"L'hostilité au mariage pour tous est un déni de réalité. Les homosexuels existent, les couples homosexuels existent, les couples homosexuels qui veulent se marier et avoir des enfants existent. Et ceux qui le veulent vraiment contournent les difficultés. On se retrouve dans la même situation que les femmes qui voulaient avorter avant 1975 : ça coûte plus cher, c’est moins légalisé, mais on le fait quand même. Une loi démocratique L’un des arguments contre la loi sur le mariage pour tous consiste à dire qu'elle serait antidémocratique. Or François Hollande a été élu démocratiquement et la
mesure 31 de son programme prévoyait d’ouvrir le droit au mariage et à l'adoption aux couples homosexuels. Il n'y a ni surprise, ni hiatus démocratique. Les gens qui descendent dans la rue pour s’opposer au mariage pour tous ne sont pas représentatifs, voilà tout. Et puis cette loi concerne uniquement le mariage civil et l’adoption : il ne sera pas question, mardi, d’union religieuse, ni de GPA (gestation pour autrui) ou de PMA (procréation médicalement assistée). Un enfant d’homo non désiré, ça n’existe pas Pour un homo, la parentalité ne peut pas être un hasard. C’est une vraie volonté, qui suppose d'être prêt à affronter le regard des autres, de la société, de l’école... Je crois que l’on peut affirmer que ces gosses-là, qui arrivent au bout de six ou sept ans de parcours du combattant, ne manqueront pas d’amour. Le discours des anti-mariage pour tous est purement virtuel et théorique. Ils parlent de cas d’école qui n’existent pas. C’est d’homophobie déguisée qu'il s'agit, de ne pas donner les mêmes droits à tous. Retour en arrière Quand on est homosexuel, on apprend à ne pas tenir la main de son copain à la sortie du cinéma si on est pas dans le bon environnement ; on apprend à pas l’embrasser quand il vous offre un cadeau dans la rue ; on apprend à n’en parler à personne quand on est dans un lycée catholique... Le PACS a beaucoup contribué à faire évoluer les choses. On se souvient des élans de haine qu'il avait déclenché, à l'époque, avec des slogans comme "les pédés au bûcher". Ce qui se passe aujourd’hui est un retour en arrière très difficile à vivre. Parler d’amour ordinairement Et pourtant, le monde a beaucoup évolué depuis que j’ai découvert mon homosexualité, il y a vingt ans. A l’époque, il n’y avait ni internet, ni portable. Quand j'étais plus jeune, à Lille, il n’y avait qu’un seul lieu de rencontre, un bar homo avec des rideaux opaques. Moi, j'étais un ado romantique qui voulait juste tomber amoureux, mais qui ne savait même pas que deux hommes pouvaient s’aimer... Il y avait la littérature, bien sûr, le sulfureux avec Oscar Wilde, la déchirure avec Verlaine et Rimbaud… Mais rien d'un amour homosexuel "normal".
Internet et les séries TV ont donné une énorme visibilité à la communauté homo. Aujourd'hui, il y a un gay dans toutes les séries TV. Depuis quelques mois, pourtant, le climat change : les agressions, les appels à "casser du pédé" - toutes ces choses, qui nous paraissaient profondément enfouies ces dernières années. Le plus blessant, c’est l’incompréhension, l’injustice "Les gays peuvent très bien avoir des enfants, mais avec une femme", dit Christine Boutin. Cette incitation à faire semblant, nous ne l’acceptons pas. L’homosexualité, si nous ne l’avons pas choisie, nous voulons l’assumer, pour ne pas devenir des refoulés, des suicidaires en puissance. Au cœur des manifs de décembre, j’ai profondément ressenti cette incompréhension, l’injustice qu’il y a à s’entendre dire que tu mérites de disparaître, ou au mieux de rester un sous-citoyen, pour quelque chose que tu n’as pas choisi. Nous sommes la risée du monde entier
Tous les pays du monde qui ont légalisé le mariage pour tous l’ont fait de façon pacifique, sans accro. Mes amis au Québec, par exemple, sont effarés de voir ce qui se passe ici. Chez eux, il n’y a même pas eu de débat. Ils nous regardent avec une incompréhension totale. Et nous, nous avons honte, et nous avons mal, aussi. C’est de cette douleur qu’est né les Funambules, d’une envie de réagir à ma manière, par la chanson."