiale, qui avait assuré que des observateurs garantiraient "un accès équitable" au vaccin.

La première phase est réservée au personnel médical et aux personnes âgées de plus de 75 ans, inscrites sur la plateforme dédiée.

Quelque 17.000 personnes ont été vaccinées, tandis que le pays de six millions d'habitants a recensé plus de 355.000 cas de Covid-19, dont 4.340 décès.

Dans ce contexte, le bureau presse de la présidence de la république a annoncé mardi soir que le président Michel Aoun (86 ans) et la première dame se sont fait vacciner "ainsi que 10 membres de l'entourage immédiat du président qui avaient, comme il se doit, inscrit leurs noms sur la plateforme en ligne dédiée à la vaccination".