Liban : pourquoi Hassan Diab, le nouveau Premier ministre, est-il contesté ?

À peine succède-t-il à Saad Hariri que sa légitimité est déjà remise en cause. Hassan Diab a été désigné Premier ministre du Liban ce jeudi 19 décembre, dans un pays secoué par une crise sociale et économique aigüe. Qui est ce professeur et ancien ministre de l’Éducation, âgé de 60 ans ? Pourquoi sa désignation suscite-t-elle autant de remous ?
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Le Premier ministre libanais Hassan Diab parle avec des journalistes lors d'une conférence de presse après une réunion avec le président Michel Aoun. Beyrouth, Liban, 19 décembre 2019.
AP / Hussein Malla

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Hassan Diab est plus connu dans le monde universitaire que dans la sphère politique. À son actif : 150 publications, 80 distinctions - au Liban et à l’étranger. Vice-président des programmes régionaux externes de l’Université américaine de Beyrouth, il y enseigne aussi le génie informatique et électrique - enseignait, jusqu’à sa nomination comme chef de gouvernement.

Le 19 décembre, la candidature de Hassan Diab au poste de Premier ministre obtient la majorité simple au Parlement - 69 voix sur 128. Les groupes chiites du Hezbollah et de Amal soutiennent ce technocrate sunnite.

 

Le parti du président chrétien maronite Michel Aoun, le Mouvement patriotique libre (FPM), a aussi appuyé sa candidature, contrairement au principal bloc parlementaire sunnite du pays, présidé par Saad Hariri, le Premier ministre sortant.

Le système confessionnel au Liban

En vigueur depuis 1943, cette organisation réserve le poste de président à un chrétien maronite, celui de Premier ministre à un musulman sunnite et celui de président de la Chambre des députés à un musulman chiite.

L'ire des sunnites après la nomination de Hassan Diab


Sur les 69 députés qui se sont exprimés en faveur de Hassan Diab, seuls cinq sont sunnites ; cette communauté se montre peu prompte à le soutenir, en raison de sa proximité avec le Hezbollah. Ce parti politique chiite au Liban est considéré comme une organisation « terroriste » par le Canada ou encore les États-Unis.

À l’orée de la formation de son gouvernement, la popularité de Hassan Diab semble largement écornée. Il n’est « accepté ni par la majorité sunnite, ni par la population », observe Patricia Khoder, journaliste au quotidien libanais francophone L’Orient-Le Jour.

L’universitaire a « toujours été choisi par le Hezbollah » quand ce mouvement prenait « un peu de pouvoir » au Liban, analyse Patricia Khoder. Entre 2011 et 2014, il était ministre de l’Éducation du cabinet de Najib Mikati - un gouvernement « sous l’égide du Hezbollah », poursuit notre consœur.

Au lendemain de sa nomination, des manifestants "anti-système" ont coupé des axes routiers dans plusieurs régions du nord et de l'est et mis le feu à des pneus, rapporte l'agence nationale de l'information au Liban.

Qu’à cela ne tienne. Hassan Diab entend former un gouvernement « de technocrates indépendants », assure-t-il ce vendredi à l’issue d’une rencontre avec son prédécesseur Saad Hariri. Il souhaite que ce gouvernement « règle les problèmes que nous connaissons tous depuis quelque temps ».
 

Un gouvernement pour sortir le Liban de la crise

Depuis le 17 octobre, le Liban est plongé dans une crise sociale et économique. La contestation populaire, déclenchée par l’annonce d’une taxe sur la messagerie WhatsApp, ne faiblit pas.

Le 20 octobre, Hassan Diab écrit sur son compte Twitter que le peuple libanais « s’est uni pour défendre son droit à une vie libre et digne ». Celui qui regarde alors la mobilisation depuis les amphithéâtres de l’Université américaine de Beyrouth égrène les aspirations de ses compatriotes. "Santé, éducation, travail honorable." Il appelle aussi de ses vœux « un pays de coexistence et de tolérance ».

Je pense que les Américains […] apporteront leur soutien car il s'agira d'un gouvernement chargé de sauver le Liban.

Hassan Diab, Premier ministre libanais

Conspué, Hassan Diab parviendra-t-il à former un gouvernement soutenu par le Hezbollah ?  Ce mouvement est sous le coup de sanctions internationales.

L’enjeu est d’autant plus crucial que l’aide économique internationale dont a besoin le Liban pour éviter la faillite dépend de de la formation de ce gouvernement, et de sa capacité à réformer le pays. Un tiers des Libanais vit sous le seuil de pauvreté. Le pays est l’un des plus endettés au monde.

Hassan Diab se veut optimiste : "Je pense que les Américains […] apporteront leur soutien car il s'agira d'un gouvernement chargé de sauver le Liban" de la crise actuelle, souligne-t-il ce vendredi à la radio internationale allemande Deutsche Welle.

Ce à quoi le sous-secrétaire d'État américain aux Affaires politiques, David Hale, répond : une aide au Liban, oui, mais si ce nouveau chapitre se caractérise par "une bonne gouvernance" et l’absence de "corruption".

Hassan Diab a promis de former un gouvernement "d'ici à six semaines", souligne Wissam Charaf, le correspondant de TV5MONDE au Liban.
 
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