Le Liban s'est doté ce 10 septembre d'un nouveau gouvernement après 13 mois d'attente marqués par d'interminables tractations politiques ayant aggravé une crise économique inédite qui a fait sombrer des millions de Libanais dans la pauvreté.
Le premier ministre désigné,
Najib Mikati, s'est entretenu en début d'après-midi ce 10 septembre au palais de Baabda, dans l'est de Beyrtouth avec le Président Michel Aoun.
Le nouveau cabinet compte
24 ministres "à parts égales entre chrétiens et musulmans" et où
"aucune partie ne détient le tiers de blocage". Il devrait tenir sa première réunion lundi à 11 heures. Najib Mikati s'est dit être au service des Libanais :
La mise en place d'un gouvernement était une condition préalable à l'obtention de l'aide internationale dont le Liban a cruellement besoin. Mais sera-t-il en mesure de mener à bien les réformes demandées et de sauver le pays de la faillite ?
La nouvelle équipe, dont les membres ont été nommés par les partis au pouvoir, comporte plusieurs nouveaux visages. Parmi eux figurent des technocrates comme
Firas Abiad - ministre de la Santé -, directeur de l'hôpital gouvernemental Rafic Hariri, fer de lance de la lutte contre le coronavirus, ou encore
Nasser Yassine - ministre de l'Environnement -, professeur et directeur de l'Observatoire des crises à l'Université américaine de Beyrouth.
Certaines nominations ont suscité des réactions mitigées, comme celle de
George Kordahi - ministre de l'Information - très connu pour être le présentateur de la version arabe de l’émission "Qui veut gagner des millions".
La formation d'un cabinet de spécialistes totalement indépendants du petit monde politique a longtemps été réclamé par la rue ainsi que de certaines puissances étrangères, France en tête, impliquées dans le dossier libanais.
Pour Joëlle Bou Abbou Rouillard, membre du bureau politique du parti Kataëb de Samy Gemayel, ce gouvernement est "un pansement sur une jambe de bois"
Le gouvernement de 24 ministres, parmi lesquels
une seule femme, devrait tenir sa première réunion lundi 13 septembre.
Le pays était sans nouveau gouvernement depuis la démission du cabinet de Hassan Diab, quelques jours après l'explosion dévastatrice au port de Beyrouth le 4 août 2020, qui avait fait plus de 200 morts et ravagé des quartiers entiers de la capitale.
Depuis, la crise économique inédite que traverse le pays depuis l'été 2019 n'a eu de cesse de s'aggraver, la Banque mondiale la qualifiant d'une des pires au monde depuis 1850.
(RE)voir : Liban : l'aide humanitaire ne suffit plus
Avec une inflation galopante et des licenciements massifs, 78% de la population libanaise vit aujourd'hui sous le seuil de pauvreté, selon l'ONU.
Chute libre de la monnaie locale, restrictions bancaires inédites, levée progressive des subventions, pénuries de carburants et de médicaments, le pays est aussi plongé dans le noir depuis plusieurs mois, les coupures de courant culminant jusqu'à plus de 22 heures quotidiennement.
De nombreux défis attendent ainsi le prochain gouvernement, notamment la conclusion d'un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), avec lequel les pourparlers sont interrompus depuis juillet 2020.
Il s'agit pour la communauté internationale d'une étape incontournable pour sortir le Liban de la crise et débloquer d'autres aides substantielles.
Jusqu'ici, les pays donateurs se sont contentés de fournir une aide humanitaire d'urgence, sans passer par les institutions officielles du pays, faute d'existence d'un gouvernement réformateur.
M. Mikati s'est aussi engagé à solliciter l'aide des pays arabes, alors que les relations avec les riches monarchies du Golfe sont tendues depuis plusieurs années, sur fond de bras de fer régional entre l'Iran chiite, allié du puissant mouvement libanais Hezbollah, et le Golfe sunnite.
