Surveillance et interdiction de la propagande
La récente loi anti-terroriste établit désormais la pénalisation de “l’apologie du terrorisme”, particulièrement sur Internet. Si la crainte des législateurs de voir de nouvelles personnes adhérer au djihadisme par le biais de la propagande du groupe État islamique est compréhensible, nombreux sont les spécialistes à s'inquiéter des effets négatifs de cette nouvelle disposition légale. Le premier serait celui d'inciter les propagandistes à ne plus pratiquer leur propagande par des voies "simples" à surveiller, comme le réseau Internet, mais à le faire de manières plus indirectes, sur le terrain — ou au sein de "réseaux cachés" beaucoup plus difficiles à espionner. L'adage "connais-ton ennemi" devient donc plus complexe à appliquer dans le cadre de cette loi anti-terroriste, selon ces observateurs de la radicalisation.
Selon Laurent Bonelli,cette nouvelle loi change aussi certaines approches, dont celle du débat public démocratique : "la dernière loi anti-terroriste intensifie et prolonge les dispositifs antérieurs, avec deux formes d'innovation majeures. La première c'est l'application du concept d’entreprise terroriste à l'individu seul. Il n'y a donc plus besoin d'être plusieurs pour créer une entreprise terroriste. Cette disposition est une blague, puisque l'on sait que les personnes qui passent à l'acte vont obligatoirement envoyer des mails, passer des appels, ils ne seront donc jamais totalement seuls dans l'entreprise terroriste. La deuxième est le déplacement de l'apologie du terrorisme vers le code pénal. C'est un glissement de jugement sur les opinions. Normalement, le propos prend du sens par rapport au débat public, et là, ce n'est plus le débat qui sert de référence, mais l'identité de celui qui porte la critique. Ce n'est plus tant l'acte qui compte, mais le sens de celui qui commet l'acte, l'intentionnalité. Une intentionnalité révolutionnaire, par exemple. Ce glissement est important et peut s'appliquer à n'importe quoi, permettre de scruter le discours d'organisations politiques par exemple, et d'ouvrir des répressions très dures."
Pour l’heure, la surveillance ciblée des communications et de l'activité matérielle des organisateurs de filières djihadistes de la part des services anti-terroristes français semble efficace. Mais la riposte de ces réseaux djihadistes commence déjà à s'opérer : les membres du djihad incitent par exemple leurs pairs à éviter les communications électroniques, comme c'est le cas dans de nombreux réseaux mafieux, et lorsque c'est une nécessité, à utiliser des outils sophistiqués pour masquer leurs échanges sur le réseau.