Fil d'Ariane
La Finul n'entend pas quitter la zone frontalière dans le sud du Liban comme le réclame l'armée israélienne. Son porte-parole a déclaré, ce samedi 12 octobre, redouter un "conflit régional à l'impact catastrophique pour tous". En 48 heures, cinq Casques bleus ont été blessés par des frappes israéliennes. L'analyse de notre éditorialiste Slimane Zeghidour.
Un homme regarde les ruines d'immeubles détruits par des frappes israéliennes à Dahiyeh, Beyrouth, Liban, 7 octobre 2024.
Jusqu’à mille raids aériens chaque jour, conduits par plus de cent avions de chasse, sur un pays tout entier réduit à un macabre théâtre d’opérations. Cela se solde, dans cet espace de 10 452 km2, par un bombardement pour 10 km2 ! Un orage de fer et de feu constant qui a déjà fait fuir leurs villages et leurs foyers à plus d’un million d’habitants du sud du pays du Cèdre, soit un Libanais sur quatre. Et à 60 000 Israéliens, de l’autre côté de la frontière.
L’opération « Epées de feu », lancée par Israël en réaction aux terribles massacres commis le 7 octobre 2023 par le Hamas en Israël, devait tôt ou tard, et fatalement, emporter le Liban. De fait, dans la foulée, tôt, le Hezbollah croit devoir ouvrir un autre front, à coups d’obus et de roquettes, pour y détourner une part notable du corps de bataille israélien déjà lancé à l’assaut de Gaza. Sans tarder, le ministre de la Défense israélien, Yoav Galant, promet alors au Liban qu’en cas de conflit frontal entre Israël et le Parti de Dieu, Beyrouth subirait le même sort que Gaza.
Un an plus tard, alors que Gaza n’est plus qu’un décor sépulcral où vivotent, au milieu des ruines, deux millions de ce qu’il faudrait bien qualifier de survivants, le Liban subit désormais de plein fouet le courroux dévastateur d’Israël tandis que tant le Hezbollah que le Hamas, déjà amplement décapités, fond le dos rond ou se terrent. L’occasion pour le chef du gouvernement israélien, Benyamin Netanyahou, d’intimer aux Libanais de neutraliser le Hezbollah, sous peine de subir, à leur tour, « Des destructions et des souffrances à l’instar de Gaza ».
Sourd aux appels à épargner les civils venus de pays alliés et amis, dont ceux de Joe Biden et d’Emmanuel Macron, Israël s’est enhardi jusqu’à pilonner le quartier général des Casques bleus de l’ONU, blessant des soldats indonésiens et sri-lankais. Forte de 10 000 hommes, cette Force intérimaires des Nations unies pour le Liban (Finul) est composée pour un quart de soldats européens, dont 868 italiens, 680 espagnols, 563 français et 322 irlandais.
« Inadmissible » pour Rome qui y déploie le plus gros contingent européen, « acte irresponsable « pour Dublin, « violation grave du droit international » pour le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Paris, qui fut à l’origine de la Finul, mise sur pied au printemps 1978, condamne sans appel. Emmanuel Macron prévient que la « France ne tolèrera pas » de nouveaux tirs et réitère son appel à cesser d’exporter des armes vers Israël, y voyant « l’unique levier » pour mettre fin au conflit. L’appel vise d’abord les États-Unis et aussi l’Allemagne, laquelle en fournit un peu plus du tiers. En vain, pour l’heure. L’Occident et l’ONU étalent ainsi, au grand jour et à la face du monde, leur dépit et leur… impuissance tandis qu’Israël ne désarme pas et ordonne aux déplacés du sud Liban de « ne pas retourner » chez eux.
Dépourvu de président, depuis deux ans, privé d’un gouvernement efficient et stable, accablé de dettes et affublé d’un personnel politique aussi notoirement incompétent que corrompu, le Liban vit ses pires heures depuis sa création, l’été 1920, sous les auspices de la France ! Un siècle après, un constat s’impose : eu égard à la modestie de son territoire – un peu plus grand que la Cisjordanie et trois fois plus petit qu’Israël - et de sa population – environ 4 millions -, le Liban est, hormis la Palestine, le pays qui aura payé, et continue de payer sous nos yeux, le plus lourd tribut au conflit israélo-arabe.