Dans la nuit de jeudi à vendredi, le Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) a voté la résolution 1973 imposant une zone d’exclusion aérienne en Libye pour protéger la population des attaques meurtrières ordonnées par Kadhafi. N’est-il pas trop tard pour prendre ce genre de décision un mois après le début des manifestations pour le changement du régime ? Il est vrai que cette résolution aurait dû être votée plus tôt. Cela aurait empêché la mort de 6 000 personnes entre le 18 février et le 18 mars. Néanmoins, je me réjouis que l’ONU ait décidé d’agir. Le peuple libyen et moi-même sommes reconnaissants au président français Nicolas Sarkozy et à son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé. La France a en effet redoublé d’efforts pour convaincre les États hésitants ou opposés à une telle intervention. C’est la première fois dans notre histoire que le drapeau français est brandi par la population dans les rues libyennes. Je suis certain que le régime de Kadhafi va s’effondrer très vite. D’ailleurs, ses troupes militaires auraient déjà commencé à lui faire défection en fuyant en Égypte.
Ne craignez-vous pas que des pays étrangers volent au peuple libyen sa révolution ? Nous sommes confiants même si nous nous sommes posé cette question. Le Conseil de Sécurité a rejeté l’idée d’une intervention militaire terrestre. Pour ma part, j’appelle les forces de la coalition à brouiller les communications des troupes de Kadhafi et à cibler par des frappes aériennes ses bases militaires qui sont situées dans des endroits précis et connus de tous comme par exemple Bab Al Azizia. Une fois ces bases détruites, les Libyens n’auront aucun mal à vaincre ce qui reste des forces armées pro-régime.
En Afghanistan et en Irak, nombreux ont été les raids aériens qui se sont avérés approximatifs, voire hasardeux, au point de causer des pertes humaines parmi les populations civiles ? Cela ne risque-t-il pas de se produire en Libye aussi et gratuitement si les hommes de Kadhafi décidaient de déplacer leur arsenal militaire… Non, il n’y aura pas de pertes civiles si les forces de la coalition se contentent de détruire des bases militaires précises. Et il est probable que les troupes militaires de Kadhafi tentent de déplacer leur armement. Mais ils seraient faciles à localiser par des avions à la pointe de la technologie puisque la Libye est un grand désert et puis, le gros de leurs munitions resterait dans les bases indiquées.
Qu’est-ce que des raids aériens pourraient changer dans les régions reprises par les forces pro-Kadhafi ? Il est évident que si Kadhafi est privé de ses forces aériennes et des armes lourdes, il perdra la guerre. Dans ce cas, les régions qui ont été reprises, comme Tripoli, sortiront pour manifester « pacifiquement » jusqu’à la chute du régime.
D’après vous, qu’est-ce qui a motivé la position de la France qui a été la première à reconnaître officiellement le Conseil National de Transition comme seul « représentant légitime » de la population libyenne ? Je ne crois pas que ce soit des raisons humanitaires qui ont conduit la France a adopté une telle position. À mon avis, l’État français défend ses intérêts économiques en Libye qui est riche en
matières premières. D’un point de vue politique, le rôle de la diplomatie française à l’ONU était de plus en plus limité. À cela s’ajoutent les erreurs commises dans la gestion des dossiers tunisien et égyptien. Il fallait donc que le gouvernement français se rattrape. Il l’a fait en prenant une décision que nous estimons courageuse et salvatrice. C’est tout ce qui compte à nos yeux.
Qu’elle est votre position face aux pays opposés à une intervention étrangère, notamment l’Algérie et la Syrie ? Lors du vote au Conseil de Sécurité, certains États, comme l’Allemagne et la Chine, se sont abstenus. Je crois que nos relations avec ces pays vont changer après la chute du régime. Les Libyens seront les amis de ceux qui les auront aidés dans cette période difficile comme la France. Pour ce qui est de l’Algérie, nos relations vont naturellement se détériorer avec l’actuel chef d’État Abdelaziz Bouteflika mais cela ne changera rien dans nos relations avec le peuple algérien qui a toujours été un grand peuple. Nous serons aussi sévères avec la Syrie qui est allée jusqu’à envoyer des soldats et des munitions pour soutenir Kadhafi [aucune source indépendante n’a pu vérifier la véracité de ces accusations portées par la population libyenne, ndlr].