Fil d'Ariane
Ces prévisions ont fait frémir les marchés boursiers. La Bourse de Milan a perdu 3,7%. Autre réaction immédiate, la hausse du taux d'emprunt sur dix ans, déjà élevé, qui passe de 2,88% à 3,1%. Or, cela signifie une hausse des remboursements pour l'Etat italien.
Vu de Bruxelles, le commisaire européen à l'économie Pierre Moscovici a marqué dans les médias sa franche désaprobation à l'annonce du budget italien qui contreviendrait à la politique d'austérité imposée par le pacte de stabilité européen. Pourtant l'Italie, troisième économie européenne et 8e mondiale, présente un déficit inférieur à 3% du PIB. Mais sa dette publique est la plus forte de la zone euro : 2300 milliards d'euros (devant la France avec 2200 milliards d'euros), soit 131% de son PIB (contre 97,7% du PIB pour la France, loin derrière la Grèce qui affiche une dette publique supérieure de 180% de son PIB). La Commission européenne doit encore donner son avis officiel qui pourrait ouvrir une procédure d'infraction plus ou moins tendue avec Rome en réclamant une réduction de l'endettement italien.
Faisant fi des craintes voire des menaces engendrées par sa décision, le gouvernement italien fait le pari que le revenu de citoyenneté va relancer la croissance par la consommation des ménages. Reste que ce revenu est tout sauf un revenu minimum universel. Il s'élève à 780 euros par mois mais il ne concerne que les personnes les plus démunies, par exemple les retraités sous le seuil de pauvreté. Par ailleurs, la somme versée est en réalité variable en fonction des revenus déjà perçus. Une personne qui touche 500 euros, percevra donc 280 euros de revenu de citoyenneté. De plus, le revenu de citoyenneté est conditionné à la recherche d'emploi, avec le risque d'être supprimé en cas de refus de plusieurs offres. Au final, 6,5 millions de d'Italiens pourraient le toucher dès l'an prochain.
Malgré ses limites, le revenu de citoyenneté italien représente une expérience à grande échelle de réduction de la pauvreté qui sera scrutée de près en Europe et au-delà.
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L'exemple italien peut se juger à l'aune des autres initiatives tentées, réalisées, ou avortées dans d'autres pays développés pour lutter contre la pauvreté et/ou réduire le chômage.
Au Canada, le nouveau gouvernement de l'Ontario va mettre un terme à l'expérience lancée par son prédécesseur dans le cadre d'un projet pilote sur le revenu de base. Il s'applique sur 3 communes auprès d'un échantillon de personnes ayant de faibles revenus. Les bénéficiaires toucheront leurs paiements jusqu'au 31 mars 2019. Les autorités annoncent la mise en place d'un autre dispositif d'aide. Motif invoqué : Ce "projet de recherche qui vient en aide à moins de 4000 personnes n'est pas la solution et il n'offre aucun espoir aux près de 2 millions d'Ontariens et d'Ontariennes qui sont pris au piège du cercle vicieux de la pauvreté" selon la ministre des Services à l'enfance et des Services sociaux et communautaires.
En Finlande, le gouvernement conservateur a décidé de ne pas renouveler à la fin 2018 l'expérience de revenu universel qu'il avait lancée en début 2017. Elle concerne 2000 personnes au chômage tirées au sort, qui perçoivent 560 euros par mois pendant 2 ans, même si elles retrouvent un emploi. Helsinki dit vouloir privilégier d'autres mesures en faveur de l'emploi.
Les Suisses ont eux rejeté en juin 2016 la proposition d'un revenu de base inconditionnel lors d'une votation fédérale par 77% des suffrages. Deux ans plus tard, une commune de Suisse alémanique va tester cette même idée pendant un an en 2019. C'est le village de Rheinau , 1300 habitants, qui se prête à cette expérience. 800 volontaires résidents toucheront 2500 francs suisses (soit 2190 euros) sans contrepartie. Cette somme variera en fonction d'autres revenus perçus pour atteindre la barre des 2500 francs suisses. En cas de revenus supérieurs, les bénéficiaires doivent rembourser le trop-perçu... L'initiative doit encore trouver un financement de 3 à 5 millions de francs suisses.