"La paix au rabais"
La position de principe, défendue depuis vingt ans par l'UE est de considérer que les colonies israéliennes implantées au sein des territoires palestiniens occupés sont "illégales au regard du droit international ; elles constituent un obstacle à l'instauration de la paix ; elles risquent de rendre impossible une solution fondée sur la coexistence de deux Etats". Seulement, en pratique, l'UE fait l'inverse des intentions affichées dans cette profession de foi : la valeur annuelle des produits qu'elle importe des colonies est 15 fois supérieure à celle des produits qu'elle achète dans les territoires palestiniens : 230 millions d'euros d'un côté, contre 15 millions d'euros de l'autre. Le rapport souligne que près de 4 millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie et à Gaza, ainsi que 500 000 colons israéliens, ce qui signifie que l'UE "importe au moins 100 fois plus par colon que par Palestinien". Tout en condamnant régulièrement les colonies Israéliennes, l'UE "soutient leur viabilité en achetant leurs produits" et favorise de facto leur croissance.
A la suite de ce rapport, l'UE avait décidé d'étiqueter précisément les produits des colonies israéliennes de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, comme c'est déjà le cas en Grande-Bretagne ainsi qu'au Danemark. Mais la décision ne cesse d'être
reportée. "Il faut se rendre compte, explique Michelle Sibony, de l'ampleur du lobbying israélien : il n y a pas un seul bureau, du haut en bas des bâtiments de l'UE, dans lequel on ne rencontre pas, à toute heure, des représentants de lobbys pro-israéliens, que ce soit dans le sport, dans la cuisine, dans le ménage, dans tous les domaines possibles et imaginables."
De son côté, Benyamin Netanyahou souligne qu'un boycottage des produits des colonies entraînerait une perte d'emploi pour les 25 000 Palestiniens qui y travaillent, "ce qui aggraverait la crise économique que traverse l'Autorité palestinienne". "Quel cynisme!" s'émeut Michelle Sibony. "En juin dernier, j'étais à la conférence nationale palestinienne du BDS, explique-t-elle, il y avait 700 personnes réunies, de Palestine à Bethléem, c'était très représentatif, non seulement leurs revendications étaient très claires au niveau international, mais elles ont aussi appelé les palestiniens eux-même à boycotter les produits israéliens dans leurs épiceries, ce qui n'est pas une mince affaire…".
Pour Michelle Sibony, "nous sommes dans des compromissions dangereuses avec les israéliens, il faut poser des limites claires et précises à leurs activités, et c'est le rôle de la France, c'est notre responsabilité en tant qu'Etat de le faire". Sa remarque fait notamment échos aux
révélations publiées sur Rue89 jeudi 17 juillet 2013 par Laurent Bonnefoy, chercheur au CNRS en sciences politiques qui s'est rendu compte que des associations de colons israéliens étaient (indirectement) financées par les impôts français. Si la charge symbolique de la directive européenne a pu heurter le nationalisme israélien, force est de constater que ses liens économiques avec l'Union européenne restent bien vivaces.