Une étude publiée jeudi 29 mai 2014 dans la revue médicale américaine The Lancet révèle qu'un adulte sur trois est en surpoids dans le monde. Ce phénomène s'est considérablement aggravé au cours des trente dernières années. Les populations des pays émergents, et notamment les enfants, en sont de plus en plus victimes.
"L'obésité est un problème qui touche tout le monde, quel que soit l'âge ou le revenu, et n'importe où." Le Dr Christopher Murray, directeur de l'Institut d'évaluation de la Santé de l'Université de Washington a analysé les données de 188 pays et sa conslusion est claire: l'obésité n'est plus seulement le problème des pays riches. Comme le souligne Emmanuela Gakidou, la coordinatrice de l'étude réalisée par l'IHME (Institute for Health Metrics and Evaluation) et publiée dans The Lancet, "la progression du surpoids et de l'obésité a été importante, générale et rapide". Si les Etat-Unis, l'Australie et le Royaume-Uni sont toujours en tête du classement, les pays qui ont connu la plus forte progression de personnes obèses ou en surpoids se trouvent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Ces régions affichent désormais le même taux que l'Europe.
L'Afrique du Nord, le Moyen-Orient et l'Amérique latine ont désormais presque le même pourcentage de personnes en surpoids ou obèses que l'Europe. Source: odi.org/futurediets
Les pourcentages d'hommes en surpoids ou obèses de la Libye (70,6%), de l'Egypte (71,2%) et de l'Arabie saoudite (69%) s'envolent et rattrappent ceux des Etats-Unis (70,9%). Mais ce sont les femmes qui sont les plus touchées dans ces pays avec respectivement 77%, 79,4% et 74,4% d'entre elles en situation de surpoids ou d'obésité.
Transition nutritionnelle problématique La surcharge pondérale mondiale touche aujourd'hui 2,1 milliards d'individus contre 857 millions en 1980. Pour le professeur Arnaud Basdevant, chef du service de nutrition à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) interrogé par Le Monde, les pays émergents ont été gagnés par ce fléau à cause d'un changement trop rapide de leur mode d'alimentation. "Quelle que soit la région du monde où elle se développe, l'obésité est toujours liée à un phénomène de transition économique et nutritionnelle. Les populations qui en sont victimes passent soudain d'un mode d'alimentation traditionnel, parfois ancré dans la culture depuis des siècles, à un modèle en évolution rapide où l'alimentation est plus importante quantitativement et plus riche en calories", précise-t-il. Ceci expliquerait la très forte progression du surpoids dans les pays tout juste gagnés par les fast foods. L'apparition de chaînes de restauration rapide comme McDonald's en Thaïlande a eu des effets nocifs sur la prise de poids de la population. Le pays partage désormais avec la Malaisie, les plus fort taux de personnes en surpoids ou obèses d'Asie du sud-est: 32,1% des hommes et 39,7% des femmes.
Obésité infantile L'information la plus inquiétante de cette étude concerne l'augmentation de l'obésité chez les enfants et adolescents. Alors que la progression du nombre de personnes malades atteint 28% chez les adultes, elle grimpe à 47% chez les moins de 20 ans. Sur cette tranche d'âge, c'est également au Moyen-orient et en Afrique du Nord que l'on trouve les plus forts ratios. Près de 42% des Libyennes de 2 à 19 ans sont ainsi en surpoids, les Libyens du même âge sont touchés à 32,5%. La Chine reste le pays le plus confronté à ce problème. Le poids moyen des individus y augmente beaucoup plus vite que dans les autres pays. 200 millions de personnes (sur une population d'un milliard 321 millions d'habitants) sont en surpoids et 90 millions obèses. 23% des Chinois de moins de 20 ans ont un IMC (Indice de masse corporelle) supérieur à 25 (limite à partir de laquelle on considère qu'une personne est en surpoids) et 14% des Chinoises du même âge. L'OMS (Organisation mondiale de la Santé) reconnaît que l'augmentation de l'obésité infantile, due à une alimentation trop riche en calories et un manque d'activité physique, est "le résultat de changements survenus dans la société". Pour l'organisme de santé, "le problème ne réside pas seulement dans le comportement des enfants mais aussi, de plus en plus, dans le développement social et économique ainsi que dans les politiques mises en œuvre dans les domaines de l’agriculture, des transports, de la planification urbaine, de l’environnement, de la préparation, de la distribution et de la commercialisation des aliments, sans oublier l’éducation."
Contre-coup de la malnutrition Le phénomène est encore mal connu mais de plus en plus d'observateurs souligne le lien entre sous-nutrition des mères et obésité des enfants. Le professeur Basdevant évoque une forte tendance à être victime de surpoids chez les enfants dont les mères ont été sous-alimentées. "Il y a quelques années, une étude indienne a montré que les enfants de mères dénutries étaient aussi ceux qui deviendraient le plus facilement obèses et diabétiques", précise-t-il dans Le Monde. L'OMS s'est également penchée sur ce phénomène et recommande aux Etats de combler les lacunes nutritionnelles des femmes enceintes. «De plus en plus fréquemment, nous constatons que des enfants sont en surpoids dans des pays où la sous-nutrition demeure aussi un problème», déclare le Dr Francesco Branca, Directeur du Département Nutrition pour la santé et le développement. Ici encore, la rapidité de la transition nutritionnelle peut être en cause. Le changement d'alimentation entre deux générations dans les pays en développement est tel qu'il a pu déstabiliser le mode d'alimentation des familles.