Fil d'Ariane
Le scénario est le même qu’il y a cinq ans. Emmanuel Macron, candidat à sa réélection, est favori dans les sondages du second tour. Si les tendances ont peu de chances de s’inverser d’ici le second tour de l’élection, certains facteurs pourraient porter préjudice au président sortant.
Avant le premier tour, certains sondages donnaient un écart très faible entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen au second tour. Un sondage Harris Interactive réalisé pour l’hebdomadaire français économique Challenges plaçait Emmanuel Macron à 51,5% des intentions de vote. Marine Le Pen était quant à elle créditée de 48,5% des intentions de vote.
L’écart entre les deux candidats s’est stabilisé, sans que l’on puisse non plus parler d’un écart qui s’est terriblement accru.Bruno Cautrès, chercheur au CEVIPOF
« Pour le moment, je ne distingue pas de claire dynamique, si ce n’est que l’avantage en faveur d’Emmanuel Macron s’est légèrement renforcé », analyse Bruno Cautrès, chercheur au Centre de recherches politiques de Science Po (CEVIPOF). Il constate que « l’écart entre les deux candidats s’est stabilisé, sans que l’on puisse non plus parler d’un écart qui s’est terriblement accru. »
Depuis le premier tour, 32 enquêtes ont été réalisées par des instituts. Toutes donnent le candidat LREM en tête des intentions de vote. L’écart se creuse légèrement avec la candidate d’extrême-droite. La dixième vague de l’enquête Ipsos Sopra Steria, publiée ce 20 avril confirme cette dynamique. Emmanuel Macron est donné en tête avec 56% des intentions de vote, contre 44% pour Marine Le Pen, avec une marge d’erreur de 1,1 point.
C’est la troisième fois que Marine Le Pen est candidate à la présidentielle, c’est la deuxième fois qu’elle est qualifiée pour le second tour, donc elle devient une candidate plus 'mainstream' qu’avant.Bruno Cautrès, chercheur au CEVIPOF
Le casting est le même, mais les enjeux diffèrent légèrement. « En 2017, le différentiel entre les deux candidats était beaucoup plus important », rappelle le chercheur au CEVIPOF Bruno Cautrès. Lors de la précédente élection, « on pouvait fixer la probabilité de victoire de Marine Le Pen à zéro, alors que là ce n’est plus le cas », poursuit-il.
Selon lui, la candidate d’extrême droite « est devenue un élément permanent de notre décor politique » et « elle a presque naturellement gagné en stature présidentielle. » « C’est la troisième fois qu’elle est candidate à la présidentielle, c’est la deuxième fois qu’elle est qualifiée pour le second tour, donc elle devient une candidate plus incontournable qu’avant », résume le politologue Bruno Cautrès.
Cependant, des inconnues subsistent avec ces sondages. « Ils ne prennent pas en compte l’abstention, ni le vote blanc ou le vote nul », rappelle Bruno Cautrès. Un sondage effectué par Ipsos indique que 28% d’électeurs souhaitent s’abstenir de voter dimanche. Pour rappel, au premier tour, 23,1% des électeurs ne s’étaient pas rendus aux urnes.
Beaucoup plus de Français pensent que leur situation et celle de la France se détérioreront quel que soit le résultat.Brice Teinturier, directeur d'Ipsos
Pour le politologue Bruno Cautrès, « tout va dépendre du différentiel entre l’abstentionnisme à gauche. » Selon lui, « une partie de la gauche estime ne pas s’y retrouver face au scénario du deuxième tour » et pourrait donc être tentée par l’abstention.
Arrivé troisième au premier tour avec 21,95% des suffrages exprimés, Jean-Luc Mélenchon réalise une consultation auprès de ses soutiens en vue du second tour de l’élection, dont les résultats ont été publiés le 17 avril. Le vote blanc ou nul est arrivé en tête, avec 37,65%. Ensuite, vient Emmanuel Macron, qui récolte 33,4% des voix, puis l’abstention, avec 29%. Au total, 215 292 personnes ont participé à cette consultation.
« Le différentiel d’abstention peut faire évoluer légèrement le score pour Marine Le Pen », note le politologue. Cependant, il considère que cela ne fera pas mentir les sondages.
De son côté, Brice Teinturier, directeur de l’institut de sondages Ipsos estime dans une interview à la chaîne d'informations en continu française LCI que « beaucoup plus de Français pensent que leur situation et celle de la France se détérioreront quel que soit le résultat. » Selon lui, cette forte abstention est synonyme de lassitude envers la situation politique actuelle.
Historiquement, le débat de l’entre-deux tours n’a jamais fait évoluer les rapports de forces entre les candidats. « Ça bouge rien, ou peu, cela conforte beaucoup les uns et les autres », note Gilles Finchelstein, directeur de la Fondation Jean-Jaurès, interrogé par l'AFP. Lors du scrutin de 2017, le débat de l’entre-deux tours avait mis en difficulté la candidate du Rassemblement National.
Voir : Présidentielle française : quel peut être l'impact du débat télévisé sur le scrutin de dimanche ?
De son propre aveu, elle s’était montrée « agressive. » Ce débat avait eu « un effet d’amplification important » en faveur d’Emmanuel Macron, qui avait remporté l’élection avec 66,1% des suffrages exprimés, contre 33,9% pour Marine Le Pen, selon le directeur de la Fondation Jean-Jaurès.
Le débat ne pourra pas bouleverser les choses, sauf si l’on voyait l’un des deux candidats se planter totalement.Bruno Cautrès, chercheur au CEVIPOF
Le politologue Bruno Cautrès estime que pour la candidate d’extrême droite, l’enjeu est « de montrer qu’elle a progressé par rapport à il y a cinq ans. » Pour y parvenir, « il faut qu’elle montre qu’elle maîtrise mieux les dossiers », poursuit-il. Le chercheur du CEVIPOF est d’avis que « le débat ne pourra pas bouleverser les choses, sauf si l’on voyait l’un des deux candidats se planter totalement. »
« Ce débat peut faire bouger les lignes », considère le directeur de l’institut de sondage Ipsos Brice Teinturier sur LCI. Cependant, l’issue du scrutin ne sera pas bouleversée selon lui. Il estime que Marine Le Pen est celle qui a le plus à perdre dans ce débat. « Elle doit effacer l’humiliation de 2017 mais elle doit aussi impérativement marquer des points sur des questions clés », analyse-t-il.