“Aujourd’hui je me sens en paix et sans rancune“
Clara Rojas est une femme politique colombienne, ex-otage des Farc et ancienne directrice de campagne d’Ingrid Betancourt avec qui elle est enlevée le 23 février 2002. Libérée le 10 janvier 2008, elle a écrit Captive : Otage des Farc elle accouche au cœur de l’enfer. Éditions Plon - avril 2009 Un entretien accordé à TV5MONDE.COM Clara Rojas, comment vous sentez vous depuis votre libération il y a plus d’un an maintenant ? D’une manière générale, je me sens très bien un an et demi après ma libération. Je continue de penser que c'était un miracle. Et je remercie Dieu chaque jour, du fait d’être en vie, et d’être avec ceux que j'aime, en particulier avec mon fils, ma famille et mes amis, dans mon pays la Colombie. Comment revient-on à la vie quotidienne après des années de captivité ? Revenir à une vie normale après presque 6 ans de séquestration a été en terme général, facile pour moi. J’ai à nouveau tout ce que j’aime. Depuis le moment où j’ai respiré l’air de la liberté et quand l’hélicoptère qui m’a ramenée a refermé ses portes et s’est envolé, cela a commencé à être une thérapie pour moi. Ecrire mon livre « Captive » a été bénéfique pour moi, cela m’a permis de comprendre l’ampleur de ce que j’ai vécu. Comment et pourquoi j’ai souffert, comment je suis parvenue à surmonter tout cela. Aujourd’hui, cette expérience fait partie du passé. J’ai tourné la page et ma vie est celle du moment présent et du futur. Avez-vous repris vos activités politiques ? J’ai décidé de ne pas participer de manière active à la vie politique pour l’instant. L’expérience douloureuse que j’ai vécue m’a appris à ne pas prendre tant au sérieux que ça la politique, mais de profiter d’autres choses importantes de la vie, en particulier de mon fils. Bien sûr je suis préoccupée par les problèmes de mon pays et je suis leur évolution avec grand intérêt. Vous avez écrit un livre sur votre captivité et sur les rapports que vous entreteniez avec votre amie Ingrid Betancourt durant cette période. Etait-ce un besoin vital de tout dire dans ce document intitulé « Captive » ? Pour mon livre « Captive », le besoin vital qui m’a poussé à l’écrire est mon fils et toute la génération qu’il représente, en plus du sentiment de liberté qui m’habitait et celui de pouvoir partager mon histoire. Après réflexion, je suis passée au pardon et c’est ce que je veux transmettre. Aujourd’hui je me sens en paix et sans rancune et je crois que le meilleur cadeau que je puisse donner à mon fils c’est qu’il me sache heureuse. Avez-vous des nouvelles d’Ingrid Betancourt depuis un an et lui avez-vous pardonné ? Depuis un an que je suis libre, je n’ai pas encore eu de contact direct avec elle. Je pense qu’elle est en train de vivre son processus de retour à la liberté en tant qu’être humain, du mieux qu’elle peut. Où en est le combat pour la libération des autres otages restés dans la jungle ? Ceux qui sont toujours en captivité dans la jungle colombienne sont nombreux, des centaines et peut-être des milliers, on ne sait pas exactement combien. Ce qui est triste c’est que malgré les nombreuses offres, leur sort est resté incertain et triste. Le gouvernement français et tous les comités de libération en France les ont oubliés et abandonnés à leur propre sort. C’est regrettable ! Les manifestations de soutien sont terminées, les banderoles sont repliées et les hommages rendus aux otages dans les villes européennes sont de l’histoire ancienne. Quelles sont les nouvelles de votre fils Emmanuel ? Mon fils Emmanuel va très bien en plus d’être beau, nous nous aimons beaucoup et nous nous le disons tous les jours. Propos recueillis par Christelle Magnout 2 Juillet 2009