Ainsi, le coeur économique de l'Ukraine balance entre ses frontières. A tel point que l'"association" avec l'une ou l'autre partie prend des allures de négociations pécunières. Ce mercredi 11 décembre, un porte-parole de la Commission européenne déclarait : "Nous n'allons pas jouer avec les chiffres. La prospérité de l'Ukraine ne peut pas être l'objet d'un appel d'offres où le mieux disant gagne le prix." En cause : la demande, un petit plus tôt dans la journée par le Premier ministre Mykola Azarov, de 20 milliards d'euros d'aides européennes pour signer l'accord d'association avec l'Union européenne. "Evidemment, lorsqu'il fait cette demande, on peut se dire qu'il exagère, qu'il en rajoute… C'est fort probable, commente Charles Urjewicz. Il n'empêche, l'addition serait de toute façon extrêmement salée !"
Car, poursuit le chercheur, "le partenariat économique entre l'UE et l'Ukraine implique un certain nombre de réformes profondes de l'économie ukrainienne. Mais quelles sont les capacités de l'Union européenne de répondre aux besoins de l'Ukraine, pour s'adapter, pour amortir ces réformes qui seront coûteuses en termes sociaux ? L'UE a aujourd'hui des moyens très limités ; elle n'est pas capable d'aider convenablement un pays comme la Grèce, qu'en sera-t-il de l'Ukraine et de ses 50 millions d'habitants ?"
Le 29 novembre, à Vilnius, les accords d'association n'ont été signés qu'avec la Moldavie et la Géorgie. Mais pas avec l'Ukraine, comme c'était initialement prévu. Aider ces pays est-il plus abordable pour l'Europe ? "La Géorgie est un petit pays qui est pauvre, qu'on peut aider sans se serrer trop la ceinture, explique le politologue. Tandis que l'Ukraine, sans être un pays riche, est un pays de près de 50 millions d'habitants, avec une industrie puissante, polluante, qui devrait être totalement remodelée, certes, mais c'est un pays qui coûte cher à moderniser."
Une difficulté relevée par Martin Schultz, le président du Parlement européen, sur une radio allemande : "L'Ukraine se trouve en état de crise gravissime depuis l'instauration de la démocratie (…) Aider les Etats en crise n'est pas une chose très populaire en Europe. Or, d'après les propositions de Moscou, il est prévu que l'Ukraine reçoive une aide de court terme que nous, Européens, ne pouvons ou ne voulons pas accorder sous cette forme. C'est une des raisons pour lesquelles le gouvernement ukrainien a finalement décidé de coopérer avec la Russie."
Mais alors, qu'en est-il du côté russe ? Charles Urjewicz suppose "qu'il y a, du côté du Kremlin, une volonté politique d'arracher l'Ukraine à la tentation européenne, et qu'il y a la volonté, et peut-être la capacité, de dégager des moyens importants." Dès le 26 novembre, le Premier ministre Mykola Azarov reconnaissait que la Russie avait dissuadé l'Ukraine de signer l'accord. Moscou, qui
selon Vladimir Poutine le 12 décembre, n'impose rien à personne.