Les touristes qui viennent se reposer là-bas avec l'azur au fond des lunettes connaissent-ils exactement la situation du pays, loin des bungalows climatisés ? Sans doute pas. Les catalogues des agences de voyage, dont le but est de vendre du rêve, oublient de signifier cette réalité, forcément moins aimable. Pas un mot sur les humiliations et brimades subies par des dizaines de milliers d’immigrés employés dans les hôtels de luxe, silence radio sur les romans et la poésie qui doivent passer par la censure islamique, aucun écho sur les lapidations publiques des femmes adultères et mariages précoces, parfois dès l'âge de 9 ans... De même, à quoi bon évoquer les agressions de journalistes et les peines de flagellation ?
Selon un rapport de l'Unicef de 2009, une femme sur trois est victime de violences sexuelles ou de viol entre quinze et cinquante ans. En mars 2013, une adolescente de quinze ans, victime d’un viol, a été condamnée à cent coups de fouet et huit mois d’assignation à résidence.
Gabriela Knaul, en 2013, la rapporteure spéciale de l’ONU, a rendu
un rapport assassin sur les dysfonctionnements du système judiciaire, toujours aux ordres du gouvernement. Preuve du délabrement de cette justice : Mohamed Nasheed, ex président de la République. Il a été arrêté le 22 février pour des infractions liées au terrorisme. Selon les accusations, il aurait ordonné, pendant son mandat présidentiel, l’arrestation illégale du président de la juridiction pénale alors en poste. Arrêté, il lui a été impossible de parler à des avocats, lesquels n'ont pas eu le temps de préparer sa défense. 13 ans de prison.
Mohamed Nasheed, souffrant du dos, a été autorisé à quitter sa prison pendant trente jours pour être soigné au Royaume-Uni. Son cas est suivi par l'avocate britannique Amal Clooney, femme de l'acteur Georges Clooney. Elle appelle à des sanctions ciblées d'urgence contre plusieurs membres du gouvernement des Maldives, y compris des gels d'avoirs et des interdictions de voyager.
"
Il n'y a aucun doute que je retournerai un jour aux Maldives. déclarait le 25 janvier dernier Mohamed Nasheed.
La question c'est de savoir quand et comment" .
Riposte immédiate de Dunya Maumoon, ministre des Affaires étrangères : "
Il est désormais limpide que l'objectif de Monsieur Nasheed est d'attirer la publicité au Royaume-Uni. Ce n'est pas un séjour médical, c'est un séjour médiatique".
Retirer les Maldives des catalogues de voyage ?
Comment interpeller l'opinion publique sur la situation aux Maldives ?
En novembre dernier, la députée française européenne Michèle Rivasi proposait une résolution pour appeler ces même agences à retirer les Maldives de leurs catalogues. Peine perdue. En réaction à l'Etat d'urgence nouvellement décrété, Abbas Faiz, chercheur sur les Maldives à Amnesty International, prévenait : "
Les autorités des Maldives ont des antécédents en matière de suppression de la liberté d'expression et de toute forme d'opposition, qui s'intensifie depuis deux ans. Elles doivent respecter leurs obligations découlant du droit international relatif aux droits humains durant cette période d'urgence. La déclaration de l'état d'urgence ne doit pas être le précurseur d'une nouvelle répression contre la dissidence et d'autres violations des droits humains. Le gouvernement ne doit pas s'en servir pour réduire au silence la liberté de parole ni empiéter sur les droits fondamentaux"
Le 31 août, dans une vidéo non authentifiée du groupe Etat Islamique, trois hommes masqués menaçaient de tuer le président des Maldives, Abdulla Yameen, et déclaraient vouloir déclencher une campagne terroriste sur les îles. Le groupe réclamait la libération du leader de l'opposition Sheikh Imran Abdulla, arrêté en mai, après des manifestations antigouvernementales.
Quelques jours plus tard après la publication de cette vidéo, le président des Maldives, qui revenait de son pèlerinage à La Mecque, échappait à une explosion survenue sur la vedette qui le ramenait de l’aéroport à la capitale. Sa femme et un garde du corps étaient légèrement blessés.
Manipulation ou avertissement ?
La menace, cependant, paraît sérieuse. A Malé, en septembre 2014, des manifestants arboraient les couleurs de Daech et réclamaient l'application de la charia aux Maldives en criant : "
La charia va dominer le monde", "Pas de charia, pas de paix ! "Enfin, la petite république islamique serait, en proportion, l'un des plus gros fournisseurs de combattants en Syrie et en Irak, avec plusieurs centaines de djihadistes.
De quoi peut-être contrarier le bronzage des vacanciers.