Sur la table du Conseil des ministres vendredi, les ordonnances réformant le droit du travail entreront en vigueur dans la foulée malgré la contestation syndicale emmenée par la CGT et l'appel à la mobilisation samedi de Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise.
Après la première journée d'actions (CGT, Solidaires, FSU, Unef) du 12 septembre 2017, celle du jeudi 21 septembre, a marqué le pas, selon les chiffres recueillis par l'AFP auprès des organisateurs et des autorités. Aucune nouvelle date n'a été annoncée mais la CGT a indiqué s'y atteler dans
"les meilleurs délais", espérant convaincre
"l'ensemble des confédérations syndicales" de se joindre à elle.
Rendues publiques fin août, les cinq ordonnances destinées à remédier à un chômage de masse, qui perdure en France, ne doivent évoluer qu'à la marge. Seules des améliorations rédactionnelles sont en effet prévues, mais aucun changement sur le fond, a répété à plusieurs reprises le gouvernement.
Elles seront ensuite publiées au Journal officiel la semaine prochaine, ce qui les rendra immédiatement applicables. Après la publication au JO, arrivera dans les trois mois au Parlement le projet de loi de ratification.
Couac sur les indemnités prud'homales
Promise par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, cette réforme reprend certains points non retenus de la loi El Khomri dont l'encre est à peine sèche. Et en particulier le plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif qui mécontente tous les syndicats.
Compensation annoncée en juillet: la hausse des indemnités légales, dues quel que soit le licenciement. Mais un pataquès a surgi la semaine dernière, lorsque le projet de décret précisant la mesure a circulé.
La revalorisation de ces indemnités légales, promise à hauteur de 25%, ne concerne que les 10 premières années d'ancienneté, et non toute la carrière. Un
"malentendu" selon la ministre du Travail Muriel Pénicaud, un
"non respect de l'engagement" pour certains leaders syndicaux, comme Jean-Claude Mailly, leader de FO, qui n'a pourtant pas appelé ses troupes à manifester.
Un projet "déséquilibré", "au détriment des salariés"
Le patron de la CFDT, Laurent Berger, ainsi que les numéros un de la CFTC et de l'Unsa, se sont eux fendu d'une tribune en début de semaine, pour demander un "ajustement" des ordonnances, jugeant le projet "déséquilibré", "au détriment des salariés". Pierre Ferracci, spécialiste reconnu du dialogue social et père du conseiller spécial de la ministre, juge lui aussi que le projet est "déséquilibré en faveur de la flexibilité".
Quelques unes des mesures des ordonnances dénoncées par les syndicats:
- les ruptures conventionnelles collectives
- la réduction du délai de recours en cas licenciement
- la fusion des instances représentatives du personnel (IRP) et la réduction de leurs moyens
- le passage au périmètre national pour les groupes qui licencient en France
- la possibilité de négocier avec de simples salariés dans les entreprises de moins de 20 salariés.
Le jour de la première manifestation syndicale, Muriel Pénicaud avait estimé que le pays était "mûr pour inventer une flexisécurité à la française".
Les syndicats attendent et vont scruter de près les décrets, en particulier ceux qui viendront préciser les contours de la fusion des institutions représentatives du personnel (IRP). Ils s'inquiètent des moyens accordés à la nouvelle instance baptisée "comité social et économique".
Plus de 130.000 personnes dans la rue jeudi
A la veille de la présentation des ordonnances en conseil des ministres, plus de 130.000 opposants à la réforme du code du travail (chiffres selon le ministère de l'Intérieur) ont battu le pavé jeudi dans toute la France, dans l'espoir d'infléchir la position du gouvernement, une mobilisation en baisse par rapport à la semaine dernière.
La CGT de son côté a évoqué
"plusieurs centaines de milliers", sans donner de chiffre précis. Son secrétaire général Philippe Martinez a toutefois reconnu sur Franceinfo que le nombre de manifestants avait été
"un peu inférieur" au 12 septembre où entre 223.000 et 500.000 personnes (chiffres police et CGT) avaient défilé dans toute la France. Mais
"le mécontentement est là, la mobilisation est là" et
"il n'y a aucune raison de s'arrêter, bien au contraire", a-t-il insisté.
Opérations escargots et blocages d'autoroutes avaient lancé cette deuxième journée de mobilisation et les quotidiens nationaux étaient absents des kiosques. A Paris, où la tour Eiffel n'a été ouverte à la visite que jusqu'au deuxième étage en raison de la grève et devait fermer plus tôt, 16.000 manifestants ont défilé selon la police, 55.000 selon la CGT (24.000 à 60.000 le 12 septembre).
"Fainéants de tous les pays, unissez-vous!" "Séparation du pouvoir et du Medef!"
"La loi Macron, c'est pour les patrons!"Slogans entendus à la manifestation du 21 septembre
A Paris, Rennes, Nîmes, Marseille ou Caen, les slogans et pancartes rivalisaient de créativité. Dans les manifestations, flottaient les drapeaux des syndicats organisateurs mais aussi de FO, de la CFDT, de la CFTC et de la CFE-CGC, dont les centrales n'ont pas appelé à se mobiliser.
Manifestations en série à venir...
Dans la plupart des cortèges, étaient également très présents les représentants de La France Insoumise, qui prévoit une manifestation samedi contre le
"coup d'Etat social" que représente cette réforme.
"Ce n'est qu'un début", a lancé à Paris Jean-Luc Mélenchon. La CGT de son côté compte programmer
"dans les meilleurs délais" une "nouvelle journée nationale d'actions" et la situation
"exige que nous réfléchissions avec l'ensemble des confédérations", a déclaré M. Martinez.
S'il y a consensus entre les syndicats pour dire que cette loi risque d'affaiblir les droits des salariés - une vision que partagent les Français selon les sondages -, ils ne sont pas arrivés à faire front commun.
"Je suis convaincu qu'il y a une attente des salariés, des travailleurs, des jeunes pour qu'il y ait unité", a ajouté le leader de la CGT à la radio.
Une nouvelle manifestation aura lieu samedi 23 septembre, à l'appel de La France Insoumise (LFI). La mobilisation ne fait que "commencer", a assuré son leader Jean-Luc Mélenchon, faisant remarquer les nombreuses fédérations FO qui défilaient jeudi alors que leur direction n'appelle pas à la grève. Pierre Laurent (PCF) a aussi mis en avant la présence de
"salariés venus de confédérations très différentes".
Macron persiste et signe contre les "fainéants"
Jusqu'à présent, le chef de l'État s'est montré déterminé à faire aboutir une réforme applaudie par le patronat, et qui reprend certaines de ses promesses de campagne.
Face à l'opposition, Emmanuel Macron avait tranché depuis New York :
"La démocratie, ce n'est pas la rue", une phrase qui a agacé politiques et syndicats, tout comme celle sur les
"fainéants", lancée le 12 septembre.
"La rue, c'est aussi la démocratie", a rétorqué Philippe Louis, président de la CFTC.
Quand on est président de la République, il faut faire preuve d'humilité plutôt que de faire le fanfaron soit devant l'Acropole, soit aux Nations unies. Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT
Emmanuel Macron, en baisse dans les sondages, sera confronté à d'autres mouvements dans les prochaines semaines, après avoir annoncé une série de mesures d'économies impopulaires : d'abord la manifestation des routiers à partir du 25 septembre, celle des retraités le 28 septembre contre la hausse de la CSG, puis celle des fonctionnnaires, le 10 octobre, opposés aux suppressions de postes prévues ou à la réinstauration du jour de carence.