Le premier ministre a promis, par ailleurs, la tenue des prochaines élections législatives, prévues en mai 2022, dans les délais impartis. Elles sont considérées comme cruciales en vue d'un début de renouvellement de l'élite politique, quasiment inchangée depuis la guerre civile (1975-1990).
Malgré les menaces de sanctions de l'Union européenne (UE), les avertissements et les accusations "d'obstruction organisée" ces derniers mois, les dirigeants politiques libanais ont poursuivi leurs habituels marchandages.
L'UE n'a pas tardé à réagir vendredi à l'annonce d'un nouveau gouvernement libanais, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, soulignant la nécessité de "mettre en œuvre les réformes tant attendues".
Dans les rues de Beyrouth, la formation d'un nouveau gouvernement n'a visiblement pas réussi à remonter le moral de la population.
"Je ne suis pas optimiste, ni à propos du gouvernement ni du pays", affirme Rony, étudiant de 18 ans:
"Je veux quitter ce pays si j'en ai la possibilité".
Le gouvernement libanais respecte un partage précis des portefeuilles parmi les principales composantes religieuses de la société libanaises.Les chrétiens ont chacun 12 portefeuilles (5 maronites, 3 grecs-orthodoxes, 2 grecs-catholiques, un arménien-orthodoxe et un minoritaire).
Les musulmans 12 portefeuilles (5 chiites, 5 sunnites, 2 druzes).
La quote-part du président Michel Aoun est de 8 portefeuilles dont 6 propres à son camp et deux proches de ses alliés le Tachnag et le druze Talal Arslane.
- Ministre des Affaires étrangères (portefeuille régalien) : Abdallah Bou Habib (maronite)
- Ministre de la Défense (portefeuille régalien) : Maurice Slim (grec-orthodoxe)
- Ministre de la Justice (portefeuille régalien) : Henri Khoury (maronite)
- Ministre de l’Énergie : Walid Fayad (grec-orthodoxe)
- Ministre des Affaires sociales : Hector Hajjar (grec-catholique)
- Ministre du Tourisme : Walid Nassar (maronite)
- Ministre de l'Industrie : Georges Bouchikian (arménien-orthodoxe, proche du Tachnag)
- Ministre des Déplacés : Issam Charafeddine (druze, proche de Talal Arslane)
La quote-part du tandem chiite Amal-Hezbollah et ses alliés : (8 portefeuilles) :
- Vice-président du Conseil : Saadé Chami (grec-orthodoxe, PSNS)
- Ministre des Finances (portefeuille régalien) : Youssef Khalil (chiite, Amal)
- Ministre des Travaux publics et des Transports : Ali Hamiyé (chiite, Hezbollah)
- Ministre du Travail : Moustapha Bayram (chiite, Hezbollah)
- Ministre de l'Agriculture : Abbas Hajj Hassan (chiite, Amal)
- Ministre de la Culture : Mohammad Mortada (chiite, Amal)
- Ministre des Télécommunications : Johnny Corm (maronite, proche des Marada de Sleiman Frangié)
- Ministre de l'Information : Georges Cordahi (maronite, proche des Marada de Sleiman Frangié)
La quote-part des sunnites et du PSP de Walid Joumblatt (8 portefeuilles)- Président du Conseil : Nagib Mikati (sunnite)
- Ministre de l'Intérieur (portefeuille régalien) : Bassam Maoulaoui (sunnite)
- Ministre de l'Economie : Amine Salam (sunnite)
- Ministre de la Santé : Firas Abiad (sunnite)
- Ministre de l'Environnement : Nasser Yassine (sunnite)
- Ministre de l’Éducation : Abbas Halabi (druze, proche de Walid Joumblatt)
- Ministre de la Jeunesse et des Sports : Georges Kallas (grec-catholique, indépendant)
- Ministre d'Etat pour le Développement administratif : Najla Riachi (minoritaire, indépendante)
(source :
L'Orient-Le Jour)