Liseuse numérique ou papier imprimé : comment limiter l'impact environnemental ?

Alors que se tient à Paris le salon VivaTech, consacré aux nouvelles technologies, la question du virage numérique se pose dans beaucoup de foyers. Quel est l'impact environnemental des produits électroniques ? Faut-il vraiment abandonner le papier au profit des liseuses ou des tablettes tactiles ? Pas si sûr.
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Livre papier ou écran numérique ?
© AP/Mark Lennihan
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Le livre électronique n'a pas encore réussi à supplanter son équivalent en papier. La version numérique ne représente encore que 8,7% des ventes des maisons d'éditions en France, selon les chiffres 2019 du Syndicat national de l’Edition. Au-delà de l'aspect pratique et de la possibilité de transporter plusieurs milliers d'œuvres littéraires dans une simple tablette, se pose aussi la question de l'avantage écologique.

Lire sur un objet électronique est-il un moyen de lutter contre la déforestation ? Faut-il s'abonner à la facture électronique de notre fournisseur d'électricité ? Faut-il prendre des notes sur une tablette plutôt que sur un cahier ? Au bureau, doit-on partager des documents de travail de manière dématérialisée plutôt que de faire marcher l'imprimante ? En réalité, il n'est pas possible de dire que l'avantage revient systématiquement au numérique. 

Pour bien comprendre, il faut s'intéresser au cycle de vie complet des produits électroniques et imprimés.

Le cycle de vie le plus polluant ?


Lors du cycle de fabrication, le papier se montre particulièrement polluant. La matière première, le bois, est de mieux en mieux gérée mais elle peut, encore aujourd'hui, être issue de la déforestation ou "de monocultures qui se substituent aux forêts naturelles ou d’autres milieux à haute valeur de conservation, comme les tourbières" estime l'ONG WWF. En France, le papier utilisé dans l'édition est encore majoritairement importé, notamment du Brésil.

La création, ensuite, de pâte à papier est fortement consommatrice d'eau et le blanchiment des feuilles à partir de produits chimiques provoque des rejets polluants.
 

La fabrication de papier reste l’une des premières industries consommatrices d’eau avec à peu près l’équivalent des trois quarts du lac Léman utilisé chaque année.
Reporterre

Même si la mise en place de normes sur l'origine du bois et du papier (PEFC, FSC) -dont certaines sont critiquées par Greenpeace- ont tendance à réduire chaque année l'impact environnemental, "la fabrication de papier reste l’une des premières industries consommatrices d’eau avec à peu près l’équivalent des trois quarts du lac Léman utilisé chaque année" constate le site Reporterre.

La bataille du recyclage


De son côté, l'appareil électronique est lui aussi fortement consommateur d'eau et de produits chimiques lors de fabrication. L'extraction de minerais pour les composants rejette par exemple arsenic et acide sulfurique dans les rivières. 

A l'étape de la fin de vie, le papier est peu polluant : il existe une filière de recyclage efficace. Ce qui n'est pas le cas pour la liseuse ou la tablette tactile. La diversité et la multiplicité des composants électroniques et des matériaux rend complexe une séparation et une réutilisation parfaite.

Selon l'Ademe, en France, près de 1,2 milliard d'équipements électriques et électroniques ont été mis sur le marché en 2019. Cela représente 207 fois le poids de la Tour Eiffel. Sur ce chiffre, moins de la moitié des produits (47,5%) sont collectés pour être ensuite recyclés ou réutilisés.

Quel scénario d'utilisation ?


Pour véritablement trancher entre numérique ou papier, il faut s'intéresser à l'utilisation du produit par le consommateur. C'est ce qui ressort d'un rapport du CNRS sur le sujet, dirigé par Françoise Berthoud, ingénieure de recherche.

Contactée par TV5MONDE, elle explique que tout dépend du scénario d'utilisation : "de combien de temps vous allez garder votre tablette, de combien de livres électroniques vous allez lire avec. Pour le livre imprimé, tout dépend aussi si vous allez l'acheter et le jeter immédiatement ou si plusieurs personnes vont le lire. Pour quelqu'un qui lit cinq livres par semaine sur une tablette qu'il garde cinq ans, bien sûr la tablette sera plus écologique. Mais si vous changez votre tablette tous les deux ans et que vous lisez dessus seulement huit livres par an, ce sera moins bon pour l'environnement qu'un livre papier."

Concernant la lecture de documents, faut-il choisir la facture électronique ? "Si votre opérateur téléphonique, par exemple, vous envoie une facture que vous ne lisez même pas, il vaut mieux la recevoir par courrier électronique que par voie postal. En revanche, si vous lisez la facture et que -pire- vous imprimez ce document chez vous, ce sera plus écologique de faire envoyer la facture par la Poste. Notamment parce que les mécanismes d'impression des grandes entreprises sont plus efficaces que ce que vous pourrez faire avec votre imprimante personnelle".
 

Si vous changez votre tablette tous les deux ans, ce sera moins bon pour l'environnement qu'un livre papier.
Françoise Berthoud, ingénieure de recherche au CNRS


Au travail, pour la lecture d'un rapport très long et très épais, l'étude du CNRS préconise de l'imprimer et de faire passer le document de main en main aux salariés plutôt que chacun le lise sur écran.

Le facteur le plus consommateur restera, toujours selon Françoise Berthoud, l'équipement individuel : smartphone, liseuse, ordinateur ou même la box internet.

Pour la chercheuse, "ce qui a le plus d'influence sur les émissions de gaz à effet de serre, ce sont toujours les équipements terminaux. Ils ont le plus grand impact, notamment à cause de leur fabrication. Alors que les fermes de serveurs informatiques des géants du numérique sont relativement bien optimisées et ont des durées de vie plus longues que les équipements terminaux".
 

>> Et si vous décidiez de renoncer au bloc-note ?

Plusieurs marques rêvent que les consommateurs renoncent à prendre des notes ou à créer des esquisses sur du papier.

Une start-up norvégienne a notamment lancé le ReMarkable 2 l'an dernier. Un appareil type liseuse électronique, à encre numérique, qui ajoute un stylet pour prendre des notes à la volée ou annoter un document de travail, au format PDF. Ce stylet reproduit efficacement les sensations d'un stylo sur du papier. Avantage : le texte est effaçable à volonté et l'appareil est capable de transformer une écriture manuscrite en texte numérisé.

Une entreprise française, Bookeen, a lancé le même type de produit en mars 2021. La Notéa propose les mêmes fonctions que son concurrent norvégien avec une réactivité moindre et une facilité d'utilisation perfectible.

Pour limiter l'impact environnemental, ce type d'appareils semble plutôt destiné aux professionnels qui utilisent souvent la prise de note ou la lecture de documents.