Fil d'Ariane
Le Premier ministre Saad Hariri, décrié comme l'ensemble de la classe politique libanaise par le mouvement de contestation, a annoncé mercredi 18 décembre ne pas souhaiter être candidat à sa succession, à la veille de consultations parlementaires destinées à permettre la formation d'un nouveau gouvernement.
Âgé de 49 ans, M. Hariri a démissionné le 29 octobre, dans la ligne de mire des manifestants qui battent le pavé à travers le pays pour exiger un renouvellement complet de la classe dirigeante au Liban.
"J'annonce que je ne serai pas candidat pour former le prochain gouvernement", a-t-il déclaré dans un communiqué de son bureau, ajoutant qu'il participerait néanmoins aux consultations parlementaires, prévues jeudi 19 décembre après avoir été reportées à deux reprises.
Celles-ci "ne seront pas reportées, sous quelque prétexte que ce soit", a-t-il appelé.
Le Liban vit depuis deux mois au rythme d'un mouvement de contestation inédit contre l'ensemble de la classe dirigeante, accusée de corruption et d'incompétence.
Depuis la démission de M. Hariri, les tractations entre les partis au pouvoir pour le remplacer traînent, au grand dam des protestataires, et alors que la situation socio-économique se dégrade dans ce pays déjà lourdement endetté et dont environ le tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté.
M. Hariri s'est souvent présenté comme un champion des réformes économiques pris en otage par les réticences d'une coalition gouvernementale, mais les manifestants ont réfuté ces arguments, estimant qu'il est l'un des pions d'un système politique héréditaire et ankylosé.
Après avoir passé la première partie de sa vie à l'étranger, il est entré sur la scène politique malgré lui, lorsque sa famille lui a demandé de reprendre le flambeau du patriarche, l'ex-Premier ministre Rafic Hariri assassiné le 14 février 2005 dans un attentat qui a plongé le Liban dans la tourmente.
Saad Hariri a conservé une place centrale dans le jeu politique, bien que son parti, le Courant du Futur, a perdu un tiers de ses sièges au Parlement aux dernières législatives de mai 2018.
Mercredi, il a appelé son parti à nommer un nouveau candidat au poste de Premier ministre.
"J'ai sérieusement oeuvré à répondre à leur demande d'un gouvernement de technocrates, que je considérais comme le seul capable de résoudre la grave crise sociale et économique que connaît notre pays", a argué M. Hariri.
Mais des "positions prises ces derniers jours sur la question de ma désignation non aptes à changer" l'ont convaincu de ne pas être candidat, a-t-il ajouté, sans donner plus de précisions.
En prévision de la tenue jeudi de ces consultations et après plusieurs nuits de violence, les forces de l'ordre ont renforcé leur dispositif de sécurité à Beyrouth.
De gros parpaings ont été installés pour bloquer des routes latérales menant aux deux places du centre-ville, Riad al-Solh et celle des Martyrs, où ont lieu généralement les principales manifestations à Beyrouth, selon des correspondants de l'AFP sur place.
Ces routes ont été utilisées ces derniers jours par des contre-manifestants pour attaquer les protestataires et les forces de sécurité.
Mercredi soir, des centaines de manifestants se sont rassemblés à Beyrouth, appelant à enlever ces parpaings qu'ils qualifient de "murs de la honte".
Selon un officier sur place, l'objectif est de permettre aux forces antiémeutes de protéger les manifestants et d'éviter les accrochages.
Globalement pacifique, le mouvement de contestation a été marqué de samedi à mardi à l'aube par des heurts particulièrement violents entre manifestants antigouvernementaux et forces de l'ordre puis entre des partisans des mouvements chiites Hezbollah et Amal, qui ont attaqué des camps de manifestants, et les forces de sécurité.
Les affrontements ont fait des dizaines de blessés, dont 23 ont été hospitalisés, selon la défense civile. Quarante-trois personnes ont été soignées sur place.
Sur le front économique, le Liban pâtit de cette impasse politique, sa dette publique culminant à plus de 87 milliards de dollars, soit 150% du PIB, l'un des taux les plus élevés au monde.