Fil d'Ariane
Neuf jours après le dramatique incendie de la tour Grenfel, les habitants de cinq tours du nord de Londres ont été évacués en urgence dans la nuit de vendredi à samedi sur instruction des autorités : peu avant minuit, la municipalité de Camden a annoncé qu'un total de 800 appartements, répartis dans les cinq tours d'un ensemble appelé Chalcots Estate, allaient être "évacués immédiatement" pour permettre la réalisation de "travaux urgents" de sécurité incendie.
Le revêtement extérieur des parois de ces tours est le même que celui qui couvrait celles de la tour Grenfell, dont l'incendie dans la nuit du 13 au 14 juin a fait au moins 79 morts. Ce revêtement, composé de polyéthylène enchâssé entre deux couches d'aluminium, est fortement soupçonné d'être responsable de la propagation rapide des flammes sur la totalité de la tour Grenfell.
L'évacuation des cinq tours "a lieu immédiatement. Nous ne pouvons pas être sûrs que les gens sont en sécurité", a souligné Georgia Gould, responsable de la municipalité de Camden. "L'incendie de Grenfell a tout changé, et nous ne pouvons pas nous permettre de prendre de risque", a-t-elle ajouté. "Ce qui nous importe est de mettre les gens en sécurité, pendant que nous procédons à ces travaux urgents". Ces travaux devraient durer "de deux à quatre semaines".
Dans la nuit, des habitants quittaient la tour Taplow avec leurs valises. Ils étaient dirigés vers un centre de loisirs local, le Swiss Cottage Leisure Center, qui devait les accueillir pour passer la nuit.
"C'est un peu effrayant", a reconnu Michelle Urquhart, une habitante de la tour Bray, elle aussi évacuée. "Je suis en colère. On a eu une réunion hier avec la municipalité, qui a essayé de nous rassurer. Ça fait dix ans qu'on habite dans cet immeuble, avec ce revêtement", s'insurge-t-elle. D'autres résidents ne comprenaient pas pourquoi l'ordre d'évacuer avait été donné aussi tard.
"J'étais chez mon compagnon quand j'ai reçu un message sur mon téléphone, j'ai dû revenir à toute vitesse. Ils nous ont demandé de partir avant minuit", a expliqué Melanie Tham. "C'est complètement dingue, ça fait des années que cet immeuble existe, qu'est-ce qu'une nuit de plus aurait changé ?", s'est-elle interrogée.
Ahmed Mohamed, 19 ans, qui vit dans la tour Taplow avec ses parents et ses deux soeurs, a déclaré que sa famille et lui avaient été alertés par un voisin. "C'était n'importe quoi. On n'a eu que cinq minutes pour prendre nos affaires", a raconté Ahmed. "Je ne comprends pas pourquoi ils nous disent d'évacuer 800 appartements tout de suite. Je me sens en sécurité ici et je ne crois pas que notre immeuble soit menacé".
La municipalité de Camden a souligné dans les premières heures de samedi qu'elle avait réservé "des centaines de chambres d'hôtel" à travers Londres pour les habitants des tours de Chalcots Estate. "Nous encourageons tous les habitants à séjourner chez des amis ou des parents s'ils le peuvent, sinon nous leur fournirons un logement", a indiqué la municipalité.
La Première ministre Theresa May a fait savoir que ses pensées étaient avec les résidents évacués des tours de Chalcots Estate. "Nous travaillerons avec les services d'urgence et les autorités concernées et nous les soutiendrons, afin de protéger le public", a-t-elle déclaré.
L'évacuation des tours de Chalcots Estate fait suite à une série de tests sur la sécurité incendie de ces immeubles et jugés insatisfaisants, notamment en ce qui concerne le revêtement extérieur, installé par le même prestataire qu'à la tour Grenfell.
Devant le parlement, Mme May avait déclaré jeudi que "le gouvernement (avait) ordonné l'examen des revêtements de tous les immeubles" de logements sociaux gérés par les pouvoirs publics à travers la Grande-Bretagne. Selon ses services, rien qu'en Angleterre, 600 immeubles auraient un revêtement similaire à celui de la tour Grenfell.
Par ailleurs, Fiona McCormack, une des responsables de la police scientifique de Londres, a annoncé vendredi que l'incendie était parti d'un réfrigérateur défectueux. Fiona McCormack a souligné que la police allait "examiner la construction du bâtiment, sa rénovation" et la manière dont le revêtement de la façade a été installé. Des poursuites pour "homicide" ne sont pas à exclure, a-t-elle souligné.
Concernant les panneaux de revêtement incriminés, Mme McCormack a déclaré : "Tout ce que je peux dire, c'est qu'ils ne passent aucun des tests de sécurité". La police a indiqué que le nombre des victimes de l'incendie pourrait encore s'alourdir. Pour le moment, seules neuf d'entre elles, six hommes et trois femmes, ont été formellement identifiées. Neuf blessés reçoivent toujours des soins à l’hôpital, trois sont dans un état critique.